Les élections européennes de juin dernier se sont prolongées chez nous en ce qu’on a cru pouvoir être un bouleversement politique, social et même sociétal (craint, ou espéré, selon le point de vue). Et au contraire tout s’est terminé en une farce illustrant le mépris total (pour rester poli) de la voix du « peuple ».
Passée la bouffonnerie électorale, le parlement européen est immédiatement retombé dans l’oubli de la conscience populaire.
Presque personne ne s’est intéressé à la reconduction de la sinistre von der Leyen (que l’ « homme de la rue » ne connaît même pas) à la tête de la commission européenne, grâce à des magouilles politicardes qui devraient faire honte à TOUS les élus, même ceux qui n’ont pas voté pour elle, pour être complices de ce honteux spectacle donné à l’intention du vulgum pecus.
Occasion pour Stefano Fontana d’étendre la réflexion à la nature de cette Union (ou prétendue telle) Européenne, « non pas un gouvernement mais une gouvernance qui s’éloigne de la politique fondée sur le bien commun ».

Cirque
L’ « insoumise » Manon Aubry célèbre la démocratie avec von der Leyen

Dans l’Union européenne, il n’y a pas de gouvernement au sens politique classique du terme. Il y a une gouvernance, c’est-à-dire un réseau d’acteurs qui se mettent progressivement d’accord sur les choses à faire…

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L’homme européen doit être déraciné et universalisé, il doit avoir une nature incertaine et fluide, la transnationalité européenne doit prévaloir sur les identités nationales. L’Union développe une véritable rééducation et une formation de masse en vue de ce type d’homme. Les dimensions post-identitaires et massifiantes sont promues à l’appui d’un homme européen qui n’existe que comme une abstraction construite, et tout cela s’appelle l’« européanisme ».

L’UE, une construction artificielle et idéologique

Stefano Fontana
lanuovabq.it/it/la-ue-una-costruzione-artificiale-e-ideologica
22 juillet 2024

L’élection d’une von der Leyen 2, au mépris du vote de l’Europarlement, révèle toute la dangerosité du sujet Union européenne : non pas un gouvernement mais une gouvernance qui s’éloigne de la politique fondée sur le bien commun.

Un bilan complet des élections européennes et de leur résultat encombrant requiert de ne pas s’arrêter à la nécessaire critique de la nouvelle majorité et de la Commission von der Leyen 2, mais d’élargir le regard à la nature même de l’Union que cette occasion a encore mise à nu.

Tous les ingrédients de ce dernier événement électoral, qui a laissé de nombreux Européens abasourdis, déclarent sans l’ombre d’un doute que l’Union est une construction artificielle, qu’elle ne pourra pas durer longtemps ou, à tout le moins, qu’elle produira de graves dommages.

La rhétorique européiste, la complexité et la lourdeur des règles de procédure, le manque de représentativité des votes nationaux, l’influence d’individus et de groupes non élus, le retour sur la scène européenne de personnes déjà rejetées dans leur propre pays, le peu de cas fait de l’absence d’unité civique préalable et constitutive du moment électoral, la vacuité de la notion de bien commun européen, la dangereuse primauté du droit européen sur le droit national, le mélange insidieux du public et du privé dans la gestion administrative et non politique de la Commission …. autant d’aspects inquiétants mis en lumière par la récente phase électorale.


Le fait que nous ayons un duplicata du précédent gouvernement européen, et même plus à gauche que ne l’était le précédent, alors qu’une volonté évidente de changement s’était dégagée de ces élections, insuffisante en termes de sièges mais politiquement très significative, fait tomber une fois de plus le masque de la nature même de l’Union et la montre pour ce qu’elle est : un artifice contre-nature et une construction idéologique.

Dans l’Union européenne, il n’y a pas de gouvernement au sens politique classique du terme. Il y a une gouvernance, c’est-à-dire un réseau d’acteurs qui se mettent progressivement d’accord sur les choses à faire dans une complexité de relations qui semble destinée à désorienter – désorienter d’abord les électeurs qui ne parviennent pas à se faire une idée claire de la relation entre leur vote et ce conglomérat de projets enchevêtrés.

Cette gouvernance ne comprend pas seulement des acteurs institutionnels, comme les Etats membres dans leurs différentes articulations, ou des parlementaires élus, ou des « experts » nommés par les différents gouvernements, mais aussi des acteurs privés, profiteurs, techniciens aux compétences diverses, fondations et centres d’influence privés, groupes de pression et lobbies.

L’Union européenne n’est pas un sujet politique à part entière, car elle combine le jugement politique avec le jugement apparemment neutre de l’« expertise », de l’« expérience » ou de la « technique ». Des agences indépendantes sont appelées à donner une appréciation réputée objective pour échapper aux résultats électoraux. À tout moment, un Draghi peut venir s’insérer dans le système pour donner des directives, ou une émanation du Forum de Davos [Mario Draghi: vice-président pour l’Europe de Goldman Sachs de 2002 à 2005, gouverneur de la Banque d’Italie de 2006 à 2011, puis président de la Banque centrale européenne de 2011 à 2019, il est chargé en février 2021 (en plein Covid) de former un gouvernement « technique » qui prend fin 18 mois plus tard à la suite d’une crise politique et d’élections anticipées – ndt, wikipedia] faire pression pour la poursuite du New Deal vert comme instrument fondamental d’un reset général de l’économie et même de l’alimentation.

Les électeurs votent pour leurs candidats, mais ils savent qu’ils compteront peu – comme l’a confirmé von der Leyen 2 – et finiront par disparaître dans l’insignifiance de cette gouvernance entremêlée d’intérêts publics et privés. C’est pourquoi on peut dire que l’Union n’est pas un sujet politique au sens plein du terme, puisque dans sa gouvernance les acteurs non politiques, les présumés experts ou techniciens orientés par une idéologie fonctionnaliste et économiste, ont la part belle.

Cette configuration de la gouvernance européenne ne doit pas être considérée comme un moment de transition vers une unification politique plus claire, après celle des marchés et de la monnaie, ni comme quelque chose de fortuit, mais comme un projet d’éloignement délibéré de la vraie politique, celle qui se fonde sur le bien commun compris de manière réaliste.

Nous rencontrons ici d’autres éléments inquiétants de la nature de l’Union européenne. Personne ne sait ce qu’est le bien commun européen. Lorsque les protagonistes parlent de « notre civilisation », ils ne se réfèrent qu’à très peu de choses : une liberté sans critères et un bien-être uniquement matériel. Rien de transcendant, mais aussi rien de vraiment humain. La gouvernance européenne ne prévoit pas d’unité civile, d’amitié civique fondée sur des valeurs objectives. Elle utilise des concepts abstraits et vides comme l’État de droit ou la démocratie, qui signifient tout et rien.

Pour donner un contenu à cette unité civique absente , non seulement il n’y a pas de Dieu, mais il n’y a même pas de vision de la personne humaine qui soit le résultat d’une anthropologie réaliste. Au contraire, les institutions européennes adoptent une vision de l’homme comme quelque chose de polysémique et de polyvalent, comme une réalité changeante dépendant des changements sociaux et économiques.

L’homme européen doit être déraciné et universalisé, il doit avoir une nature incertaine et fluide, la transnationalité européenne doit prévaloir sur les identités nationales. L’Union développe une véritable rééducation et une formation de masse en vue de ce type d’homme. Les dimensions post-identitaires et massifiantes sont promues à l’appui d’un homme européen qui n’existe que comme une abstraction construite, et tout cela s’appelle l’« européanisme ». Ursula von der Leyen a déclaré qu’elle voulait défendre cette Europe contre l’extrémisme; par « cette Europe », elle entend précisément cet européanisme idéologique qui va jusqu’à traiter les moments électoraux comme des inconvénients, parce que le système est basé sur quelque chose d’autre.

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