Retour sur la conférence de presse de présentation des nouvelles normes pour « discerner » les apparitions mariales. Indépendamment du contenu du document, dont nous avons déjà parlé et que des gens plus avisés que moi ont jugé à sa valeur (en réalité, personne ne se soucie de ce que « décide » Tucho), ce qui a marqué les journalistes présents, c’est le langage ordurier utilisé par le garant bergoglien de la doctrine de l’Eglise: sans être pudibond, c’est tellement inattendu dans la bouche d’un ecclésiastique de son rang (même lui, et pourtant!!!) que les mots manquent. Et Nico Spuntoni, qui, non sans humour, avertit en guise de préambule « éloignez les enfants », nous rappelle que le « cardinal » n’en est pas à son coup d’essai.

Tucho, le cardinal préfet qui aime les gros mots

Nico Spuntoni
lanuovabq.it/it/tucho-il-cardinal-prefetto-col-vizietto-della-parolaccia

L’expression « haute en couleur » prononcée lors de la conférence de presse de vendredi n’est pas nouvelle. Dans ses homélies et ses discours publics, le gardien de l’orthodoxie a toujours fait un usage incontrôlé d’un langage grossier.

Une prémisse s’impose : ceci est un article à interdire aux mineurs, comme c’est souvent le cas lorsque nous nous retrouvons à écrire sur le cardinal Víctor Manuel Fernández. Maigre consolation, il ne s’agit pas de nouvelles dissertations sur l’orgasme ou de conseils sur les exercices de méditation génitale. En janvier dernier, il a publié les extraits les plus brûlants du désormais célèbre La pasión mística. Espiritualidad y sensualidad, Tucho n’a pas renié ce passé littéraire controversé, mais a en même temps admis qu’il ne le réécrirait pas.

Il y a cependant un vice que l’actuel préfet du dicastère pour la doctrine de la foi ne semble pas vouloir abandonner : les gros mots. Oui, car la prestation lors de la conférence de presse présentant les nouvelles normes sur les apparitions, avec ce «cazzate» [merdes] dal seno fuggito [sorti du coeur] devant les journalistes incrédules et amusés présents dans la salle, n’est pas une chute de style épisodique.

Recourir aux grossièreté en public, en fait, c’est le cheval de bataille du théologien que François a voulu d’abord archevêque, puis préfet et enfin cardinal. Nous en avons eu un aperçu le lendemain de l’annonce de sa nomination à la tête de l’ex Saint-Office, quand il a voulu nous faire savoir sur Facebook que ses présumés adversaires américains, s’insurgeant contre le livre Sáname con tu boca : El arte de besar (dont il s’est avéré par la suite qu’il était beaucoup plus soft que La pasión mística. Espiritualidad y sensualidad), « ont traduit le mot “sorcière » par « putain » « . Parmi les nombreuses critiques qu’il a reçues, il n’a tout simplement pas pu digérer celle-là, et n’a donc pas manqué l’occasion d’utiliser le mot « puta ».

Il y a quatre mois, lors de la vigile de Noël, déjà membre du collège sacré et gardien de l’orthodoxie catholique, Fernández a salué la communauté d’Alcira Gigena, où il est né, avec une homélie dans laquelle il a qualifié sa ville natale de « ville de merde ». Un expédient, qu’il a manifestement trouvé sympathique, pour se glorifier en soulignant à ses concitoyens que même un natif d’Alcira Gigena peut arriver très haut. Exactement ce qui lui est arrivé.

Toujours à l’époque de Noël, en réponse aux critiques légitimes des évêques du monde entier à l’égard de Fiducia Suplicans, le cardinal argentin avait démontré sa conception de la tolérance en déclarant dans une interview à ABC que ceux qui débattaient de la déclaration soit n’avaient pas lu le texte, soit « tiene mala leche ». Cette expression, née dans l’idiome espagnol au Moyen Âge, est une insulte et aujourd’hui encore, si vous l’adressez à quelqu’un dans les barrios de Buenos Aires, vous pouvez vous attendre à une réaction comme celle évoquée par le pape en 2015 pour ceux qui offensent sa mère.

En tout cas, ce n’est pas l’air du Trastevere qui a « infecté » le lexique public de Tucho : même au cours de ses années en tant qu’archevêque de La Plata, il avait un goût pour les grossièretés. En juillet 2022, dans l’une de ses nombreuses homélies pour défendre le pape, Tucho a utilisé les peu élégantes tonterías [conn*****] pour rejeter les calomnies des « macristes » honnis à l’encontre de François. Un terme qu’il a rapidement appris à traduire à son arrivée à Rome par celui qu’il a utilisé il y a quelques jours en conférence de presse.

En avril 2021, en revanche, dans une interview télévisée sur les conséquences de la pandémie, l’archevêque d’alors n’hésitait pas à affirmer l’urgence d’un profond travail éducatif et spirituel à accomplir ‘parce que sinon ce pays va a la mierda‘.

Noblesse oblige, le concept de ‘mierda’ est un concept cher à l’actuel prince de l’Église qui, en 2013, en tant que recteur de l’Université catholique d’Argentine, a ressenti le besoin de l’utiliser lors d’une réunion publique sur la culture, en citant Jorge Borges qui, devant le cadavre de Leopoldo Marechal, se demandait s’ils ne s’étaient pas trop disputés ‘pour de la politique de mierda‘.

Lors de la conférence de presse, les « cazzate » lancées là nonchalamment a éclipsé deux autres sorties pas vraiment élégantes du successeur d’Alfredo Ottaviani et de Joseph Ratzinger : le récit d’une sorte d’avances sexuelles reçues d’une de ses anciennes paroissiennes qui prétendait avoir eu la révélation qu’elle devait donner naissance à un nouveau Messie dont lui serait le père, et une réponse sur la nouveauté des nouvelles normes qui, selon lui, amélioreraient la collaboration entre diocèses et dicastère car jusqu’à présent « certains évêques blasphémaient presque » lorsqu’ils devaient discerner des apparitions et d’autres phénomènes surnaturels. Face au préfet du dicastère le plus important de la Curie décrivant les évêques comme des presque blasphémateurs, on aurait presque envie de dépoussiérer le « Come parli, frate ? » [comment parles-tu, frère?] de mémoire de Manzoni.

Autrefois, on aurait dit : nous ne sommes pas des écolières. Cependant, il est indéniable que ce langage trivial dans les homélies et les discours publics d’un évêque est au moins inapproprié, sinon déplaisant. Il semble presque y avoir une ostentation des jurons de la part de Fernández. Spontanéité ou tentative grossière de se présenter comme hombre del pueblo à tout prix ?

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Même si Gianfranco Funari avait probablement raison de dire que « si quelqu’un est un c***ard [stronzo], je ne peux pas le traiter d’idiot je dois le traiter de co***ard », quand on occupe le poste de préfet du dicastère pour la doctrine de la foi et qu’on doit présenter à la presse un document qui intéresse des millions de fidèles dans le monde entier, il vaut mieux dire «idiot».

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