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La fatigue du Pape seul

... et les curieuses anticipations des journalistes (7/12/2013)

François, autre futur "Pape émérite"?

L'article de Politi, ex-plume de pointe de La Repubblica, que j'ai traduit ici, ne contient à première vue rien de bien nouveau, et confirme ce que nous savons déjà: la presse libérale et de gauche (en fait, "la presse") s'est entichée du Pape François (ou fait semblant), à l'insu ou non de ce dernier, et pour des raisons qui ne tiennent pas à sa personne. En réalité, en plus de faire de la surenchère, elle joue "le pape contre l'Eglise", et s'emploie méthodiquement à insinuer parmi les catholiques (que ce soit la base, ou l'institution) le poison de la division, y compris en se servant de propos plus ou moins "volés" au secrétaire de Benoît XVI par un journal allemand (cf. Qu'a dit Georg Gänswein à Die Zeit? ).

En réalité, il y a bel et bien quelque chose de nouveau - un fait auquel Antonio Mastino (Papale papale) a consacré un long article qui va bien au-delà de CE pape. C'est cette phrase:

Bergoglio sent qu'il n'a pas beaucoup de temps à sa disposition. Une dizaine d'années avant de décider probablement lui aussi de passer la main.

Il semble que ce n'est pas la première fois que cette "idée" est lancée, mine de rien, comme un ballon d'essai, pour "tâter" l'opinion.
Toujours grâce à Antonio Mastino, je suis arrivée à un article du site Libero.
Le problème de la fiabilité du site n'est pas en cause (que ce soit de la presse trash, ou l'un de ces sites dont on fait généralement précéder le nom de "le très sérieux...", comme Die Zeit: en fait, ce sont les mêmes intérêts qui se cachent derrière). On y retrouve curieusement le nom de... Caroline Pigozzi [1].

     

La fatigue du Pape seul
Marco Politi
Il Fatto Quotidiano (via www.finesettimana.org)
6 Décembre 2013
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Un vertige, une rencontre manquée, un commentaire brutal sur les choix du nouveau pontife (Georg Gänswein dans Die Zeit).
Mercredi dernier, en l'espace de quelques heures, c'est comme une sonnette d'alarme qui a retenti pour le pape Bergoglio.

Après l'audience générale, place Saint-Pierre - la température était froide - François a senti la tête qui lui tournait, et le léger malaise l'a forcé à aller tout de suite se reposer, renonçant à la rencontre avec le cardinal Angelo Scola, venu spécialement de Milan pour parler d'une prochaine visite à l'Expo.
Ce n'est pas une petite chose.
Scola a été le principal antagoniste de Bergoglio au conclave: pas pour des raisons personnelles, bien sûr , mais comme représentant d'une autre plate-forme. Scola est toujours l'une des personnalités les plus influentes parmi les évêques italiens et une bonne relation avec lui est essentielle pour orienter la CEI sur la ligne de réforme que le pape a à l'esprit.
En réalité, François sollicite exagérément ses forces. A 76 ans et avec la responsabilité d'une organisation de plus d'un milliard et cent millions d'adhérents (sic!), le pape argentin n'a pas pris un moment de vacances cet été. Contrairement à Jean-Paul II, il ne reprend pas de forces grâce à de petites «escapades» dans la nature et contrairement à Benoît XVI, il ne s'accorde pas chaque jour une marche d'une heure dans les jardins du Vatican.
Aux jeunes de la paroisse de Saint-Cyrille à Rome, il a déclaré dimanche qu'il reprenait seulement une demi-heure de sieste après le repas et ensuite «retour au travail jusqu'à ce soir».

François présume trop de sa force. Il y a une raison. Bergoglio sent qu'il n'a pas beaucoup de temps à sa disposition. Une dizaine d'années avant de décider probablement lui aussi de passer la main. Et dix ans dans l'histoire de l'Église, c'est très peu. Dans le flot de louanges et d'applaudissements qui l'entourent, le pape est argentin est seul, très seul. S'il s'était limité au programme auquel de nombreux cardinaux s'attendaient, il n'y aurait pas de problèmes. Réorganiser l'IOR, alléger la Curie sont des questions techniques pas très difficiles à réaliser. Consulter plus souvent les évêques - comme cela avait été demandé au le futur Pape au cours des assemblées générales avant le conclave - pouvent être réalisé à travers des réunions plénières du Collège cardinalice plus fréquentes et avec un ordre du jour précis. Mais François fait beaucoup plus que beaucoup de ses électeurs avaient imaginé (c'est arrivé avec Jean XXIII ) Il veut remodeler la Curie depuis les fondements, réorganiser le Synode des Évêques, donner forme à une nouvelle approche des thèmes sexuels, pousser le clergé à abandonner les attitudes bureaucratiques et auto-référentielle, changer le style du pouvoir épiscopal, inclure les femmes dans des postes de gouvernement, imprimer avec une nouvelle commission (annoncée hier) un nouvel élanà la lutte contre la pédophilie, protégeant les victimes et donnant des indications aux Conférences épiscopales.

Il y a une question qui plane dans le Palais apostolique: qui soutient François? Sur quelles forces peut-il compter?
La réponse est qu'il n'existe pas de «parti» ou de «mouvement» pro-François actif au sein du clergé et des évêques. On ne réforme pas un système imposant comme le système ecclésial - des milliers d'évêques, des centaines de milliers de prêtres et de religieux, un réseau de centres de pouvoir grands et petits - sans une équipe robuste de disciples fidèles et engagés. Dans la Curie, il n'existe pas encore d'équipe bergoglienne. Le nouveau secrétaire d'État, Mgr Parolin, est l'homme qu'il faut (également pour sa forte empreinte sacerdotale) pour travailler avec Bergoglio, mais la plupart des charges curiales sont encore provisoires.

Jusqu'à présent, on ne voit pas, dans les dicastères de la Curie et dans l'épiscopat mondial une patrouille compacte de cardinaux, évêques et prêtres prêts à se battre pour ses réformes, comme pouvaient l'être les défenseurs de la réforme grégorienne au Moyen Age ou du début du Concile de Trente. Les épiscopats nationaux sont inertes. Trop d'entre eux assistent passivement aux manifestations de François. Beaucoup de conservateurs attendent en silence son faux pas.
Dans cette atmosphère, les déclarations du secrétaire de Ratzinger, Mgr Gaenswein, à l'hebdomadaire Zeit propagent l'inquiètude. Le magazine, mais si ce n'est pas entre guillemets (autrement dit ce n'est pas une citation), a écrit que pour le bras droit de Benoît XVI, la décision de François de ne pas vivre dans les appartements pontificaux a été perçue comme un «affront». En outre , Gaenswein tout en reconnaissant qu'il n'y a qu'un seul Pape, s'exclame, inconsolé - je cite: «Chaque jour, j'attends ce qu'il y aura de nouveau». Plus qu'un encouragement (ndt: à quoi?), un rejet du nouveau cours.
François est seul, même si le cœur des fidèles bat pour lui.

     

Anticipations journalistiques...

(1) Le Pape François pourrait démissionner
Libero.it
Lundi 2 décembre 2013
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Bergoglio comme Ratzinger? Démission à brève échéance du pape François dans le sillage de son illustre prédécesseur? L'hypothèse à première vue peut sembler de la science-fiction, ou sensationnelle, selon les points de vue. Pourtant, elle est prise en compte par quelques sources importantes. Tout d'abord, Guillermo Marco, ancien porte-parole du pape François quand il était encore archevêque de Buenos Aires. «Après le geste de Benoît, il ne semblerait pas étrange que François renonce, après avoir fait ce qu'il pensait devoir faire, et s'il estime que ses forces diminuent», a-t-il dit lors d'une interview à la radio. Un pape «peut démissionner, comme le font les évêques, ce serait positif, car cela permettrait de désigner ensuite des personnes plus jeunes».

Pensée très similaire à celle de Caroline Pigozzi, la journaliste française qui a signé avec le jésuite Henri Madelin «Ainsi fait-il», un livre sur la figure de François. La journaliste et écrivain (!!!...) ajoute également au précédent la tradition de la Compagnie de Jésus: «Je crois que François a eu une vision bien à lui du pouvoir, une vision jésuite et personnelle. Il est arrivé tard, il a une mission à accomplir et il sait ce qu'il fait», a déclaré Pigozzi, dans une interview à Infobae http://www.infobae.com/america (un site argentin d'actualités), ajoutant que «le jour où il sent qu'il ne peut pas aller plus loin, que les forces l'abandonnent, il pourrait partir, comme l'a fait son prédécesseur»
Selon elle, ce serait «une nouvelle règle au Vatican», parce que si François démissionnait, il créerait «de cette façon un fait historique qui ferait partie de la tradition au Vatican».

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On m'objectera que les oracles de Caroline Pigozzi sont à prendre avec des pincettes. On sait comment elle a "couvert" le Pontificat de Benoît XVI (un des pires épisodes étant quand elle a froidement affirmé que Benoît XVI n'irait pas au Liban, par amour de son petit confort...), et je me souviens que durant la dernière année de Jean Paul II, elle n'a cessé d'annoncer sa démission imminente... jusqu'à ce que le Bon Dieu s'en charge.
Mais ce qui compte, dans ce genre d'«information/désinformation», ce n'est certes pas la réalité des faits (seul l'avenir les confirmera ou non: personne ne se souviendra des prédictions de la dame dans le second cas, et dans le premier, elle se fera passer pour un génie du journalisme et LA biographe officielle du Pape argentin) mais la tentative d'influer sur le cours de l'histoire.
Parfois, cela fonctionne...