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Doninelli était l'un des 60 artistes

... qui ont rencontré le Pape lundi 4 juillet. Il raconte son émotion: "La seule chose dont je peux témoigner concerne le visage de ce vieil homme: un visage qui, malgré les milles difficultés de la papauté, semble chaque jour plus resplendissant". Et finalement, "peu importe si certains diront que les oeuvres exposées n'étaient pas à la hauteur."... (6/7/2011)

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Parmi les artistes invités par le Cardinal Ravasi à rencontrer le Saint-Père pour le 60e anniversaire de son ordination, il y avait un écrivain italien, Luca Doninelli.
Je ne le connaissais pas, mais en recherchant sur internet (qui peut décidément être un outil fabuleux), j'ai vu que certaines de ses oeuvres avaient été traduites en français (1)
Son cadeau au Saint-Père est une nouvelle qu'il a écrite, dont l'introduction est reproduite sur Il Sussidiario. C'est une "fiction" autour du récit évangélique des pélerins d'Emmaus. L'auteur dit s'être inspiré d'un texte du Saint-Père: s'agit-il de la méditation du Regina Caeli du 6 avril 2008?

Je l'ai traduit en français (2).

Surtout, Luca Doninelli fait le récit pour Il Giornale, de sa rencontre avec le Pape.
Ma traduction.

Face à face avec le pape
Son visage donne la paix
Luca Doninelli
Le récit d'une visite spéciale à Ratzinger: "Du fond du dur labeur des années émerge un visage plein de joie et de foi qui gagne chacun"--
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Je connais depuis de nombreuses années, le cardinal Gianfranco Ravasi, qui n'est pas seulement un important bibliste et un fin lettré, mais aussi un homme qui voit intellectuellement très loin, avec un don particulier pour saisir les signes des temps. Ravasi a lu, dans le désormais séculaire fossé entre les artistes et l'Eglise, un signe de fatigue. Il est temps de se parler à nouveau, de se contester, de s'embrasser.

Ainsi, en Novembre 2009, Ravasi donna naissance à la fameuse rencontre du Pape avec trois cents artistes venus du monde entier. Et, poursuivant le travail entamé, à l'occasion du soixantième anniversaire de l'ordination sacerdotale de Benoît XVI, il a demandé à soixante artistes du monde entier d'offrir une de leurs oeuvres au pape. Le résultat est une exposition qui s'est tenue dans le hall de la salle Paul VI intitulée "La splendeur de la vérité, la beauté de la charité".

Parmi les soixante, j'ai eu la chance d'en être, moi aussi. Je dois donc remercier le cardinal Ravasi de cela, qui est le plus beau cadeau que j'aie jamais reçu.
Le protocole de la rencontre prévoyait, en effet, une très brève rencontre personnelle avec le Saint-Père pour chaque artiste. Je n'aurais jamais imaginé que cette chose pourrait m'arriver.
Flamboyante le matin, grise et étouffante l'après-midi, Rome est de toutes façons splendide.

Parmi les gardes suisses, les prélats et les chauffeurs vêtus de bleu, les artistes s'entrevoient, se saluent, se parlent, ou s'évitent comme en toute autre occasion, et rien ne semble présager quelque chose de spécial. Beaucoup ont l'expression de celui qui dit "j'ai déjà donné", mais c'est peut-être juste une impression. C'est pourtant un fait qui n'est pas clair pour tous, mais qui est clair dans l'esprit du cardinal Ravasi et, surtout, du Pape

L'arrivée du pape est prévue pour 10h30 du matin, mais des problèmes sont apparus et il y a plus d'une heure de retard. Il semble que la cause soit l'excommunication imposée à un évêque chinois: problèmes bien plus graves que la rencontre avec quelques artistes.
Mais le pape tenait beaucoup à cette rencontre, et ainsi, il s'est présenté avec simplicité, accueilli par un premier applaudissement où s'insinuait un soupçon de perplexité: nous commencions à réaliser ce qui se passait.

Le compositeur Arvo Pärt a présenté un émouvant Pater Noster en allemand, composé pour l'occasion. Puis le Pape a pris la parole. Des mots simples comme ceux-ci: «Le monde dans lequel nous vivons a besoin que la vérité resplendisse et ne soit pas obscurcie par le mensonge ou la banalité; il a besoin que la charité enflamme, et ne soit pas surpassée par la fierté et l'égoïsme. Nous avons besoin que la beauté de la vérité et la charité touche le plus profond de notre cœur et le rend plus humain. "

La requête est de ne jamais séparer la beauté de la vérité et la charité. Il est nécessaire que la beauté naisse du cœur des choses, du cœur de la matière, de la chair.

Le photographe Mimmo Iodice me prend par le bras. "Vois-tu - me dit-il - nous avons grandi dans l'idée que l'art doit être provocation, transgression, et ainsi de suite. Mais personne n'a jamais commencé à être un artiste pour cela.
Tout commence par le charme de la beauté".
Mais le parcours de chaque artiste, dans cette aventure, s'est accompli personnellement, dans la brève conversation que chacun de nous a eue avec le Pape. Ce qui au départ semblait être une occasion comme tant d'autres, se transforme en un "vis-à-vis" (en français dans le texte) qu'aucun ne peut raconter..

La seule chose dont je peux témoigner concerne le visage de ce vieil homme: un visage qui, malgré les milles difficultés de la papauté, semble chaque jour plus resplendissant. Une paix infinie illumine ce visage et ces yeux. C'est le même visage que j'ai rencontré en 1985 lors d'une conférence, mais c'est aussi un visage différent. Ce ne sont pas seulement les années: c'est la beauté lumineuse qui émerge, si je puis m'exprimer ainsi, du fond des années, des difficultés, des mille douleurs du corps et l'esprit. C'est la foi, comprise comme la chair même de la vie. Pour chacun de nous, il y a eu la rencontre avec ce visage, avec ce regard. En le regardant, je me suis vu petit garçon, quand, après deux ans d'éloignement de l'Eglise, je m'en étais rapproché, et tout cela pour une fille qui peut-être me plaisait, et peut-être pas (et à laquelle, à coup sûr, je ne plaisais pas). Sans cette fille, dont je ne me souviens même plus du visage, je n'aurais pas été ici aujourd'hui.
Pour le reste, peu importe si certains diront que les oeuvres exposées n'étaient pas à la hauteur. Cela veut dire que, si ce n'est pas nous, d'autres feront mieux. La chose importante est que ce fil ne se casse pas.

Notes

(1) Luca Doninelli (source)
Né à Leno, dans la province de Brescia, en 1956, Luca Doninelli, après avoir enseigné la philosophie dans divers lycées et instituts techniques, a collaboré, comme critique littéraire, à divers journaux et revues, s’inscrivant un temps dans la mouvance catholique de Communione e Liberazione, avant de prendre ses distances par rapport à cette organisation.
Son premier livre, paru en 1990, regroupait deux récits dont Les Deux frères (I due fratelli), salué par la critique unanime comme un des textes les plus convaincants qu’ait produits la génération de ceux qu’on appela « les jeunes romanciers italiens », appellation schématique et très inappropriée dans le cas de Doninelli, dont l’écriture se situe aux antipodes du minimalisme de la plupart de ses exacts contemporains.
La revoca (La Révocation), son second livre, bref roman centré sur une déambulation nocturne, fut publié en 1992 et suivi, en 1994, du recueil de nouvelles Le decorose memorie (Les souvenirs gratifiants), qui obtint le très prestigieux prix Grinzane-Cavour lors du Salon du Livre de Turin. La verità futile (La vérité futile), en 1995, confirma le talent de Doninelli, explorateur de la faute et du mensonge, voyageur urbain dialoguant avec ses morts dans une prose d’une intensité lyrique inusitée, avec laquelle rompra toutefois, en 1996, Talk show, roman-pamphlet qui s’applique à décrire en vingt-trois chapitres le déroulement d’un programme télévisé dégradant.
Luca Doninelli a par ailleurs publié un recueil d’entretiens avec Giovanni Testori, important écrivain milanais dont il fut l’ami et dont l’univers, qui entretient avec le christianisme des rapports un peu comparables à ceux de Pasolini, inspira le scénario du film de Luchino Visconti, Rocco et ses frères.
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(2)
Luca Doninelli:
"Voici le début de l'histoire dont j'ai fait cadeau au Saint-Père. L'un des deux disciples d'Emmaüs raconte pour la énième fois ce qui lui est arrivé, il y a tant d'années. Mais les questions de l'enfant sont nouvelles. L'histoire est inspirée par l'un des écrits du Saint-Père lui-même sur le thème du titre".

L'homme accompli
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- Papa, dit le petit garçon, je dois te demander quelque chose"
- Tu veux qu'on marcher un peu? - dit son père.
- Assieds toi ici.
Le petit garçon indiqua à son père, un point où le muret de pierre qui délimitait les deux champs formait un angle.
Le père obéit et s'assit, enlaçant son fils et l'attirant contre lui.
La petite maison était toute noire dans la pénombre. Les montagnes aussi, au-delà du lac, étaient déjà noires, tandis que le soleil incendiait l'extrémité de la plus haute d'entre elles. Le père savait que le soleil allait dans un instant descendre le long du contour de la colline, comme un homme qui descend de cheval pour un passage difficile, avant de disparaître à l'intérieur de la gorge qui l'attendait déjà. Protégé par l'ombre, le lac réfléchissait un peu du gris du fond et un peu de la clarté du ciel.

- Ecoutons cette question, dit le père.
- Eh bien, commença le garçon tu m'as parlé plusieurs fois de ces deux hommes qui s'éloignaient de Jérusalem, et qui, comme ils marchaient vers Emmaüs, ont été rejoints par un mystérieux individu.
- Tu sais bien qui était le mystérieux individu.
- C'est précisément ma question, papa. Ces deux hommes eux aussi savaient qui il était. Ils l'avaient vu de nombreuses fois. Mais cette nuit-là ils ne l'ont pas reconnu. Ils ont marché longtemps avec lui ... »
- Très longtemps... »
- Ils ont parlé, l'homme leur a dit beaucoup de choses importantes, et puis ils se sont assis à table avec lui. La question que je me pose est: comment ont-ils pu ne pas le reconnaître jusque-là?

Le père sourit, parce qu'il voyait, jour après jour, son garçon devenir grand.
- Est-ce que tu veux une réponse intelligente? dit-il, etcomme le garçon restait silencieuse, il ajouta: "Parce que si c'est ce que tu cherches, je crains que tu ne sois un peu déçu".

Le garçon le regarda sans parler, faisant une grimace parce que le soleil lui tapait sur les yeux.

- Essayons une réponse normale, pas trop intelligente. Ensuite, voyons où cela nous mène. Te souviens-tu le mois dernier, la dernière fois que nous sommes allés en ville? A un certain moment, alors que nous montions vers le temple, moi et ta mère, nous avons salué une femme qui venait vers nous. Tu nous as demandé qui c'était, parce que tu l'avais vu si souvent, toi aussi, mais tu ne savais pas qui elle était. C'est un visage familier, disais-tu, mais qui est-ce? Et tu te donnais des coups sur la tête en essayant de te souvenir.
- C'était la femme de l'aubergiste...
- Et depuis combien de temps la connaissais-tu, la femme de l'aubergiste?
- Depuis que je suis né...
- Mais si tu la connaissais depuis ta naissance, explique-moi pourquoi tu ne l'as pas reconnue ce jour-là? Et pourtant, c'était toujours elle.
- Je n'ai pas reconnue parce que je ne l'avais jamais vue en dehors de l'auberge.

A ces mots, son père comprit qu'il pouvait commencer à raconter son histoire...



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