La question, très sérieuse, est posée pour la deuxième fois en deux mois par l’éminent vaticanologue (les vaticanistes sont italiens!) américain Phil Lawler. Evidemment, le directeur de Catholic Culture garde le ton respectueux que doit avoir un journaliste catholique quand il parle du pape (je ne suis pas journaliste!), mais on sent qu’il n’en pense pas moins.
Que cache donc cette réticence à célébrer la messe, alors que le pape témoigne par une activité par ailleurs intense que ses capacités physiques ne sont pas affaiblies au point de renoncer à son devoir de prêtre, qui est au coeur de sa mission?

Pourquoi le pape François ne célèbre-t-il pas la messe ? Deuxième partie

Par Phil Lawler
23 mai 2024

www.catholicculture.org

Pardonnez-moi de revenir sur une question que j’ai déjà posée une fois, il y a quelques semaines seulement. Mais franchement, je suis abasourdi et je me demande pourquoi la même question n’est pas sur les lèvres de tous les catholiques croyants.

Pourquoi le pape François n’a-t-il pas célébré la messe en public depuis plus d’un an ? Il est fréquent qu’il « préside » une messe – ce qui signifie qu’il trône à côté de l’autel en habits liturgiques, et qu’il prononce souvent l’homélie – mais il n’a pas été le célébrant principal depuis le milieu de l’année 2022.

Lorsque j’ai posé cette question il y a deux mois, certains lecteurs ont fait remarquer que (comme je l’avais déjà reconnu), le pape François est maintenant âgé, avec des problèmes de genoux douloureux qui limitent ses mouvements. Mais de nombreux prêtres âgés et infirmes célèbrent régulièrement la messe, et le personnel du Vatican peut trouver des moyens d’aider le pontife à faire face à ses limitations physiques. Le pape Jean-Paul II a continué à célébrer la messe en public jusqu’à peu de temps avant sa mort, malgré les ravages d’une maladie qui l’a privé de sa capacité à se déplacer ou même à parler librement.

Au début de l’année, le pape François a souffert de difficultés respiratoires suffisamment graves pour l’empêcher de lire à haute voix les discours qu’il avait préparés. Pendant cette période, il aurait été compréhensible qu’il s’abstienne de célébrer une messe publique. Mais il s’est apparemment rétabli ; sa respiration est désormais normale ; il n’éprouve aucune difficulté perceptible à donner une longue interview.

Rappelons qu’il a cessé de célébrer la messe en public bien avant l’apparition de ce problème respiratoire.

Le pape n’a-t-il tout simplement pas l’endurance nécessaire pour célébrer une messe publique ? Les actes physiques impliqués dans la célébration de la liturgie ne sont pas terriblement exigeants, en particulier lorsque d’autres clercs peuvent faire les lectures et distribuer la communion. Le pape pourrait utiliser un tabouret à l’autel. Les prières propres du jour ne prennent qu’une minute ou deux à réciter et sont entrecoupées de moments où le célébrant peut se reposer. La prière eucharistique n’est pas plus longue que certains des discours que le Pontife prononce chaque jour lors d’audiences privées – et si d’autres prélats concélèbrent, le Pape peut économiser sa voix.

En ce qui concerne les audiences privées, le pape François a un emploi du temps très chargé, puisqu’il rencontre parfois quatre ou cinq groupes, voire plus, au cours d’une même journée. Il prend le temps de saluer les invités individuellement, tout en prononçant un discours formel. Chaque semaine, il tient deux audiences publiques, le dimanche et le mercredi, au cours desquelles il prononce un discours et s’adresse personnellement à au moins quelques dizaines de personnes.

Le pape François est rentré récemment d’une visite à Vérone. Il a prévu un voyage de 11 jours à l’autre bout du monde, en septembre, en Indonésie, au Timor oriental, à Singapour et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Plus tard dans le mois, il se rendra en Belgique et au Luxembourg. Des sources vaticanes indiquent qu’il prendra le temps de se rendre à New York le même mois pour s’exprimer devant les Nations unies. Tout cela en septembre, alors que la session générale du synode sur la synodalité, largement considérée comme la pierre angulaire de son pontificat, aura lieu en octobre.

Cela ressemble-t-il à l’emploi du temps d’un homme âgé qui manque d’énergie ?

Manifestement, le pape François ne se considère pas comme souffrant de graves limitations. Il se rendra en Turquie au début de l’année prochaine pour les célébrations œcuméniques marquant le 1700e anniversaire du Concile de Nicée. Il a promis de se rendre dans son pays natal, l’Argentine. Des rumeurs font même état d’efforts pour organiser un voyage à Moscou.

À chaque étape de ses voyages à l’étranger, le pape rencontre généralement des représentants du gouvernement et d’autres chefs religieux, prononce des discours et préside la messe pour la communauté catholique locale.

Comme il voyage souvent dans des pays où les catholiques ne représentent qu’une minorité de la population, je me demande parfois comment les autochtones réagissent à cette visite du pontife romain. Lorsqu’il prend la parole pour donner des conseils et des encouragements, il est au centre de l’attention. Mais pendant la messe, il est à côté de l’autel. Ne serait-il pas facile pour les non-chrétiens – et même pour les catholiques qui ne sont pas correctement formés dans leur foi – de tomber dans la croyance que c’est la fonction la plus importante du Souverain Pontife : faire des discours ?

Le pape, en tant que premier représentant des fidèles, est appelé à remplir les fonctions de prêtre, de prophète et de roi. Le prêtre vient en premier.

Je suppose – j’espère – que le pape François célèbre la messe en privé. Mais lorsqu’il célèbre la liturgie eucharistique en public, il rappelle au monde que c’est la chose la plus importante que nous faisons, la source et le sommet de notre vie spirituelle.

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