Suite des réflexions (cf. Leçon des élections: « du côté des monstres ») qu’inspire la séquence électorale de ces dernières semaines, avec une France quasiment au bord du chaos. Le mépris du suffrage populaire n’est pas une spécificité française, on le voit aux USA (où les « pouvoirs forts » sont prêts à utiliser tous les moyens pour éliminer Trump) et en Italie (qui a fait à plusieurs reprises l’expérience douloureuse des « gouvernements (dits) techniques » – en réalité, pures émanations du mondialisme – comme on nous en promet un en France), et il vaut particulièrement au niveau européen, avec la von der Leyen qui « sauve sa peau » contre toute attente, et surtout contre les peuples.

Cette attitude s’inscrit pleinement dans une tendance à transformer la démocratie en un perpétuel gouvernement « d’urgence » et « technique » – fondé sur la peur, le moralisme et le chantage moral – qui s’est manifestée à plusieurs reprises dans le passé récent : de l’alarme pandémique à l’environnementalisme apocalyptique, à la mobilisation belliqueuse constante contre des épouvantails extérieurs utilisés, très prosaïquement, comme substituts de consensus pour des classes politiques complètement discréditées.

DE MACRON À URSULA

La gauche ne reste en vie que pour que la droite ne gouverne pas

Eugenio Capozzi
La NBQ
10 juillet 2024

Le cas français est un exemple frappant de la tactique systématique qui consiste à inventer n’importe quel stratagème pour empêcher les droites d’entrer dans les « salles de contrôle ». Mais ce n’est pas le seul. En Europe, socialistes et libéraux « blindent » la vieille « majorité Ursula », ignorant le verdict des urnes.

Le second tour des récentes élections législatives françaises a offert le spectacle le plus emblématique du retour, à gauche, du schéma « frontiste » : l’addition inconsidérée des forces les plus disparates et contradictoires motivée par la priorité proclamée d’empêcher la victoire de formations de droite diabolisées comme « fascistes », antidémocratiques, dangereuses.

Le parti Ensemble du président Macron et les gauchistes du NFP (eux-mêmes un amalgame des groupes les plus divers, des socialistes réformistes aux écologistes les plus fanatiques, jusqu’aux communistes et aux gauchistes aux tendances pro-islamistes…) ont été les premiers à s’opposer à la victoire de l’extrême-droite.

Tout cela sans le moindre accord politique ou programmatique sur le plus petit dénominateur commun, dans un esprit purement destructeur et obstructionniste, en faisant appel uniquement à la peur des électeurs.

L’objectif de ne pas laisser la droite gouverner a, on le sait, été atteint, mais à un prix disproportionné qui, dans une démocratie fonctionnant correctement, ne devrait jamais être envisagé : un chaos politique total, une fragmentation inextricable, une ingouvernabilité substantielle et, en plus, la très grande facilité politique offerte à une minorité extrémiste de gauche beaucoup plus  » anti-système  » (anti-occidentale, anti-marché, pro-dictature) que ce que la droite et les macroniens ont désigné comme un épouvantail.

Un prix que le président a consciemment, cyniquement choisi de faire payer à son pays, comptant précisément sur la division et l’instabilité post-électorales pour atteindre son objectif de rester l’arbitre du pouvoir, en utilisant sans scrupule tous les artifices que sa fonction lui permet. Une tactique déjà visible dès ses premiers gestes après le second tour, comme son refus d’accepter la démission du Premier ministre Attal pour décanter la situation, exploiter les divisions entre les forces politiques et tenter d’imposer à nouveau un chef de gouvernement à sa convenance.

Le cas français est particulièrement frappant de la tactique systématique qui consiste à inventer n’importe quel stratagème pour tenir la droite à l’écart des « salles de contrôle ». Mais ce n’est pas le seul.

Au niveau de l’UE, nous avons récemment assisté – et nous assistons encore – à la tentative du groupe socialiste et libéral (majoritairement macronien, comme par hasard), battu aux élections européennes, de « blinder » l’ancienne « majorité Ursula » avec une partie du groupe populaire, en ignorant le verdict des urnes qui a clairement primé les forces de la droite souverainiste et rejeté les politiques dirigistes de la Commission sortante : sans se soucier de la possible paralysie des institutions européennes et du risque réel d’une fracture toujours plus profonde entre les classes dirigeantes de l’UE et les sociétés civiles du vieux continent.

Même ici, pas de raisonnement proprement politique, pas d’arguments sur les contenus programmatiques : seulement la conventio ad excludendum à l’égard de tout groupe politique appartenant aux conservateurs d’ECR [CRE: Conservateurs et réformistes européens] ou d’Identité et Démocratie (aujourd’hui transformés et élargis en Patriotes pour l’Europe [dont Jordan Bardella vient de prendre la tête] ), traités comme des pestiférés qu’il faut isoler quoi qu’il arrive. Malgré le fait évident que de nombreux représentants de ces droites – de Giorga Meloni et Matteo Salvini au PIS polonais, à Geert Wilders, au très diabolisé Orbán lui-même – font partie des classes dirigeantes de leurs pays depuis des années, et, qu’ils le veuillent ou non, il n’y a pas eu d’apocalypse, ni au niveau national, ni dans les institutions de l’Union.

Aux États-Unis, depuis que Donald Trump est apparu sur la scène politique, pratiquement le seul argument du Parti démocrate et des leaders d’opinion progressistes a été de désigner le magnat new-yorkais comme un monstre, de l’accuser de toutes les vilenies possibles et de faire de son opposition le seul trait commun entre les différentes âmes d’une gauche absolument hétérogène et divisée sur tout, de la politique étrangère à la politique environnementale en passant par la politique économique.

Et quand – après que les démocrates aient cru s’être débarrassés de lui avec l’élection de Biden et l’avalanche d’enquêtes judiciaires à son encontre – Trump a retrouvé sa centralité politique, le consensus et l’investiture républicaine, et que la possibilité concrète qu’aux prochaines élections il puisse battre un président sortant de plus en plus en détresse politique et psychophysique a commencé à se profiler de plus en plus clairement, alors soudain les médias et la classe politique progressiste ont « réalisé » que la santé de Biden était pour le moins précaire. Et une partie de cet establishment est sortie du bois, planifiant des manœuvres pour le remplacer dans la course et « couronner » un nouveau candidat : pourquoi pas imposé d’en haut sans tenir compte de l’opinion des électeurs lors des primaires ni des procédures, afin de tenter un ultime effort pour bloquer le retour de Trump à la Maison Blanche.

En Italie aussi, depuis que le centre-droit dirigé par Giorgia Meloni a remporté les élections en 2022, interrompant une longue séquence de gouvernements techniques ou minoritaires presque toujours contrôlés par le Parti démocrate, la tendance de la gauche à promouvoir une « union sacrée » motivée uniquement par la délégitimation de la droite au pouvoir s’est enracinée et est devenue chronique. Au lieu de chercher une plate-forme programmatique capable de catalyser le consensus des électeurs, le PD d’Elly Schlein et ses omniprésents intellectuels et anchormen/women de référence n’ont fait qu’évoquer de manière obsessionnelle un hypothétique danger fasciste lunaire, en essayant de coaguler autour de leur « au loup, au loup » un nouveau « champ large », voire très large, dans lequel même les « 5 étoiles » sont aspirés malgré eux ne s’articulant que sur l’habituel appel aux armes pour arrêter les « barbares » et manquant de toute cohérence.

Cette attitude purement négative et obstructive à l’égard de la dialectique politique soumet aujourd’hui de nombreuses démocraties européennes et occidentales à un stress permanent qui use leurs éléments de stabilité et de garantie efficace, affaiblit les institutions et crée une opposition constamment « empoisonnée ». Elle s’inscrit pleinement dans cette tendance à transformer la démocratie en un gouvernement perpétuellement « d’urgence » et « technique » – fondé sur la peur, le moralisme et le chantage moral – qui s’est manifestée à plusieurs reprises dans le passé récent : de l’alarme pandémique à l’environnementalisme apocalyptique, à la mobilisation belliqueuse constante contre des épouvantails extérieurs utilisés, très prosaïquement, comme substituts de consensus pour des classes politiques complètement discréditées.

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