Où penche la balance

Un article de l'OR se penche sur l'omertà médiatique qui entoure les risques et les limites de la FIV. Et pose une question, dont la réponse est non précisée, mais évidente: Le débat scientifique dans ce domaine est en cours: pourquoi n'en parle-t-on pas? (28/11/2012)

     

La façon singulière dont les médias parlent de la fécondation in vitro et de la hausse de l'infertilité
Où penche la balance
Texte en italien ici
Carlo Bellieni
(© L'Osservatore Romano, 28 Novembre 2012)
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Des données sur les effets de la fécondation in vitro (FIV) sont pondues en permanence et le débat scientifique sur les technologies reproductives est en plein développement: ce qui surprend, en revanche, c'est le silence des médias, qui ne jugent pas opportuns d'en parler. Par exemple, prenons l'éditorial du dernier numéro du «Journal of Reproduction and Infertility», écrit par son rédacteur en chef: Comment se comporter face aux limites des nouveaux traitements pour l'infertilité et aux nouvelles technologies?
Dans l'article de la très sérieuse revue, il est question des limites de qualité de certaines techniques, de la croissance rapide de «l'industrie de la FIV», on déplore la hausse des coûts, la publicité, et l'on explique clairement l'une des principales limites techniques: le fait que dans les trois dernières décennies, le succès des tentatives restée à50%. En somme: une voix dans le débat sur les limites techniques et «sociales» (ndt: comprendre: sociétales) de la FIV, qui ne trouve pas d'écho dans un paysage médiatique tendant plutôt à décrire les techniques de fécondation comme un chemin de roses et de fleurs. La revue citée ne s'oppose pcertes pas à l'utilisation de la FIV, et il est d'autant plus important d'en rapporter le débat.

Mais le problème est celui-ci: l'opinion publique a-t-elle accès au débat sur les données de la FIV? Il semble que non: peut-être à cause d'un mot d'ordre qui pousserait à peindre le phénomène uniquement de manière positive.

Bien sûr, il y en a qui essaient d'en parler, mais ils sont plutôt des cas isolés: un reportage de la chaîne américaine «ABC News», le 19 octobre, expliquait que beaucoup de femmes aimeraient congeler leurs ovocytes pour «les mettre en sécurité» et pouvoir ainsi reporter leur grossesse en temps voulu, étant donné que désormais, une femme américaine sur cinq a un enfant après 35 ans et veut «une sorte d'assurance contre l'infertilité».
Mais - précise la revue - l'association des médecins qui soignent l'infertilité (Society for Reproductive Medicine) ne soutient pas ce choix, qui ne garantirait pas le succès en termes de naissance de l'enfant. En effet, plus l'âge de la femme augmente, plus le risque d'échec de la FIV est grand, et - il convient de le dire - même la possibilité de la mort de l'embryon. «Faire de la publicité à cette technique pour différer la grossesse peut donner aux femmes un faux espoir et encourager à reporter la grossesse», explique la Society of Reproductive Medicine dans un article de la revue «Fertility and Sterility».
Mais il y a aussi d'autres données dont on ne parle pas. Une étude australienne et anglaise («Obstetrics and Gynecology», Octobre 2012) signale que, par exemple, malgré une baisse ces dernières années, chez les enfants «la prévalence des anomalies à la naissance par FIV reste plus élevée que dans la population générale», soit 8,7%, par rapport à 5,4%, selon de récentes revues systématiques publiées dans d'autres revues scientifiques.

On en parle si peu. Tout comme il n'est pas fait mention de la possibilité, désormais bien analysée dans la littérature scientifique, qu'en changeant l'environnement dans lequel l'embryon se développe (le laboratoire au lieu de l'utérus), l'ADN de ce dernier peut s'exprimer de façon imprévisible, comme l'explique BA Velker dans la revue «Methods in Molecular Biology».
Mais, à entendre les gens ordinaires, ces données - qui certes ne concernent qu'une petite, et même très faible tranche de naissances - presque personne ne les connaît. Quels choix conscients les couples feront-ils, si les données récentes ne sont pas disponibles pour tout le monde et sont laissées au bon vouloir du médecin, lequel évidemment ne peut les illustrer que pour ceux qui, en pratique, ont déjà fait leur choix?

Tout comme on rappelle peu à l'opinion publique le simple fait biologique que les embryons qui sont congelés ou sont «perdus» lors de tentatives sont génétiquement des êtres humains.

Absence d'un débat approfondi sur la FIV, mais également silence sur la prévention de la stérilité, qui, à ce qu'on lit dans de nombreux journaux ne semble avoir qu'une seule réponse: la fécondation en laboratoire, alors qu'il s'agit dans de nombreux cas d'un problème évitable par d'autres moyens, tels que le rapportnt de nombreuses publications et congrès scientifiques, qui montrent du doigt le report de l'âge de la reproduction et la pollution de l'environnement comme «coupable» de l'infertilité mondiale galopante. Mais si nous mettons sur un plateau d'une balance ce que la société fait pour diffuser la fécondation in vitro et sur l'autre ce qu'elle fait pour faire connaître comment prévenir l'infertilité, la balance inclinerait sans aucun doute du côté du premier plateau. Trop facile. Et la stérilité est en augmentation: une urgence sociale, environnementale, psychologique et médicale. A la place, on ne traite en public qu'un seul aspect, celui lié à la technologie médicale: ce n'est pas un moyen réaliste de résoudre un problème. Le débat scientifique dans ce domaine est en cours: pourquoi n'en parle-t-on pas?