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Eglise et immigration

Les explications du Père Scalese (20/11/2009)

J'avais relevé (et traduit personnellement dans ces pages car la version en français n'était pas disponible alors) le discours adressé par le Saint-Père aux participants au VIe Congrès de la Pastorale des Migrants et des Réfugiés, le 9 novembre dernier.
Le discours avait été commenté ici et là, mais toujours à partir des dépêches d'agence.

Je dois avouer que, sans rien ôter à ma confiance - totale - envers le Saint-Père, certains passages m'avaient inspiré... de la perplexité.
Qu'attend-il vraiment de nous, catholiques, prêts à suivre son enseignement?
Je me suis permis de poser la question à mon cher Père Scalese, dont l'avis de prêtre et aussi de sage (sa modestie dût-elle en souffrir, tans pis!) compte beaucoup pour moi.

Il a eu la grande gentillesse de me répondre par un long billet de son blog, daté d'aujourd'hui.

Sa réflexion apporte vraiment quelque chose de positif (et même d'optimiste) au débat.
Le Père Scalese est quelqu'un de résolument optimiste, parce qu'il a la foi. Il l'a écrit une fois: à Dieu, rien n'est impossible
Je lui exprime donc toute ma gratitude pour cette bouffée d'air frais, tellement au-dessus des mesquineries, même si, bien entendu, quelques doutes peuvent subsister (bien moins qu'avant de le lire, en ce qui me concerne).

Texte en italien: http://querculanus.blogspot.com/2009/11/...


Vendredi 20 Novembre 2009
Eglise et Immigration
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Béatrice, de France me demande un avis sur une question très actuelle, délicate et débattue: l'immigration.
Dans son mail, elle se réfèrait au discours prononcé par le Saint-Père, il y a une dizaine de jours, lors de l'audience aux participants au VIe Congrès mondial pour la Pastorale des Migrants et des Réfugiés. Elle ajoute:
[Là, à ma grande confusion, le Père cite mon mail en italien, le mien est un italien très scolaire - mais je reprends en partie un texte d'une autre personne - et je ne vais quand même pas me traduire!]

« Come dice Caterina per un altro soggetto, si tratta di un argomento che, “non avendo nulla a che fare con l’infallibilità”, può essere pacificamente discusso. Debbo confessare che faccio un po’ fatica a capire che cosa si aspetta il Santo Padre da noi (pur essendo sicura che egli dice la sola cosa possibile nel suo ruolo) leggendo questo: “La Chiesa invita i fedeli ad aprire il cuore ai migranti e alle loro famiglie, sapendo che essi non sono solo un ‘problema’, ma costituiscono una ‘risorsa’ da saper valorizzare opportunamente per il cammino dell’umanità e per il suo autentico sviluppo”. Personalmente, credo di fare il mio possibile, ma l’inverso non è affatto evidente, qui dove vivo...».

Je suis d'accord avec Béatrice que, s'agissant d'une question pastorale, l'infaillibilité qui traite exclusivement des questions de doctrine de la foi et de morale, n'est pas en jeu. Les problèmes pastoraux peuvent avoir des solutions variées (et de fait l'Église les aborde de façon variée, selon le temps et le lieu) et on peut donc en discuter librement.
Toutefois, cela ne signifie pas que l'Eglise n'a pas le droit - et le devoir - de donner aux fidèles des orientations à suivre, en s'inspirant des principes moraux (ceux-là bel et bien immuables), et en tenant compte des situations particulières dans lesquelles nous vivons.
Il s'agit d'un des principaux devoirs de l'Eglise à chaque époque: elle ne doit pas seulement interpréter et proclamer la doctrine correcte, mais elle doit également appliquer cette doctrine aux différentes périodes historiques et aux différents environnements géographiques dans lesquels elle se trouve vivre.

Benoît XVI souligne à juste titre dans son discours: "si la migration est aussi vieille que l'histoire de l'humanité, jamais comme aujourd'hui elle n'avait assumé un tel relief, par la consistance et par la complexité des problématiques. Elle concerne à présent presque tous les pays du monde et s'inscrit dans le processus plus large de la mondialisation."
Si cette observation est vraie - comme elle est vraie (et je pense que personne ne peut trouver à redire à sa validité) - l'Église peut-elle ignorer ce problème et prétendre qu'il n'existe pas? Si c'était le cas, alors, oui, elle pourrait être accusée de vivre hors du monde. Ce n'est pas seulement son droit mais il est de son devoir de prendre position sur le sujet, non pour faire de la «politique» (il est évident que ce n'est pas le rôle de l'Eglise d'apporter des solutions techniques au problème), mais pour rappeler les principes moraux qui doivent nous guider dans la découverte de ces des solutions techniques et, surtout, pour indiquer ce que devraient être l'attitude de fond, les dispositions intérieures avec laquelle nous devons nous attaquer au problème.

Le thème du Congrès (et du discours du pape) était: "Une réponse au phénomène migratoire à l'ère de la mondialisation."
Il nous rappelle que la nouveauté ne réside pas dans le phénomène de la migration elle-même (qui a toujours existé), mais dans l'ère de la mondialisation, dans laquelle il s'insère.
Pour autant qu'on puisse débattre sur la mondialisation, c'est un fait, c'est la réalité dans laquelle nous vivons: nous bénéficions de ses avantages et nous en subissons les inconvénients.
Où plaçons-nous les migrations: parmi les avantages, ou les inconvénients de la mondialisation? Probablement à la fois parmi les uns des autres, parce que ce phénomène entraîne autant d'avantages que d'inconvénients, comme, du reste, toute autre réalité humaine: il n'y a pas de rose sans épines.

La tentation qui assaille AUSSI de nombreux chrétiens, face aux défis posés par la mondialisation et l'immigration est celle de se refermer sur soi-même et de dire (comme nous l'avons encore entendu répéter ces jours-ci): "Qu'ils rentrent chez eux! Il n'y a pas de travail pour nous, et encore moins pour eux".
Cela peut constituer une réaction compréhensible, mais complètement irrationnelle. Dans certains cas, nous ne pouvons pas nous laisser guider par les émotions, nous devons nous servir de notre tête. Surtout, ceux qui ont la responsabilité des affaires publiques et doivent trouver les solutions techniques dont nous parlions, doivent le faire en utilisant la raison et pas en cédant à des poussées émotionnelles.

Croire qu'on peut se refermer sur soi-même, et résoudre ainsi nos problèmes est tout simplement naïf et illusoire. Qu'on le veuille ou non, nous vivons dans un monde globalisé, nous sommes interconnectés avec le reste de ce monde et de l'humanité.
Et nous n'y pouvons rien: autant saisir cette occasion pour en tirer le plus d'avantages pour nous et pour les autres.
Des gens viennent de partout dans le monde pour trouver du travail ici? Quel mal y-a t'il à cela? Nous l'avons fait nous-mêmes dans le passé, et si aujourd'hui nous jouissons d'une certaine prospérité, nous le devons aux sacrifices de nos parents et nos grands-parents qui ont quitté l'Italie pour aller chercher fortune à l'étranger.
En outre, nous avons besoin de ces travailleurs: il n'est pas vrai qu'ils volent les emplois de nos enfants; ils occupent simplement des postes qui, sans eux, resteraient vides. Non seulement nous ne pouvons pas les rejeter, mais nous devrions leur en être reconnaissants, car ils viennent pour exécuter les services dont nous avons besoin et que personne d'autre ne ferait.

C'est ce qui s'appelle transformer un "problème" en une "ressource".
Il est vrai que, parfois, cette expression peut devenir un slogan, mais c'est un principe général profondément vrai: sage est celui qui est capable de transformer les problèmes en «opportunités». Au lieu de continuer à se plaindre, jeter des imprécations et pleurer sur soi, il vaut bien mieux essayer de tirer quelque avantage de certaines situations que nous sommes contraints de vivre.
Difficile? Cela ne fait aucun doute, mais où est-il écrit que la vie est facile?
D'ailleurs, quand il n'existe pas de solutions alternatives, la seule façon d'avancer est la suivante: exploiter la situation pour en tirer le plus grand profit.
Comme vous voyez, je ne fais pas un discours moralisateur, mais un discours d'intérêt (évidemment, il ne s'agit pas d'un intérêt égoïste, mais si l'on veut, "global").

Béatrice demande: Qu'attend le Saint-Père de nous?
Je ne suis pas le Saint-Père pour répondre à la question, mais le bon sens me porte à croire qu'il ne s'attend certainement pas à nous voir résoudre des problèmes plus grands que nous: les politiques n'y arrivent pas, devrions-nous réussir?
Je pense que la seule chose que le Pape attend des chrétiens est, en fait, une attitude d'"ouverture" envers les immigrés: "L'Eglise invite les fidèles à ouvrir leur cœur aux immmigrants et à leurs familles.
"L'ouverture du cœur" ne signifie pas nécessairement ouvrir votre maison ou ouvrir votre porte-monnaie: il pourrait y avoir des moments ou des situations où on nous demande cela aussi, mais il est évident qu'en général, les simples fidèles (et les citoyens) ne peuvent pas se charger de tous les problèmes de l'humanité.
"Ouvrez votre cœur» signifie ne pas être partial envers les immigrés, ne pas les considèrer comme des ennemis ou des criminels, mais comme de pauvres malheureux, qui ont besoin de notre compassion et de notre aide. Aide ne signifie pas leur faire l'aumône (qui ne respecte pas la dignité des personnes), mais leur donner la possibilité de trouver du travail et un logement: si, par exemple, nous avons besoin de quelqu'un qui travaille pour nous, nous ne devrions pas exclure la possibilité de confier (quoique avec toute la prudence nécessaire et avec le plein respect de la loi) le travail à un immigré.
Mais ce qui est le plus important est de voir les immigrants non pas comme des bêtes, mais comme des êtres humains ou, si vous voulez, des «frères» (même quand ils ne partagent pas notre foi, ils sont toujours «enfants de Dieu").
Nous ne pourrons peut-être pas résoudre tous leurs problèmes: mais, au moins nous leur aurons fait se sentir accueillis, et non des étrangers.

La Piétà de Michel-Ange Un vent de folie sur le monde et sur l'Eglise