Une bonne synthèse par Antoine-Marie Izoard, de l'agence I-Media
Article ici: http://www.kipa-apic.ch/...
Etats-Unis: Les multiples rendez-vous américains de Benoît XVI
Un voyage en pleine campagne présidentielle
De Rome, Antoine-Marie Izoard, I.Media
Rome, 10 avril 2008 (Apic) Le pape Benoît XVI effectuera aux Etats-Unis son 8e voyage apostolique à l’étranger, du 15 au 20 avril, faisant étape à Washington et New York. Les points forts de ce voyage seront sans conteste sa rencontre à la Maison-Blanche avec le président Bush - en pleine campagne en vue des élections présidentielles de novembre -, celle avec les évêques d’une Eglise encore profondément marquée par les affaires de pédophilie, mais aussi le discours qu’il prononcera à la tribune des Nations Unies et sa prière pour la paix à ‘Ground Zero’.
Le second déplacement outre-Atlantique de Benoît XVI compte ainsi plusieurs rendez-vous ou grandes questions: réaffirmer le message catholique dans un pays pluriconfessionnel; répondre aux scandales d’abus sexuels qui ont secoué l’Eglise américaine ces dernières années; réaffirmer le caractère inaliénable de certains droits humains et se prononcer, au cœur de la campagne, sur la politique nationale et internationale des Etats-Unis.
Ce voyage au cours duquel le pape allemand fêtera ses 81 ans ainsi que le 3e anniversaire de son pontificat répond d’abord officiellement à deux objectifs : répondre à l’invitation qui lui a été faite de s’adresser à la tribune des Nations Unies et effectuer une “visite pastorale“ afin de marquer le bicentenaire des 5 premiers diocèses américains, parmi lesquels New York. Cependant, ainsi qu’il l’a reconnu lui-même dans un récent "message au peuple américain", il sera “seulement en mesure de visiter deux villes“ lors de ce “court voyage“. Ainsi que l’a confié aussi le père Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, “les voyages de Benoît XVI sont brefs et simplifiés“.
"Christ our hope" (Christ notre espérance) sera le thème que pape déclinera au cours de ce voyage de 5 jours aux Etats-Unis. Un message qui s’inscrit dans la droite ligne de sa deuxième Encyclique consacrée à l’espérance chrétienne, Spe Salvi. Le thème de l’espérance évangélique sera donc au cœur de nombre d’interventions du pape, à commencer par les deux messes célébrées dans des stades de baseball de Washington et New York, devant des assemblées de 50'000 fidèles environ. Comme il l’a indiqué lui-même dans son ‘message au peuple américain’, Benoît XVI entend particulièrement rappeler lors de cette visite que “le monde a plus que jamais besoin d’espérance“, une “espérance de paix, de justice, de liberté“, mais que celle-ci ne pourra se réaliser “sans obéir à la loi de Dieu“.
Un modèle?
--------------
Dans cet esprit, le pape pourrait faire de l’Amérique “un modèle pour l’Europe catholique“, estime le vaticaniste italien Sandro Magister. On se souvient ainsi qu’en recevant en audience au Vatican le nouvel ambassadeur des Etats-Unis près le Saint-Siège, le 29 février dernier, le pape avait déjà salué “une nation qui apprécie le rôle de la croyance religieuse dans la garantie d’un ordre démocratique fort et moralement sain“. Devant Mary Ann Glendon, quelques semaines avant son voyage, Benoît XVI avait ainsi déjà salué ce pays “fondé sur la vérité évidente que le Créateur a doté chaque être humain de certains droits inaliénables“.
Les droits de l’homme
----------------------
Autre certitude, ces “droits inaliénables“, et les droits de l’homme en général, seront évoqués par le pape lors de sa longue intervention au siège des Nations Unies, à New York, le 18 avril. Cette visite de 3 heures au Palais de verre constitue un “moment clef“ du séjour du pape aux Etats-Unis, a estimé le père Federico Lombardi. Après le célèbre “jamais plus la guerre“ prononcé par Paul VI en octobre 1965 et les deux interventions de Jean Paul II, en octobre 1979 et octobre 1982, le discours de Benoît XVI aux 192 Etats membres de l’ONU devrait reconnaître à son tour la valeur et le rôle de cette organisation, mais sans oublier ses faiblesses.
Alors que 2008 marque le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le discours du pape sera ainsi “centré (…) surtout sur l’unité et l’indivisibilité des droits fondamentaux de l’homme, qui trouvent leurs racines dans la nature de l’homme créé à l’image de Dieu“, a d’ores et déjà confié le cardinal secrétaire d’Etat Tarcisio Bertone. Depuis la célèbre tribune des Nations Unies, a encore indiqué le "numéro deux" du Vatican, le pape devrait aussi rappeler à la communauté internationale son devoir de “protéger les droits des plus faibles“, sans manquer d’exiger une plus grande liberté religieuse à travers le monde.
Visite à part entière au cœur du séjour du pape aux Etats-Unis, le passage de Benoît XVI aux Nations Unies comprendra également une rencontre en privé avec le secrétaire général, Ban Ki-moon, mais aussi avec le président du Conseil de sécurité, le Sud-africain Dumisani S. Kumalo, et celui de la 62e session de l’Assemblée générale, le Macédonien Srgjan Kerim.
La visite américaine
--------------------
Benoît XVI va fouler le sol de la côte Est du pays en pleine campagne électorale. Son discours d’arrivée, le 16 avril, dans les jardins de la Maison-Blanche, interviendra à moins de 7 mois du scrutin présidentiel visant à désigner le successeur de George W. Bush et à quelques jours à peine de nouvelles élections primaires susceptibles de départager les deux candidats démocrates encore en lice, le 22 avril, en Pennsylvanie. Il y a fort à parier que certains candidats tenteront d’approcher le pape au cours de son séjour. L’ancienne "première dame" et candidate à l’investiture démocrate, Hillary Clinton, en tant que sénatrice de New York, est à ce titre la plus susceptible de rencontrer le pape.
A la Maison-Blanche, selon le cardinal américain McCarrick, Benoît XVI “encouragera sans doute certains points de la politique“ du président Bush comme “ses récents efforts de médiation en Terre Sainte“ ou “sa position sur l’avortement“. “Mais il en pointera d’autres“, confie l’ancien archevêque de Washington, comme “la guerre en Irak“ ou “les carences de la politique nationale en matière de santé ou d’immigration“.
Le pape devrait particulièrement toucher le cœur de l’Amérique lors de sa prière à ‘Ground Zero’, à New York, le 20 avril, priant pour les quelque presque 3'000 victimes des attentats terroristes du 11 septembre 2001. L’image de Benoît XVI au pied de la croix métallique installée à l’emplacement des anciennes tours jumelles du quartier de Manhattan devrait marquer les esprits. Tout autant que sa prière pour la paix dans le monde et son évocation de la “violence incroyable“ et de la “douleur“ de cette “tragédie“.
Soutenir l’Eglise en Amérique
------------------------------
Au cours de ses rencontres avec l’Eglise américaine, Benoît XVI ne pourra éviter d’aborder la délicate question des affaires de pédophilie dans un pays où l’on a recensé plus de 4000 victimes d’abus sexuels par des prêtres catholiques depuis un demi-siècle. Ainsi, a déjà indiqué le cardinal Tarcisio Bertone, c’est avec l’intention de rechercher “des chemins de guérison et de réconciliation“ que le pape évoquera le scandale des abus sexuels. Selon lui, Benoît XVI devrait évoquer cette question à l’occasion de sa rencontre avec les prêtres américains, le 19 avril, dans la cathédrale Saint-Patrick de New York. Le cardinal Bertone a cependant rappelé que ce scandale avait été “un fait très douloureux“ qui avait “concerné l’Eglise, mais pas seulement l’Eglise, (…) toutes les institutions“.
Sur le plan pastoral, le pape devra particulièrement insister sur la crise des vocations religieuses qui touche presque autant les Etats-Unis que l’Europe. Il prendra également la parole devant les responsables des universités catholiques américaines, se souvenant probablement de certains théologiens et enseignants dont il avait étudié le délicat dossier alors qu’il était à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Benoît XVI ne manquera pas non plus d’être attentif à la forte communauté hispanique de ce pays où près de 25 % des fidèles sont nés à l’étranger, majoritairement en Amérique latine.
L’Amérique religieuse
-------------------
80 % des Américains affirment croire en Dieu et la majeure partie d’entre eux appartient à la famille protestante (51 % de la population). Benoît XVI rencontrera ainsi les représentants d’une dizaine d’autres confessions chrétiennes, le 18 avril. Il saluera également des responsables d’autres religions mais plus particulièrement des juifs, à deux reprises, dans l’imminence de la fête de la Pâque juive. Benoît XVI entrera ainsi dans une synagogue, à New York, pour la deuxième fois de son pontificat. Une visite sur fonds d’incompréhension après le choix du pape de ne modifier que légèrement une prière contestée du Vendredi saint pour la conversion des juifs inscrite dans le Missel tridentin.
Alors que Jean Paul II avait été salué par la presse américaine comme une “superstar“ dès son premier voyage en 1979, Benoît XVI demeure encore relativement peu connu au nord du ‘Nouveau mondé. Le pape polonais était “une sorte de rock star“ aux Etats-Unis, confie ainsi son biographe, George Weigel, mais “avec Benoît XVI, les Américains repartent de zéro“ car “ils ne savent presque rien de lui“. Dans un sondage réalisé deux semaines avant la visite, une majorité d’Américains (52 %) confiaient avoir une opinion favorable de Benoît XVI mais 30 % affirmaient aussi ne pas le connaître assez pour se faire un avis.
En visite aux Etats-Unis, le pape ne manquera pas de rencontrer plusieurs fondations ou institutions catholiques américaines qui auront aidé à l’organisation de son voyage, comme les Chevaliers de Colomb ou la "Papal foundation". Il se souviendra que les Etats-Unis demeurent le pays le plus généreux en matière de dons à l’égard du Saint-Siège.
