Importante couverture de l'évènement, dans Pélerin du 24 Avril, avec la première page, l'éditorial, et pas moins de six pages intérieures!
Malgré un point de vue apparemment convenu, qui pourrait faire penser à un catalogue de lieux communs annoncés (droits de l'homme, à l'ONU, Ground Zero, "abus sexuels", visite à la synagogue), le discours du pape est valorisé ("Chez Benoît XVI, la personne humaine prime sur la logique territoriale des Etats"), et le succès médiatique est reconnu et confirmé, derrière ce titre sans ambages: Le Pape redonne le moral aux catholiques américains.
Pour une fois, ne boudons pas notre plaisir.
Les textes sont sous les images.
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Message d'Amérique
Le voyage que Benoît XVI vient d'achever aux Etats-Unis était porteur de nombreux enjeux.
Le premier visait à réconcilier les catholiques américains, ébranlés par le scandale des prêtres pédophiles, avec leur hiérarchie, coupable de négligence voire, ici ou là, de complaisance. En disant, à plusieurs reprises au cours de son voyage, la « honte » qui était la sienne devant la « trahison» de ces prêtres, il a contribué à rétablir la confiance au sein même de la communauté catholique et à réhabiliter l'Eglise aux yeux de l'opinion publique américaine.
Il y avait urgence.
L'ampleur même du scandale avait permis, outre-Atlantique, une campagne médiatique visant à discréditer les évêques qui représentent à la fois une force critique vis-à-vis de la politique du président Bush et la « percée » d'un catholicisme nourri par l'immigration latino-américaine, dans ce pays traditionnellement protestant.
Pour Benoît XVI, qui partage avec son prédécesseur, le pape Jean-Paul II, la hantise d'un déclin irréversible du christianisme en Europe, la singularité américaine peut être riche d'espérance. Voilà en effet une nation qui sait être à la fois moderne et profondément religieuse. Il était essentiel que le catholicisme y soit, en quelque sorte, réhabilité.
Enfin, il importait au pape de redire, à New York, sur le lieu même des attentats du 11 septembre, commis « au nom de Dieu », que l'essence de toute religion est de servir la paix. Un message là encore destiné en priorité au peuple américain, mais également aux opinions publiques sujettes à voir en tout monothéisme un ferment de division et de haine.
Restait, pour Benoît XVI, à élargir encore son message, depuis la tribune des Nations unies. S'adressant aux 192 Etats membres, le pape a redit son estime pour une institution, l'ONU, souvent décriée mais seule à même de faire face aux défis mondiaux de notre époque : qu'il s'agisse du combat contre la faim et la maladie, pour le développement durable, la réduction des inégalités ou la défense des droits de l'homme. A l'ONU incombe donc la « responsabilité de protéger » partout, fût-ce contre les régimes en place, tout homme, toute femme, menacés dans leurs droits fondamentaux. Parce que ces droits - au premier rang desquels la liberté religieuse - découlent de la « dignité humaine » qui s'impose à tous. Des Etats-Unis, terre de liberté, Benoît XVI entendait réaffirmer l'attachement de l'Eglise à des droits de l'homme qui, à ses yeux, trouvent leur source en Dieu.
RENÉ POUJOL
Les droits de l'homme selon Benoît XVI
Pour le pape, les droits de l'homme sont aussi les droits de Dieu.
En plaçant la défense des droits humains, la liberté religieuse et le développement des sociétés au cœur de son discours devant l'Assemblée générale des Nations unies, le 18 avril, à New York, Benoît XVI a conforté l'engagement de millions de chrétiens à travers le monde.
PAR SAMUEL LIEVEN, AVEC Luc BALBONT
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C'était l'étape la plus attendue du voyage de Benoît XVI aux Etats-Unis.
En affirmant, vendredi 18 avril, le caractère absolu des droits de l'homme et de la liberté religieuse à la tribune de l'organisation des Nations unies à New York, le pape a fait irruption dans une histoire mondiale qui remonte au 4 octobre 1965. Ce jour-là, Paul VI, premier pape invité à l'ONU, avait lancé aux représentants des Etats du monde entier son fameux : « Plus jamais la guerre, plus jamais! »
Par la suite, Jean-Paul II s'est prêté par deux fois à cet exercice devenu - mondialisation oblige - une figure imposée pour le chef de l'Eglise catholique.
Trois ans après son élection, Benoît XVI s'est donc lancé à son tour.
« En délivrant un message aussi universel, il a passé son grand oral avec succès », indique Philippe Levillain, historien, spécialiste de la papauté. Moins charismatique qu'un Jean-Paul II inaugurant son combat héroïque en faveur des droits de l'homme, Benoît XVI, en fin théologien, a repris, de façon plus académique, les conceptions de ses prédécesseurs.
« Son discours s'articule autour de la personne humaine créée par Dieu », résume l'historien. A la différence de Jean-Paul Il, très peu de géopolitique dans le discours de Benoît XVI: excepté le continent africain, aucun pays n'est mentionné.
Plus à l'aise dans la définition des grands principes, le pape a situé son propos au-dessus des grands défis planétaires, pour se concentrer sur ce qui est, à ses yeux, l'essentiel la protection de la personne humaine. Une protection que les Etats, même à l'aide des « précieux instruments » que sont les Nations unies et la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée il y a soixante ans, ne sauraient garantir pleinement. « Une vision de la vie solidement ancrée dans la dimension religieuse peut permettre d'y parvenir », a fait valoir le pape devant les diplomates onusiens. C'est cette conception exigeante des droits humains, fondés sur le « caractère sacré de la vie », qui légitime aux yeux du pape l'intervention internationale dans un pays lorsqu'une population est menacée.
« Chez Benoît XVI, la personne humaine prime sur la logique territoriale des Etats », souligne Philippe Levillain.
Mais le pape est allé plus loin. En énonçant, sur un ton courtois, qu'il « ne devrait jamais être nécessaire de nier Dieu pour jouir de ses droits », Benoît XVI a mis le doigt sur des conflits vieux d'un gros demi-siècle. Depuis la fin de la guerre froide, les « idéologies séculières dominantes » visées par le pape sont en pleine régression : Chine, Cuba, Corée du Nord... Dans ces pays, la liberté religieuse est loin d'être acquise. Par ailleurs, lorsqu'il a évoqué les « positions religieuses majoritaires de nature exclusive », le pape faisait allusion aux pays d'Afrique du Nord et du Proche-Orient où un islam dominant ne laisse aucune place aux autres croyants, comme en témoigne Youssef, 45 ans, diacre maronite libanais installé à Riyad (Arabie Saoudite). Cet informaticien a lu attentivement le discours de Benoît XVI. « Ce pape vise juste et je l'approuve pleinement. En Arabie, où je travaille depuis dix ans, un chrétien comme moi n'a pas le droit de s'exprimer religieusement. Il doit sans cesse se dissimuler pour prier, pour lire l'Evangile. Quant à construire des églises, cela reste impossible ! »
Un appel à la solidarité internationale
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Concernant la liberté religieuse, Benoît XVI a retrouvé, devant l'ONU, les accents qui sous-tendaient son discours de septembre 2006, devant l'université de Ratisbonne (Allemagne). Interrogeant explicitement les liens entre religion, raison et violence, il s'était alors attiré les foudres de nombreux responsables musulmans. « Il y a bien du Ratisbonne à mots couverts dans le discours de New York, confirme Philippe Levillain. Cependant, cette fois, la préparation minutieuse de l'événement a permis au pape d'être mieux perçu par l'opinion internationale. »
Droits de la personne humaine, liberté religieuse... S'il imprime volontiers sa marque dans ses domaines de prédilection, Benoît XVI n'est pas resté muet sur les autres questions à la tribune de l'ONU. Alors que des « émeutes de la faim » ont éclaté ce mois-ci au Maghreb, en Indonésie, en Haïti, suite à l'envol du prix des denrées alimentaires, le pape a lancé un appel à la solidarité internationale à l'égard des zones les plus fragiles du globe. « Je pense en particulier à certains pays d'Afrique et d'autres continents qui restent encore en marge d'un authentique développement intégral », a-t-il insisté. Cette préoccupation, familière à l'Eglise catholique, est de longue date relayée, sur le terrain, par des millions de chrétiens à travers le monde. Un exemple parmi des milliers d'autres : en France, le CCFD vient d'envoyer 180 000 € à neuf associations haïtiennes pour aider à relancer la culture du riz et l'économie locale. « Cela nécessitera des années, souligne Walter Prysthon, chargé de mission pour le CCFD en Haïti. Sans l'aide des pays riches, le pays n'y parviendra pas. »
Dernier front ouvert par le pape au début de ce troisième millénaire, la « sauvegarde de la Création », traduction théologique du combat en faveur d'un « développement durable ». Pour Benoît XVI, préserver l'environnement et la vie sur terre passe par un «usage rationnel de la technologie et de la science ». Il l'a redit avec force à la tribune de l'ONU. Tandis que les épiscopats s'approprient cette réflexion, sur le terrain, des chrétiens se mobilisent à l'image du groupe Saint-Lambert, dans la région parisienne : à deux pas de Port-Royal (Yvelines) où vécut Blaise Pascal, une vingtaine de journalistes, enseignants et scientifiques se réunissent deux fois par an au sein d'une communauté assomptionniste. Leur but? « Devenir un poil à gratter dans la presse, les milieux écolos et l'Eglise de France afin de faire évoluer les mentalités », fait valoir le P. Dominique Lang, biologiste et théologien.
Un exemple de plus de l'inventivité et de la capacité d'action de l'Eglise. Ce sont celles-là aussi qui ont conféré, à Benoît XVI, dans une enceinte comme les Nations unies, une audience et une crédibilité particulières.
Un succès médiatique indéniable
Le Pape redonne le moral aux catholiques américains
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Durant son voyage aux Etats-Unis, du 15 au 20 avril, Benoît XVI a contribué à restaurer, dans l'opinion américaine comme chez les catholiques, l'image d'une Eglise écornée par les récents scandales.
C'est une Eglise américaine dynamique et en pleine croissance - 70 millions de fidèles, soit un quart de la population des Etats-Unis -, mais aussi meurtrie par le récent scandale des prêtres pédophiles, que Benoît XVI s'est employé à réconforter.
A bien des égards, il y a réussi. Le succès médiatique a été indéniable. Mal connu d'une société américaine pluri-religieuse à majorité protestante, Benoît XVI a partagé, durant sa visite, les « unes » des grands quotidiens avec les candidats à l'élection présidentielle.
« Cet homme, qui a si longtemps vécu loin des projecteurs, est acclamé comme une rock star », commentent les correspondants religieux du New York Times.
Sur place au même moment, le P. Patrick Desbois, responsable des relations judéo-chrétiennes pour l'épiscopat français, raconte : « Il régnait une grande excitation dans les rues de NewYork et de Washington. Partout, on voyait des affiches et des posters de Benoît XVI. »
Plusieurs temps forts ont marqué cette visite: l'accueil, à Washington, des représentants américains des grandes religions; le recueillement à Ground Zero, à New York; ou la rencontre, dans une synagogue new-yorkaise, avec le rabbin Arthur Schneier, un Autrichien rescapé de la Shoah.
Les USA constituent un "marché religieux" ouvert
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Sur le fond, après ce voyage, l'Eglise catholique aura indéniablement regagné en crédibilité. En condamnant fermement et de manière répétée le scandale pédophile qui a secoué l'Eglise - 11000 victimes de 1950 à 2002; 4300 prêtres accusés ; 2,3 milliards de dollars de frais de justice ayant entraîné des dépôts de bilan dans six diocèses -, en utilisant à ce propos un mot très fort - « honte » -, le pape s'est assuré la reconnaissance de l'opinion. « Il est difficile pour moi de comprendre comment des prêtres ont ainsi trahi leur mission. (...) Nous exclurons totalement les pédophiles du ministère sacré », avait annoncé Benoît XVI avant même d'atterrir aux Etats-Unis.
« Ces déclarations ont eu un impact énorme. Les gens ont le sentiment que Rome les a enfin entendus », souligne le P. James Keenan, jésuite, professeur d'éthique au Boston College.
Il faut dire que les attentes étaient fortes, y compris chez les catholiques. Voice of the Faithfull, un des nombreux collectifs créés ces dernières années autour de l'affaire, avait même publié une lettre ouverte demandant au pape des engagements précis - sanctions à l'égard de la hiérarchie catholique complaisante, transparence dans la gestion des diocèses...
« Après ce voyage, les catholiques attendent des changements concrets », prévient le P. Keenan.
In fine, après la visite de Benoît XVI, l'avenir de l'Eglise catholique américaine est-il assuré?
Les célébrations, rencontres avec le monde universitaire, avec la jeunesse et aussi avec la hiérarchie ont constitué autant de démonstrations de son dynamisme. « Contrairement à Jean-Paul II qui voyait dans les Etats-Unis un temple matérialiste, le pape actuel nourrit un grand intérêt pour ce pays : en dépit de sa richesse et de son avance technologique, la pratique religieuse y atteint les 40 % », explique Henry Quinson, ex-banquier d'affaires franco-américain, devenu moine cistercien. Dans l'esprit du pape, le modèle américain pourrait être un antidote à l'indifférence religieuse qui s'installe en Europe.
Ce point de vue est tempéré par le politologue Denis Lacorne : « La richesse et le dynamisme de l'Eglise américaine masquent certaines faiblesses la fermeture de 700 paroisses et de 1300 écoles en une décennie, la crise des vocations, l'appauvrissement matériel des nouvelles communautés issues de l'immigration latine, les départs massifs vers d'autres confessions chrétiennes. » En effet, si les taux de pratique y restent sensiblement plus élevés qu'en Europe, les Etats- Unis constituent un « marché religieux » très ouvert où, à en croire les sondages, le nombre des « sans-religion » va croissant, notamment chez les jeunes. D'où l'accent mis par Benoît XVI, devant les responsables des différentes religions à Washington, sur cet impératif qui lui est cher : la recherche de la « vérité ».