Cette image fantasmée est l’argument mis en avant pour se moquer des « peine à jouir » dénoncés par la mairesse (je ne sais pas comment l’appeler et je suis contrainte de maltraiter notre langue) de Paris avec son élégance très… parisienne. Eh bien, cette fameuse « image », elle est plutôt écornée en ces jours « olympiques » qui voient Paris bouclée, cadenassée, hérissée de grilles métalliques de 3 mètres de haut, vidée de ses habitants qui se terrent chez eux quand ils ne sont pas obligés de ressortir les QR codes de sinistre mémoire s’ils doivent circuler malgré tout, et en plus, épurée de ses pauvres et de ses migrants, au mépris de l’accueil tant vanté au « pays des droits de l’homme » (comme le répètent les perroquets). Et cela pour mieux vendre le « produit France » à d’hypothétiques acheteurs. Bref, une France-Potemkine, ou Corée-du-Nord, selon le point de vue. Et le regard de nos plus proches voisins est tout sauf admiratif. Ils ne sont pas dupes. Choses vues depuis l’Italie.

L’AUTRE VISAGE DE L’ACCUEIL

Paris cache les immigrés avant les Jeux olympiques

Lorenza Formicola
lanuovabq.it

Dans la capitale française, le nettoyage humain se fait, c’est le cas le dire, à un rythme olympique. Hier encore, le gouvernement exaltait jusqu’au dernier clandestin, mais aujourd’hui le « décorum » l’emporte sur le narratif.

Christophe Petit Tesson, Pool via AP
(Photomontage)

Une poignée de jours nous séparent des Jeux Olympiques de Paris 2024, et la seule chose dont on soit sûr, c’est que dans la capitale transalpine, l’expulsion des immigrés clandestins se poursuit à un rythme olympique.
Si le nettoyage de la capitale en vue des JO avait déjà commencé il y a près d’un an, maintenant que la cérémonie d’ouverture approche, on ne fait plus de ristourne : il y a assez de zones à « nettoyer » dans les bidonvilles de la région parisienne pour un travail d’un an, et toujours inachevé.

« Réveillez-vous, c’est la police. Il faut sortir, monsieur ». Comme un rituel qui se répète tous les matins à 6 heures, les policiers s’approchent depuis des mois des tentes-igloos. Par exemple, celles situées aux abords du campus de Jussieu, rue du Fossé-Saint-Bernard, dans le 5e arrondissement de Paris, pour indiquer un bus qui attend, porte ouverte. Les services de la préfecture proposent une solution de réinsertion à Besançon, mais peu semblent intéressés par une aventure dans l’Est de la France.

Gendarmerie et police interviennent sans relâche depuis quelques semaines pour démanteler les campements de clandestins. Il y a quelques jours encore, au Pont de Flandre et au Pont de Stains, le long du Canal Saint-Denis, au nord de Paris, environ deux cents personnes ont été expulsées. Il s’agit du 19e arrondissement de Paris, un quartier populaire de la capitale, et la gendarmerie est intervenue directement pour enlever toutes les tentes installées sur les berges du canal. Les autorités ont également évacué le campement de fortune installé au siège d’une compagnie de bus désaffectée à Vitry-sur-Seine, qui abritait quelque 450 immigrés. Ainsi que le camp de Roms situé à proximité de l’autoroute A4 à Joinville-le-Pont.

La préfecture de police de Paris a justifié cette opération forcée en affirmant que ce bidonville, situé à deux pas du parcours de l’épreuve, empêcherait les courses cyclistes olympiques de se dérouler. Dans le cas contraire, il serait resté sur place en toute quiétude, indique-t-on. Il en va de même pour le bidonville de Bordeaux, situé à 200 mètres du stade Matmut Atlantique qui accueillera les matchs de football des Jeux olympiques, et où vivaient jusqu’à 500 personnes de nationalité bulgare et roumaine, dont une centaine d’enfants.

Ces dernières semaines, plus de 5 224 personnes ont été déplacées d’Île-de-France vers d’autres régions, selon un chiffre de la préfecture, et toutes se trouvaient à Paris et dans les communes limitrophes qui accueilleront une partie des Jeux olympiques.

Chargés dans des camions et des bus spécialement affrétés, nul ne sait quel sort leur sera réservé : si les clandestins seront destinés à des centres d’accueil, renvoyés dans leur pays d’origine ou dans l’une des dix unités créées par le gouvernement au printemps 2023 pour accueillir tous les « éloignés » afin de donner du décorum aux Jeux olympiques, et donc au pays, on ne le découvrira qu’une fois que ce sera fait.

‘Le revers de la médaille’, le collectif qui regroupe 80 associations qui se battent pour stopper les J.O. et l’ ‘exclusion’ que ce Jeux seraient en train de créer dans le pays, dénonce le fait que le sort des immigrés déplacés restera en suspens jusqu’en septembre, puis ils retourneront probablement dormir à même le sol dans la capitale.

« La flamme olympique passera ici lors de la cérémonie d’ouverture du 26 juillet avant d’atteindre le Parc de la Villette. Un campement aurait fait tache sur les photos », se plaint Paul Alauzy, membre du collectif, ironisant dans la presse locale parisienne.


Les associations d’immigrés, et toute la galaxie politico-médiatique qui gravite autour d’elles, dénoncent le droit des clandestins à dormir et à bivouaquer où bon leur semble, mais pas un mot sur la face cachée de l’accueil illimité.

Comme les interventions de l’armée pour enlever des tas d’ordures au nom de la bienséance urbaine et de l’hygiène publique. C’est ainsi que Paris se maquille pour les couvertures du monde entier d’ici la fin des Jeux. Selon le slogan « Circulez, y’a rien à voir », les expulsions entre avril 2023 et mai 2024 en Île-de-France ont concerné 12 545 personnes. Une augmentation de 38,5 % par rapport à la même période 2021-2022. Parmi ces personnes, 3 434 étaient mineures, soit deux fois plus que l’an dernier, et presque trois fois plus qu’en 2021-2022. Les indésirables que le pays veut cacher. Mais sous le tapis.


Macron avait promis que les Jeux olympiques seraient la vitrine de la « grandeur » du pays. Et nous y sommes. Le village olympique a été construit dans l’une des banlieues les plus pauvres de Paris, où l’on ne compte plus le nombre de personnes vivant dans des campements de rue, des abris ou des bâtiments abandonnés et occupés. Le cœur des Jeux olympiques est précisément la Seine-Saint-Denis, où près d’une personne sur trois est immigrée, soit le pourcentage le plus élevé du pays. Le gouvernement a dépensé des milliards pour réaménager la zone, entre rues refaites et bâtiments rénovés, mais cela n’a pas suffi.

« Nous avons été expulsés uniquement à cause des Jeux olympiques » , a déclaré au New York Times un immigrant qui a été expulsé du logement qu’il s’était bricolé dans une usine de béton désaffectée près du village olympique.

Selon le New York Times, 60 % des immigrés se retrouvent aujourd’hui sans logement à long terme et sur les listes d’expulsion. Les militants des collectifs d’immigrés appellent cela « l’antichambre de l’expulsion ».
Les logements d’urgence étant rares, la plupart des personnes expulsées se retrouvent à nouveau sans abri et dorment dans la rue, mais dans une nouvelle ville. Pourvu que ce ne soit pas Paris et qu’il ne s’agisse pas d’une zone d’intérêt pour les Jeux olympiques. Ils sont à nouveau des indésirables.

Un peu de poudre, en somme, mais qui ne peut couvrir l’autre face de l’accueil, au nom d’un humanitarisme de pacotille. Personne ne veut remettre en cause le fait que le gouvernement n’a pas le droit d’expulser ou de déloger. Bien au contraire. Pourtant, jusqu’à hier, le dernier clandestin arrivé devait bénéficier de toute l’attention et de toute la protection possibles. Mais aujourd’hui, il ne sert pas le récit.

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