Ou les théories complotistes de JMB. Un autre « éclairage » sur le livre censé rétablir la vérité sur les relations idylliques entre Benoît XVI et lui, avec entre eux un intrigant qui avait mis l’ « émérite » en coupe réglée et le gardait peut-être même (oyez, braves gens) prisonnier à Mater Ecclesiae.
Giuseppe Nardi relève en outre la confidence surréaliste du pape à son interlocuteur complaisant: « c’est la pure vérité » dit-il, phrase qui annonce généralement un gros mensonge dont on cherche à se justifier (imaginons à la place Benoît XVI, ou, mieux encore, Pie XII!!).

Le livre d’entretiens de Javier Martínez Brocal avec le pape François poursuit des objectifs clairs :

  • Les décisions de François sont présentées comme si Benoît XVI les avait (aussi) voulues.
  • Là où Benoît XVI ne peut pas être attaqué directement, ceux qui l’ont soutenu sont discrédités.
  • Benoît XVI est présenté comme une figure paternelle fictive du pape régnant.
  • Les questions gênantes sont certes posées pro forma, mais uniquement pour les laisser sans réponse et détourner l’attention avec l’aide de Martínez Brocal.
  • L’archevêque Georg Gänswein, fidèle secrétaire de Benoît XVI, bénéficie d’un traitement particulièrement « amical ».

Un exemple qui illustre cela.

Ainsi, François affirme que Benoît XVI avait déjà prévu de nommer le diplomate du Vatican Pietro Parolin au poste de cardinal secrétaire d’Etat à la place du cardinal Tarcisio Bertone, mais qu’il en avait été empêché par des cercles puissants.

En réalité, Parolin n’était en 2006 que vice-ministre des Affaires étrangères en tant que sous-secrétaire à la Secrétairerie d’Etat du Vatican et n’était même pas encore évêque. Parolin ne sera promu nonce apostolique et archevêque titulaire qu’en 2009.

Benoît XVI était déterminé à réduire l’influence des diplomates au Vatican. Ne serait-ce que pour cette raison, il ne lui serait jamais venu à l’idée de remplacer le non-diplomate Tarcisio Bertone, souvent critiqué, par un diplomate professionnel de l’équipe de Sodano comme Parolin.

Cela a valu à Benoît l’opposition durable des diplomates du Vatican qui s’étaient rassemblés autour de l’ancien cardinal Angelo Sodano, secrétaire d’État, et qui ont entravé et boycotté le pontificat du pape allemand chaque fois que cela était possible.

Lors du conclave de 2013, cette cordée a soutenu le candidat qui les ramènerait à leurs positions de pouvoir : Jorge Mario Bergoglio.

Le diplomate de carrière Beniamino Stella, nommé nonce et archevêque titulaire en 1987, dirigeait en 2013 l’Académie pontificale diplomatique, qui a servi de plaque tournante pour l’élection du pape. Le cardinal Bergoglio entrait et sortait de l’Académie par une porte latérale pendant les congrégations générales qui précédaient le conclave. Stella a été récompensé pour ses services par la pourpre cardinalice et par une promotion atypique pour un diplomate au poste de préfet de la Congrégation pour le clergé .

En bref : l’histoire est tout simplement inventée.

Sur Gänswein :

Le 11 juin 2024, François avait rencontré une partie du clergé romain. A cette occasion, il a raconté le déménagement « scandaleux » d' »un monseigneur » qui avait emporté « deux semi-remorques » pleines en quittant le Vatican.

La charge « paupérisante » de François s’adressait à Mgr Gänswein. Ce que le pape n’a pas dit, c’est qu’il s’agissait de deux simples camions qui n’ont pas seulement emporté les affaires de Gänswein sur tout de même 30 années de vie passées à Rome, mais aussi celles des quatre Memores Domini qui avaient pris soin de Benoît XVI, ainsi que des affaires du pape allemand qui ne sont pas restées au Vatican. Comme il est peu probable que François reste toute la journée à la fenêtre pour compter les camions, l’ « information » lui a été transmise. A combien d’autres ragots le pape prête-t-il l’oreille ?

Dans le livre de Javier Martínez Brocal, François lance une autre pique dirigée contre Mgr Gänswein. Là aussi, il s’agit d’une histoire qui semble aussi plausible que l’hippopotame sur la lune. Lorsque Benoît XVI est tombé malade, François lui a rendu visite au monastère Mater Ecclesiae:

Immédiatement après, cependant, quelque chose de très grave s’est produit. Alors que je quittais le couvent, l’un des médecins a dit d’un ton méprisant à l’infirmier qui m’accompagnait : ‘Vous êtes un espion’. Ce que je raconte ici est la pure vérité. Les médecins m’ont dit que rien ne devait filtrer. D’une certaine manière, il m’est venu à l’idée qu’ils gardaient Benoît en quelque sorte ‘en détention’. Je ne veux pas dire prisonnier ou enfermé, bien sûr, mais ‘surveillé’.

Notez le choix des mots : « la pure vérité », qui rappelle de manière frappante le titre du livre de Gänswein « Rien que la vérité ».

Est-il digne d’un pape d’utiliser un vocabulaire aussi grossier ? Cela provoque presque des questions.

L’allusion, « il m’est venu à l’idée », est bien sûr dirigée contre Gänswein, le secrétaire personnel, car qui d’autre aurait « gardé en détention » et « surveillé » Benoît XVI ? Benoît est caricaturé par François comme victime de machinations et de manipulations et Gänswein, inévitablement, comme peu fiable et calculateur.

Mais, comme le montre la nomination de Gänswein comme nonce dans les pays baltes, il semble qu’il y ait ici surtout UN calculateur : François, qui rabaisse ses adversaires pour ensuite en rattraper quelques-uns de manière bienveillante. Tout semble être pour lui une question d’image, de son image. Et d’ailleurs, comment un pape en arrive-t-il à déformer le Vatican en un nid de vipères et d’intrigues, comme l’ont fait des centaines d’ennemis de l’Eglise, en mentant comme des arracheurs de dents ?

Gänswein a supporté tout cela patiemment et en silence, même lorsque François s’est agacé de l’agitation autour de la mort de Benoît XVI et a empêché, même au Vatican, non seulement le deuil national mais aussi un deuil officiel dans son ensemble.

La raison ? Un deuil officiel n’est réservé qu’aux chefs de gouvernement – c’est digne de la Corée du Nord. L’allusion était aussi cinglante qu’injuste. François savait bien sûr qu’il n’y avait pas eu de décès d’un ancien pape depuis plus de 700 ans et qu’il n’y avait de toute façon jamais eu de protocoles pour une telle éventualité. Aujourd’hui encore, on dit à Rome que les honneurs que François a rendus à son prédécesseur dans la mort étaient « minables ».

Entre autres, le fait que l’homélie de François devant le cercueil de Benoît ait été non seulement étonnamment courte [même] pour des normes bergogliennes, mais que le pontife argentin ait réussi le « tour de force » de ne pas mentionner un seul mot du défunt, de sa vie et de son œuvre.

Ou encore le refus, bien que plusieurs cardinaux lui aient demandé de ne pas célébrer la messe des morts le jeudi, mais de la déplacer au samedi, afin de leur permettre de se rendre sur place.

De même, le fait que François, après avoir donné la bénédiction, n’ait pas attendu que le cercueil contenant le corps de Benoît soit porté dans la crypte papale – où il ne voulait de toute façon pas l’accompagner – mais lui ait immédiatement tourné le dos et ait quitté la basilique Saint-Pierre.

« Ceux qui étaient dans la sacristie avant et après la messe peuvent témoigner de la colère de François ce jour-là », a déclaré le blog des prêtres romains Silere non possum.

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