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Avortement en Espagne, la fausse marche-arrière

Un filet d'eau froide - sinon une douche - sur l'enthousiasme des pro-vie, au moment où on nous annonce que le gouvernement "de droite" de Mariano Rajoy revient sur la loi Zapatero. Article de la Bussola (23/12/2013)

Un exemple de tyrannie médiatique

Carlota
(22/12/2013)

Hier soir (samedi) le JT de France 2 nous a montré les soi-disant énormes manifestations pour protester contre le projet de loi du gouvernement espagnol visant à restreindre l'avortement.

Projet de loi très timide malgré tout (ne rêvons pas et quoi qu'on en dise en France, cela n'a rien de révolutionnaire, cela revient à ce qui se faisait en 1985 sous le gouvernement socialiste de Gonzalez), avec notamment deux spécialistes au lieu d'un pour dire qu'un enfant risque d'être anormal. Cela ne change pas la cause de l'avortement à savoir que l'anormalité possible d'un enfant est une cause normale de tuer un enfant.
Un médecin était interrogé, pour dire que bien sûr cette loi allait entraîner de nouveau des avortements clandestins... on en aurait pleuré... on voyait le bon docteur nettoyer ou reposer ses instruments (comme si c'était lui qui faisait cela dans la réalité) et qui enlevait son masque.
Or ce médecin, c'est Santiago Barambio, président de l'Association des cliniques spécialisées dans l'IVG, l'Acai, et l'un des pères de la loi de 2010 sur l'avortement. Il est (ou était, je n'ai pas suivi de près sa carrière récente) responsable d'une célèbre clinique d'avortement, Tutor Médica...

Il fallait voir les femmes dans la rue qui manifestaient et débitaient leurs habituelles réflexions sur la liberté, et à qui on tendait complaisamment le micro.
Je n'ai pas eu le courage de regarder plus de 15 secondes.


* * *

Voici un article publié sur le site italien La Bussola, qui confime l''impression de Carlota... et douche malheureusement un peu la joie de ceux qui luttent pour la vie: une hirondelle ne fait pas le printemps.
J'ajoute, parce que c'est bientôt Noël: c'est mieux que rien.

     

Avortement en Espagne, la fausse marche-arrière

Thomas Scandroglio
23/12/2013
http://www.lanuovabq.it
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Le 20 Décembre, le Conseil des ministres espagnol sur une proposition de la ministre de la Justice Alberto Ruiz-Gallardón a approuvé un projet de loi qui réforme la discipline actuelle sur l'avortement provoqué. La loi, si elle est adoptée, prendra le nom de «loi organique pour la protection de la vie de l'enfant à naître et des droits de la femme enceinte».

Les journaux de chez nous ont fait des manchettes presque à sens unique: «L'Espagne, contre-réforme sur l'avortement» ( La Republicca), «Avortement: l'Espagne fait marche arrière» ( Corriere della Sera ), «Tournant sur l'avortement» ( La Stampa ); «L'Espagne a des doutes et désavoue Zapatero: tour de vis sur l'avortement» (Il Giornale ), «Espagne, retour sur l'avortement» (Il Secolo XIX). [1]

Donc, à écouter les journalistes, il semble que le gouvernement de Mariano Rajoy a révolutionné la discipline sur l'avortement par rapport à la loi précédente de Zapatero.
Les choses ne sont cependant pas aussi simples, si l'on va lire le «Rapport sur le projet de loi sur la protection de la vie de l'enfant à naître». Face à de très légères modifications plus restrictives, le cadre réglementaire ne change pas dans sa substance.

Avant tout, la loi n'a pas été adoptée, contrairement à ce que prétend l'agence de nouvelles Ansa: le projet de loi devra passer l'examen par le Parlement. Les chiffres sont là pour faire passer la loi, mais les surprises pourraient ne pas manquer, vu la pression sociale et médiatique qu'a suscité ce projet de loi.

Voyons maintenant quels sont les réels changements dans le projet de loi par rapport à la Loi Zapatero de 2010. Le projet de loi prévoit la possibilité d'avorter, après un délai de réflexion de 7 jours, jusqu'à la 22e semaine pour de graves (qualifiés plus loin d'«importants») dangers pour la vie ou la santé physique et mentale de la femme. Le dommage futur éventuel, mais pas certain, devra être durable, mais pas irréversible. Il va sans dire que la déclaration d'une femme, qui prétend que l'enfant lui procurera une gêne psychologique importante, pourra très bien représenter une situation très dangereuse pour son psychisme (et tant que l'enfant vivra, le dommage sera durable.)

Cela change-t-il quelque chose par rapport à la législation actuelle? Presque rien. En fait, la loi actuellement en vigueur prévoit à l'art. 14 que jusqu'à la 14e semaine, on peut avorter sans fournir de raisons. En vertu de la nouvelle loi, il suffira de certifier un «danger grave pour le psychisme de la femme» et le tour est joué: rien ne changera.

La loi Zapatero prévoit également à l'article 15 que l'on peut accéder à l'avortement jusqu'à la 22e semaine en cas de «danger grave pour la vie ou la santé de la femme» et risque d'anomalies graves pour le fœtus. Encore une fois, rien ne change: le «danger grave pour la vie et la santé de la femme», nous avons vu que c'est un critère également présent dans le projet de loi; et sur l'absence dans ce projet de loi du critère de perfectibilité physique du fœtus, une telle absence n'est qu'apparente. En effet, une femme qui serait informée que le foetus pourrait avoir des malformations aura droit à l'accès à l'avortement parce que la crainte d'avoir un enfant malformé sera en mesure d'induire un état d'anxiété profonde et donc retomberait dans le cas prévu par le projet de loi relatif au danger pour la santé mentale de la femme.

Il faut se rappeler que, selon la loi sur l'avortement de 1985 - loi qui, selon les détracteurs du projet de loi actuel, redeviendrait d'actualité dans son contenu restrictif - 98% des avortements étaient pratiqués pour des raisons liées à des troubles psychologiques. Ce critère, par conséquent, comme pour la loi Zapatero, sera l'entrée principale à toute demande d'avortement.

La nouvelle loi prévoit également, comme la précédente, que l'on pourra supprimer l'enfant en cas de viol: la demande doit être faite avant la 12e semaine.

Un aspect apparemment novateur est le suivant: le certificat pour l'accès à l'avortement devra être rédigé par deux médecins spécialistes de la pathologie/trouble qui cause un danger pour la vie ou la santé de la femme, médecins qui ensuite n'auront pas à provoquer l'avortement, et qui ne devraient pas non plus travailler dans le même établissement que celui pratiquant l'intervention abortive. Ce processus était déjà présent dans la loi Zapatero (art. 15), bien que limité aux avortements entre la 14e et la 22e semaine, et à l'excclusion de la disposition relative au rapport de travail entre la structure où se pratiquera l'avortement et le médecin qui délivrera le certificat.

Il faut ajouter que cette procédure ne limitera certainement pas les avortements. En effet, si un médecin est pro-avortement - qu'il soit psychologue ou dermatologue - peu lui importera que l'avortement soit effectué par un collègue. S'il est d'accord sur l'avortement, il signera le rapport/certificat. Bien sûr, en cas d'urgence, le certificat des deux médecins ne sera pas nécessaire. D'où la question: qui pourra contrôler l'état d'urgence reconnu par le médecin qui effectuera l'avortement?

Pour le nouveau projet de loi aussi, il sera possible d'avorter après la 22e semaine, comme le prévoyait «la loi organique sur la santé sexuelle et reproductive et sur l'interruption volontaire de grossesse» de Mars 2010. Cette dernière permettait l'accès à l'avortement après 22 semaines dans le cas de malformations fœtales incompatibles avec la vie du fœtus ou dans le cas d'une maladie extrêmement grave et incurable de l'enfant à naître (article 15 lettre c.). Il n'était pas prévu que ces anomalies doivent nécessairement affecter la santé de la mère pour justifier une demande d'avortement.

Le nouveau projet de loi resserre les mailles, mais seulement légèrement. En effet, il établit qu'au-delà de la 22e semaine, il sera possible d'avorter si la mère court un danger pour sa vie ou en présence d'anomalies fœtales incompatibles avec la vie de l'enfant à naître et qui pourraient être préjudiciable à la mère, à condition que ces anomalies n'aient pas été découvertes par les contrôles précédents, bien qu'elles puissent avoir été détectées plus tôt, ou à condition que seulement actuellement, ces malformations aient pu être découvertes. La contrainte de «la santé de la femme», nous l'avons vu, est facilement flexible: n'importe quelle malformation peut affecter la sérénité d'une femme. La contrainte de l'incompatibilité de la pathologie avec la viabilité du foetus semble un peu plus difficiles à surmonter.

Passons aux mineures. Les filles mineures entre 17 et 18 ans, pourront toujours avorter, mais, contrairement à la loi Zapatero (art. 13), le consentement des parents, apparemment contraignant, sera désormais restauré. À cet égard, nous savons que dans de nombreux cas, la mineure arrive à l'avortement, non seulement avec le consentement des parents, mais poussée par ceux-ci quand la mineure est récalcitrante. Sans compter que l'éventuel désaccord des parents compte autant que le deux de pique: en effet, il est prévu que s'il y a désaccord entre la mineure et les parents, , c'est le juge des enfants qui tranchera, évaluant non pas tant le sujet, c'est-à-dire la demande d'avortement de la mineure, mais sa maturité (comme c'est le cas en Italie). Les mineures de moins de 17 ans, selon le projet de loi, pourront avorter, mais toujours avec le consentement des parents. Dans ce cas aussi, en cas de désaccord avec les parents, ce sera au juge de décider. Mais dans des cas particuliers, le juge devra déterminer si l'absence de consentement parental est dans le meilleur intérêt de l'enfant.

Pour le médecin - et non pour la femme - qui ne respecte pas les faibles contraintes mentionnées ci-dessus, il est prévu de la prison de une à trois années (avant, il était prévu une amende). D'où quelques questions sur l'efficacité réelle de cette sanction: qui va vérifier si les conditions prévues par la loi ont été respectées? Conditions auxquelles, entre autres choses, nous avons vu, qu'il est très facile d'obtempérer. D'ailleurs, qui voudrait poursuivre le médecin? Les infirmières pro-avortement? Certainement pas la femme qui a obtenu ce qu'elle voulait, c'est-à-dire l'avortement. Une note: de l'amende à la femme qui avorte, mentionnée par les journaux il n'y a pas trace dans le rapport.

Enfin, il est interdit de faire de la publicité pro-avortement dans les cliniques.

Comme nous l'avons vu, en substance, rien n'a changé . Pour quelle raison? Parce que le principe inspirant le projet de loi est le même que celui épousé par Zapatero: l'enfant à naître n'est pas pleinement reconnu comme un sujet de droit. En effet, dans le «Rapport sur le projet de loi sur la protection de la vie à naître», juste pour rassurer tout le monde que rien de radicalement nouveau n'a été inclus dans le projet de loi, il est écrit: le projet de loi «souligne que la protection de la vie "à naître" n'a pas de caractère absolu si elle entre en conflit avec la vie et la dignité des femmes ,qui sont plus importantes». Traduit: il y a des personnes de série A et des personnes de série B. Plus loin, on lit: «Est pleinement garantie l'attention à la femme qui voit la nécessité de mettre fin à sa grossesse dans tous les cas, étant donné que la prestation pour l'interruption de grossesse dans les cas dépénalisés restera couverte par le portefeuille commun de base de services sanitaires du système national de la santé».
Le principe de base reste l'autodétermination souveraine des femmes.

Le Parti populaire (PP) de Rajoy va donc dans le même sens que le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de Zapatero mais plus lentement, comme il l'a souligné le journaliste Carlos Esteban de La Gaceta : «Si un jour le PSOE défendait le cannibalisme, le PP dirais que l'on peut manger les bras et les jambes d'une personne, mais qu'il ne faut pas aller au-delà».

     

Note

La France n'est pas en reste, si on en juge par cette captutre décran aujourd'hui sur Google: