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Le Pape ne s'habille pas en Prada: un article de Paolo Rodari plus profond qu'il n'y paraît (3/5/2008)
Au-delà de la rumeur très people sur les chaussures Prada du Saint-Père, il y a une réflexion sur la signification du vêtement ecclésiatique (de moins en moins porté de nos jours...) et même sur l'obéissance.

Article original en italien ici: http://www.palazzoapostolico.it/...
L'America entusiasta per il Ratzinger's look: ma il Papa non veste Prada

L'Amérique enthousiasmée par le Ratzinger's look : mais le Pape ne s'habille pas en Prada
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L'Amérique est devenue folle de Benoît XVI. Ou mieux, elle est devenue folle de son look, jugé par la plupart des chroniqueurs d'outre-Océan plus excentrique, plus recherché et en même temps plus elégant que celui de Wojtyla.
Tandis que Ratzinger passait dans la Cinquième Avenue de New York, samedi dernier, beaucoup en le voyant ont tourné leur regard tout près de lui, vers le grand magasin Prada qui pour l'imaginaire collectif est la griffe qui lui fournit ses chaussures rouges, en peau, sur mesure, avec, gravées sur le côté extérieur ses initiales: BXVI.
Ensuite, la descente dans le goufre laissé par l'effondrement des Tours Jumelles. Au-dessus, un ciel gris et brumeux. Très froid. Et en-dessous, dans le goufre, les caméras se fixent sur le Pape vêtu d'un pardessus blanc raffiné. Chaussures et manteau, donc, qui ont capté l'attention des medias américains.
Pourtant, à bien y regarder, l'attention médiatique pour le Ratzinger's look n'est rien d'autre qu'une illusion. Une surexcitation injustifiée; parce que tous les vêtements portés par Benoît XVI sont - et ont été aussi en Amérique - exactement les mêmes que ceux que portaient ses prédécesseurs. Comme Ratzinger, en somme, Wojtyla lui-même et avant lui Luciani, Montini, Roncalli et encore avant, aussi loin qu'on remonte. Wojtyla, il est vrai, ne mettait pas le camauro (bonnet rouge d'hiver) et on l'a vu rarement avec la mozzetta de velours rouge ornée d'hermine, mais c'est seulement parce qu'il était moins frileux que son successeur, pas du tout pour une autre raison. En somme, dans le look de Ratzinger, il n'y a pas une recherche du détail raffiné ou - comme l'ont dit certains - un retour au XIXème siècle, mais plutôt une appropriation des vêtements papaux dont certains, au cour du long pontificat de Jean Paul II ont été vus moins souvent.

Mais revenons à la surexcitation pour le Ratzinger's look. Et finissons en avec un mythe. Les petites chaussures rouges - comme on vient de le dire, les mêmes que pour Wojtyla, Luciani, Montini, Roncalli, et cetera - ne sont pas de Prada. Mais elles sortent plutôt des mains du moins connu et du plus discret des cordonniers, Adrien Stefanelli, de Novare. Stefanelli, dans les jours précédents le départ de Ratzinger pour les Etats Unis, a été reçu par le Pape au troisième étage du palais apostolique. Pour Benoît XVI, en effet, il semble qu'il doive fabriquer, outre les chaussures rouges en peau qui lui servent lorsqu'il sort hors du palais apostolique, les mêmes, de la même forme et couleur mais dans une matière différente - en tissu, pour être précis - qu'il utilise lorsque dans son appartement il revêt l'habit de choeur, ou lorsqu'il porte ses vêtements blancs mais reste à la maison.
Chaussures rouges, donc, non pas pour un caprice de mode, mais parce que le rouge, également la couleur du manteau, du chapeau et de la mozzette, est la couleur du martyre - Saint-Pierre dont le Pape est le successeur fut martyre - et en même temps de l'amour ardent, du feu de l'Esprit.
Comme les chaussures, le pardessus blanc, lui non plus - élégant mais le même, à part la couleur, que celui de beaucoup de prêtres - n'est pas signé d'un styliste particulier. Il vient simplement de la boutique d'un tailleur romain, spécialisé depuis toujours dans la confection de vêtements pour les religieux. D'un atelier de couture pour écclésiastiques viennent aussi les autres vêtements que les Pontifes portent depuis des siècles: bonnet, camauro, chemises, chenille, cotte, dalmatique, mozzetta, et cetera

Que les Papes, comme Ratzinger, n'inventent rien de nouveau lorsqu'ils se lèvent le matin et s'habillent, est une chose importante pour l'Église. Chaque détail du vêtement, en effet, obéit à des règles précises qui répondent à des motivations pas seulement stylistiques mais aussi théologiques. Et, en effet, s'il est vrai que l'habit ne fait pas le moine, il est aussi vrai que sans vêtement il n'y a pas de moine. Ou bien, qu'un prêtre sans vêtement n'est pas prêtre. La même chose vaut pour un évêque ou un Pape. Les ordinations sacerdotales, comme les consécrations des religieux à Dieu, comportent l'aquisition d'habits d'un certain type, et ne pas le mettre est un peu comme pour un militaire trahir son uniforme. En effet le vêtement sacré est pour le monde la marque d'une vocation embrassée. C'est une façon par laquelle celui qui se consacre à Dieu, se rend reconnaissable aux yeux de la communauté. Pas seulement : c'est un moyen par lequel le prêtre, l'évêque, et même le Pape, se soumettent avec humilité à la volonté de Dieu. Le rang ecclésiastique impose en effet l'obéissance. Et quelle plus grande forme d'obéissance que celle d'accepter de se vêtir dans la modalité prévue par l'Église ? C'est à ces règles que répond l'habillement de Benoît XVI.
Souvent, surtout dans certains pays, le vêtement sacré a perdu de sa valeur et le clergé et les évêques n'en font plus usage. C'est probablement pour cette raison que Benoît XVI, s'il a froid en hiver, reprend le camauro et pas n'importe quel chapeau. Ou un pardessus complètement blanc et pas un autre. Et encore, les chaussures en peau rouge qui, plus que de Prada sont celles du successeur de Saint-Pierre, le premier Pape martyre de l'histoire de l'Église