Après la recension d’un livre soutenant l’invalidité de l’élection de 2013 [cf. La démission de Benoît XVI est invalide] , le vaticaniste a mis en ligne successivement il y a une quinzaine de jours deux articles « coups de poing » que je me réservais de traduire plus tard. Son témoignage est extrêmement intéressant pour diverses raisons:

  1. Bien que ni clerc, ni théologien, il domine bien son sujet, qu’il suit depuis depuis longtemps, ayant été pendant des années le vaticaniste-star du service public italien (son opposition à JMB lui a coûté sa place)
  2. Il a sans doute eu de ce fait l’occasion de nouer des contacts derrière les « Murs sacrés » et il a donc accès à des informations de première main.
  3. Il connaît bien le monde des médias, et leur rôle crucial dans l’élaboration et la transmission du « narratif » de ce pontificat
  4. Ses articles transpirent la sincérité de sa foi catholique
  5. Et SURTOUT il a connu le cheminement atypique d’un catholique « libéral » (nous dirions plus ou moins « catho de gauche ») au départ favorable à François (il n’a donc rien d’un bergogliophobe primaire) qui a progressivement ouvert les yeux au fil du pontificat, bref qui a été foudroyé sur son propre « chemin de Damas ».

Sur les raisons de la démission de Benoît XVI, il n’en sait pas plus que les observateurs avertis et ce qu’il dit n’est que son opinion, mais qu’il commence à s’interroger sur la légitimité de François est un énorme pas, très significatif, compte tenu de son parcours.

Image Duc in Altum

Démission de Benoît XVI, élection de Bergoglio, attaque contre Pierre (I).

De « Duc in altum » à cœur ouvert

AM Valli
Duc in altum
14 juin 2024

Après ma recension du mini-essai d’Enrico Maria Radaelli, dans lequel il soutient l’invalidité de la renonciation de Benoît XVI et, par conséquent, l’invalidité de l’élection de François, certains m’ont demandé si j’avais changé d’avis. Jusqu’à présent, en effet, au milieu de mille doutes, j’ai soutenu que, bien que douloureuse et déshonorante pour l’Église catholique, la renonciation de Papa Ratzinger était valide, et qu’il en allait de même pour l’élection de Papa Bergoglio.

Mais François et ses collaborateurs ont tout fait et continuent de tout faire pour accroître mes doutes. Et avec le document présenté hier (13 juin, ndt) sur l’évêque de Rome [voir ici], dans lequel, pour l’essentiel, la primauté pétrinienne est radicalement remise en cause, la petite lumière de ma pauvre conscience qui signale un danger s’est mise à clignoter à plein régime.

Dire que le document est problématique est un euphémisme. Franchement, il me semble hérétique. La fonction papale n’est plus au service de la vérité, mais d’une idée ambiguë de l’unité. Et Pierre, le roc, est réduit à un fonctionnaire soumis aux catégories de la synodalité et de l’œcuménisme.

Tout ce discours est sous-tendu par l’idée historiciste que le dogme peut évoluer (voire DOIT évoluer) pour être redéfini en fonction du contexte historique (le dogme comme le yaourt, disait un ami canoniste : au bout d’un certain temps, il est périmé et doit être jeté).

Or, comprenez bien qu’à partir du moment où Pierre lui-même, le roc, est attaqué et remis en cause dans ses particularités, à l’intérieur de la conscience d’un pauvre catholique qui lutte pour rester catholique, non seulement la petite lumière clignote follement, mais on peut y ajouter une sirène qui sonne une alarme effrayante. Nous sommes attaqués de toutes parts. La fondation est attaquée. Pierre, le roc, est attaqué. Et de l’intérieur !

Dès lors, à la lumière de l’ampoule et au son de la sirène, comment ne pas tout remettre en question, à commencer par la démission de Benoît XVI? Dites-le moi, vous. Seul un catholique chloroformé peut rester assis et observer.

Vous savez que depuis longtemps, au moins depuis (…) je ne peux pas voir Pierre dans la figure de Bergoglio, parce qu’il ne me confirme pas dans la foi.

Mais aujourd’hui, de cette perception, disons, intime et émotionnelle, je passe de plus en plus à une conviction rationnelle. Maintenant qu’il en est venu à remettre en question Pierre, le roc , Bergoglio s’est révélé : non pas pape, mais antipape.

Mais comment et pourquoi en est-il arrivé là ?

C’est là qu’intervient Ratzinger avec sa funeste renonciation. Funeste et très probablement, comme le dit Radaelli, invalide, parce que Ratzinger a prétendu diviser Pierre en deux, un Pierre avec la fonction de gouvernement et un Pierre avec la fonction de prière. Mais l’opération n’est pas possible, car Jésus a voulu que Pierre soit un. Par conséquent, au-delà de toutes les distinctions subtiles entre munus et ministerium, la renonciation est invalide à la base, dans son essence, et c’est une invalidité qui peut être perçue même par un simple croyant qui n’est pas bien versé dans le domaine théologique et canonique.

La question de savoir comment le théologien Ratzinger a pu en arriver à une telle aberration reste ouverte. En effet, sa renonciation, marquée à la base par une affirmation insensée et insoutenable, est configurée comme invalide, donc inopérante. Ce qui invalide et rend inopérant tout ce qui a suivi, à commencer par le conclave qui a élu Bergoglio.

Je comprends qu‘ici s’ouvre un scénario effroyable, digne d’un film d’horreur : alors, depuis ce 11 février 2013, où Benoît XVI a annoncé sa renonciation, vivons-nous un mensonge ? Sommes-nous vraiment sans pape ?

Voulez-vous une réponse claire ? Je commence à penser que oui. Je commence à penser que le bon Dieu nous soumet tous à cette terrible épreuve pour nous tester, pour tester notre foi. Pour vérifier si nous sommes éveillés ou endormis.

Voilà. Ma réflexion est allée jusque là. Je l’ai résumée de la manière la plus simple et, je pense, la plus honnête possible.

Comment s’en sortir ? Radaelli en appelle aux cardinaux dans son essai. J’aimerais pouvoir faire de même. Malheureusement, j’ai été vaticaniste pendant de nombreuses années, ce qui m’empêche de garder espoir à cet égard.

Mais le bon Dieu fait des miracles. Et peut-être que dans l’horreur qu’il a conçue pour nous, pour notre bien, il nous réserve encore quelques épisodes.


Démission de Benoît XVI, élection de Bergoglio, attaque contre Pierre (II).

« Duc in altum » à cœur de plus en plus ouvert

AM Valli
Duc in altum
15 juin 2024

[Après ce premier article, AM Valli a reçu de nombreuses réactions de lecteurs. Selon lui, les commentaires se divisent en deux écoles de pensée]

(…)

D’un côté, il y a ceux qui m’écrivent que la renonciation de Benoît XVI est valide, que l’élection de François est également valide, que les problèmes n’ont certainement pas commencé avec Bergoglio et qu’il est inutile, voire nuisible, de continuer à se torturer les méninges à ce sujet. Il faut simplement accepter la réalité telle qu’elle est, avec confiance dans le plan providentiel du Dieu bon, même si humainement cela nous fait souffrir.

De l’autre côté, il y a ceux qui me félicitent d’avoir enfin contesté la validité de la renonciation, et donc de l’élection de François qui s’en est suivie, et d’avoir pris acte du fait que Rome se trouve de fait sans pape.

Puis, dans cette deuxième catégorie, il y a ceux qui me demandent de faire le dernier pas : reconnaître que Ratzinger, sous la pression, a élaboré un plan pour se retirer comme pape captif, mettant ainsi son successeur hors la loi [la thèse-Cionci, donc – ndt].

Ayant connu Ratzinger, et connaissant son mode de raisonnement, je dis que cette dernière hypothèse, celle du pape qui s’est placé en sede impedita, me paraît farfelue. D’ailleurs, pourquoi aurait-il mis son successeur à l’écart puisqu’il était convaincu que le conclave né de sa démission élirait le cardinal Scola, son élève en théologie et un homme de confiance ? [à mon humble avis, le Saint-Père l’espérait, ce qui est très éloigné d’être convaincu. Donc cet argument ne tient pas]

Ce que je pense, c’est que Ratzinger a démissionné parce qu’il était fatigué et qu’il n’en pouvait plus. L’insomnie était devenue insupportable, les médicaments qu’il prenait avaient perdu leur efficacité et il ne voyait pas d’autre issue.

Mais là, il a commis une grave erreur. Au lieu de se retirer dans la prière, de se débarrasser de sa robe blanche et de disparaître, il prétendit rester pape émérite, inventant une figure inédite et même impossible, car Pierre est unique et son mandat ne peut être partagé. Une grande confusion est née de cette erreur, comme le montre bien la chronique des dix années que Ratzinger a passées au Vatican en tant que pape émérite, années au cours desquelles il a continué à porter du blanc, à s’appeler lui-même et à signer des lettres en tant que pape.

Certains disent : ce n’était pas une erreur, mais un calcul, une manœuvre astucieuse. C’est à juste titre, dit-on, que Benoît XVI n’a renoncé qu’au ministerium, l’exercice de la papauté, et non au munus, le fait d’être pape. Il avait été menacé, même de mort. S’il s’était dépouillé de la robe blanche et que cette renonciation avait entraîné sa disparition dans un monastère lointain et inconnu, le conclave qui s’en est suivi aurait été valide. Au lieu de cela, grâce au génie de la papauté émérite, il a mis à l’écart son successeur, qui est donc illégitime.

Je le répète. Tout ce plan n’appartient pas vraiment à la forma mentis de Ratzinger. Il est bien trop tordu pour avoir été conçu par un théologien à la pensée rectiligne.

Et alors ? Alors, simplement, à mon humble avis, Ratzinger n’a pas eu envie de franchir le pas de la renonciation dans son intégralité. Il a fait, pour ainsi dire, un demi-pas. Et au lieu de disparaître, comme mort, il a fait semblant de rester un pied encore dans le périmètre de la papauté, avec un rôle qu’il s’était inventé mais qui était complètement incongru à tous points de vue.

Toutes les hypothèses sont possibles sur les raisons de cette erreur. Il est probable qu’il ait agi ainsi par une sorte de culpabilité. Sachant qu’il descendait de la croix, il a essayé de limiter les dégâts et de les rendre plus acceptables, d’abord pour lui-même. Et c’est là que je reconnais le caractère de Ratzinger. Quoi qu’il en soit, l’erreur demeure, avec toutes les conséquences qu’elle a entraînées. Et c’est là qu’apparaît l’invalidité de la renonciation. Non pas, donc, d’une ruse pour mettre le successeur hors-jeu, mais d’une prétention impossible. Si l’on veut, d’une faiblesse de Ratzinger.

Donc, si nous supposons que la renonciation est invalide, le conclave qui a suivi et le pape qui en est issu deviennent également invalides. Et c’est là que réside ma réflexion de simple catholique. Si en 2013, au lendemain de l’élection de Bergoglio, toutes ces idées pouvaient flotter dans ma tête sans lien concret avec la réalité, aujourd’hui, avec un peu de recul, je ne peux que constater que Bergoglio s’est révélé si destructeur pour l’Église et si dommageable pour la foi (et donc pour le salut des âmes) que je me pose des questions de plus en plus radicales. Sommes-nous face à un Pierre qui fait le mal ou à un faux Pierre ? Un Pierre juste un peu ambigu, superficiel et confus, ou un anti-Pierre ?

(…) Aujourd’hui, en ce mois de juin (mois du Sacré-Cœur de Jésus) 2024, après que le Vatican a produit un document sur l’évêque de Rome dans lequel le pouvoir de Pierre est soumis aux catégories de l’œcuménisme et de la synodalité, nous avons un Pierre qui mange Pierre.

Un Pierre qui se discrédite et se déshonore. Un fait si énorme et si bouleversant qu’il devrait immédiatement provoquer la réaction de tout baptisé. Et je me demande comment il est possible que tant de catholiques ne réagissent pas.

Un cher ami du blog, craignant que votre serviteur ne soit devenu sédévacantiste, m’écrit : « Restez lucide. C’est difficile, car nous sommes entourés de folie, mais absolument nécessaire. Bergoglio est pape. Mauvais pape, mais pape. La démolition de la papauté n’a certainement pas commencé en 2013. Depuis le Concile Vatican II, aucun pape n’est irréprochable. (…) Bergoglio et sa bande de larbins ne font que mettre des clous dans le cercueil, mais ils ne sont certainement pas les meurtriers.

C’est ce que j’ai toujours pensé, et je l’ai écrit à plusieurs reprises. Bergoglio n’est que le dernier maillon d’une chaîne. Mais aujourd’hui, face à ce fait nouveau et bouleversant de Pierre mangeant Pierre, face à ce document du Vatican qui sort du placard avec le projet d’éliminer Pierre de l’intérieur, je me demande si, par hasard, Bergoglio ne s’est pas révélé à ce moment-là pour ce qu’il est : un antipape. Et si, sur la base des faits, Bergoglio s’avère être un antipape (j’utilise le préfixe « anti » au sens littéral d’opposition, de contraposition mais aussi d’inversion), alors il faut relire toute l’histoire de ce pontificat à l’envers, jusqu’à l’élection de François et la renonciation à Benoît XVI dont il est issu. Et, ce faisant, un simple catholique comme moi ne peut que constater que tout se démêle logiquement, depuis la faiblesse de Pierre, jusqu’à la débâcle d’aujourd’hui.

Suis-je devenu sédévacantiste ? Je n’en sais rien. Peut-être ne le suis-je qu’au regard du pontificat actuel. Mais je mets de côté les étiquettes. Nous en avons déjà trop et elles ne font souvent pas avancer le raisonnement.

Vous me direz : mais pourquoi le bon Dieu nous mettrait-il dans la situation où nous sommes ? Mystérieux sont les desseins divins. Peut-être que le bon Dieu, qui veut toujours et de toute façon notre bien, nous teste, pour voir si nous sommes éveillés ou endormis. Un examen qui, pour être efficace, ne peut se faire qu’au moyen d’un choc, d’une véritable secousse. Et en effet, nous constatons que le choc a amené et amène de nombreux croyants à se remettre en question, à ouvrir les yeux et à redécouvrir ce qui est vraiment fondamental pour la foi et le salut. En ce sens, la réalité dans laquelle nous sommes plongés depuis cette funeste année 2013, même si humainement elle nous fait souffrir (j’ai parlé d’horreur) est hautement providentielle. Dieu est en train de nous passer au crible. Et il compte manifestement sur les éveillés. (Excusez-moi de m’exprimer ainsi. Je ne le fais que par souci de clarté. Et que le bon Dieu me pardonne).

Trouvera-t-on un jour une poignée de cardinaux capables de déclarer Bergoglio, sur la base de faits incontestables, antipape, annulant ainsi tout son anti-magistère ? Je ne le sais évidemment pas. Mais le fait que nous en discutions ici constitue, me semble-t-il, une étape supplémentaire dans la démonstration en cours.

Le caractère exceptionnel de la situation ne doit pas nous effrayer. Au contraire, la démonstration, pour être efficace, doit être vécue dans l’urgence, car c’est précisément la conscience de la situation dangereuse et des enjeux qui nous donne l’énergie nécessaire pour affronter, avec opiniâtreté et même avec obstination, un examen auquel nous nous soustrairions volontiers.

Share This