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La leçon de beauté de Benoît XVI

Extrait du discours du pape aux artistes: première traduction (21/11/2009)

Texte en italien:
Raffaella

La rencontre a été introduite par un très beau discours de Mgr Ravasi (je le dois à la vérité) dont j'espère trouver la transcription.
J'ai noté sur le direct de la RAI qu'à peine le protocole terminé, le Saint-Père a quitté la chapelle Sixtine, sans saluer individuellement les présents.
C'est Mgr Ravasi qui leur a remis en son nom la médaille commémorative de l'évènement.

Après avoir rappelé la lettre de Jean-Paul II aux artistes, d'il y a dix ans, et la rencontre avec Paul VI, en 1964 dans cette même Chapelle Sixtine, Benoît XVI s'est à nouveau fait critique d'art pour en commenter les fresques grandioses, dont le "récit" de la Genèse par Michel-Ange.
Il poursuit:

(..)
Le moment présent est malheureusement marqué non seulement par des phénomènes négatifs dans les domaines social et économique, mais aussi par un déclin de l'espoir, une certaine méfiance dans les relations humaines, d'où des signes croissants de résignation, d'agressivité, de désespoir. Le monde dans lequel nous vivons, alors, risque de changer de visage par l'oeuvre pas toujours sage de l'homme qui, plutôt que de cultiver la beauté, exploite sans conscience les ressources de la planète au profit d'un petit nombre et il n'est pas rare qu'il détériore les merveilles de la nature. Qu'est-ce qui peut injecter à nouveau enthousiasme et confiance, qui peut encourager l'esprit humain à retrouver le chemin, à lever les yeux sur l'horizon, à rêver d'une vie digne de sa vocation, si ce n'est la beauté?
Vous le savez, chers artistes, que l'expérience de la beauté, la vraie beauté, non pas celle éphémère ou superficielle, n'est pas quelque chose de secondaire ou de mineur dans la recherche de sens et de bonheur, parce que cette expérience n'éloigne pas de la réalité, mais au contraire, conduit à une confrontation serrée avec le vécu quotidien, pour le sauver de l'obscurité et le transfigurer, pour le rendre lumineux, beau.

Une fonction essentielle de la vraie beauté, en effet, déjà indiquée par Platon, est de communiquer à l'homme une saine "secousse", qui le met hors de lui, l'arrache à la résignation, à l'acommodement au quotidien, le fait souffrir, aussi comme une flèche qui le blesse, mais justement ainsi le "réveille" à nouveau, lui ouvrant à nouveau les yeux du cœur et d'esprit, lui mettant les ailes, le poussant vers le haut. L'expression de Dostoïevski que je vais citer est certainement audacieuse et paradoxale, mais elle invite à réfléchir: «L'humanité peut vivre - dit-il - sans la science, elle peut vivre sans pain, mais sans la beauté, elle ne pourrait plus vivre parce qu'il n'y aurait plus rien au monde à faire. Tout le secret est là, toute l'histoire est là. Il est repris par le peintre Georges Braque: "L'art est fait pour troubler, alors que la science rassure». La beauté frappe, mais justement ainsi, elle rappelle à l'homme son destin ultime, le remet en marche, le remplit avec un nouvel espoir, lui donne le courage de vivre pleinement le don unique de la vie.
La recherche de la beauté dont je parle, bien sûr, ne consiste pas en une fuite dans l'irrationnel ou dans le pur esthétisme.

Trop souvent, cependant, la beauté qui est diffusée (dont on fait la promotion) est trompeuse et mensongère, supercielle et aveuglante jusqu'à l'étourdissement et, au lieu de faire sortir les hommes d'eux-mêmes et de leur ouvrir les horizons de la vraie liberté, de les attirer vers le haut, elle les emprisonne en eux-mêmes et les rend encore plus esclaves, privés d'espoir et de joie. Il s'agit d'une beauté séduisante mais hypocrite qui réveille la soif ardente, le désir de pouvoir, de possession, d'abus sur l'autre et qui très vite se transforme en son contraire, assumant les visages de l'obscénité, de la transgression et de la provocation comme fin en soi. La véritable beauté, au contraire, ouvre le cœur humain à la nostalgie, au désir profond de connaître, d'aimer, d'aller vers l'Autre, vers l'Au-delà de soi-même.
Si nous acceptons que la beauté nous touche intimement, elle nous blesse, elle nous ouvre les yeux, puis nous redécouvrons la joie de la vision, la capacité à saisir le sens profond de notre existence, le mystère de notre origine et de là nous pouvons atteindre la plénitude, le bonheur, la passion, l'engagement de tous les jours...
...

L'art dans toutes ses expressions, au moment où il affronte les grandes questions de l'existence, avec les thèmes à la base du sens de la vie, peut avoir une signification religieuse et devenir un chemin de réflexion intérieure profonde et de spiritualité. Cette affinité, cette harmonie entre la foi et l'itinéraire artistique, sont attestées par un nombre incalculable d'oeuvres d'art qui ont pour protagonistes des personnages, des histoires, des symboles de cet immense dépôt de "figures" - au sens le plus large -- qui est la Bible, l'Écriture Sainte. Les grands récits bibliques, les thèmes, les images, les paraboles ont inspiré d'innombrables chefs-d'œuvre dans tous les secteurs des arts, et ont parlé au cœur de toutes les générations de croyants à travers les oeuvres d'artisanat et d'art local, non moins éloquentes et prenantes.

...

Chers artistes, arrivant à la conclusion, je vous adresse moi aussi, comme mon prédécesseur, un appel cordial, amical et passionné. Vous êtes les gardiens de la beauté; vous avez, grâce à votre talent, la capacité de parler au cœur de l'humanité, de touvcher la sensibilité individuelle et collective, de susciter des rêves et des espoirs, d'élargir les horizons de la connaissance et de l'engagement humains.

Soyez pour cela reconnaissant des dons reçus et pleinement conscients de la grande responsabilité de communiquer la beauté, de faire communiquer dans la beauté et à travers la beauté! Soyez vous aussi, par votre art, des hérauts et des témoins d'espérance pour l'humanité! Et n'ayez pas peur d'affronter la source première et ultime de la beauté, de dialoguer avec les croyants, avec ceux qui, comme vous, se sentent en pèlerinage dans ce monde et dans l'histoire vers la beauté infinie!

La foi n'enlève rien à votre génie, à votre art, et même, elle les exalte et les nourrit, les encourage à franchir le seuil et à contempler avec les yeux fascinés et émus le but ultime et définitif, le soleil qui ne se couche jamais, qui illumine et embellit le présent .

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Pendant que je vous bénis de tout coeur, je vous salue, comme le fit Paul VI, avec un mot: arrivederci!

Le Père Michel Viot répond à Hans Kung La leçon de beauté de Benoît XVI (2)