Accueil

Un manifeste inhabituel

C’est celui de laïcs néerlandais qui s’adressent au pape… mais, pour une fois, pas pour réclamer le sacerdoce féminin, ou le mariage des prêtres, ou la communion aux divorcés remariés. Un article de JL Restàn, traduit par Carlota (15/12/2013)

A lire aussi

Mgr Eijk

http://www.cath.ch

Le 2 décembre, le pape François recevait les évêques des sept diocèses des Pays-Bas, emmenés par l’archevêque d’Utrecht, le cardinal Willem Jacobus Eijk.

Le pontife a exprimé, dans un message, sa reconnaissance pour le service du Christ et de l’Evangile qu’ils accomplissent, et cela «dans des circonstances souvent rudes». Le pape a cependant invité les évêques à reconnaître, dans leurs propres diocèses, les «signes de la présence active du Seigneur».

Le pontife a probablement ainsi répondu aux laïcs hollandais qui lui ont fait parvenir, avant cette visite, un contre-rapport dénonçant le pessimisme de leurs évêques et leur trop grande propension à fermer des paroisses, par dizaines dans le pays. Dans ce manifeste, les signataires indiquent que la foi catholique, la culture, son patrimoine et son héritage «sont menacés d’être perdus pour toujours». Ils reprochent également aux évêques leur réticence à s’exprimer en public.

     

Carlota

Voici un texte de José Luis Restán qui concerne les Pays Bas. Nous sommes évidemment dans la même situation et finalement si le pape parle de dialogue, l’initiative des laïcs hollandais, ne pourrait-il pas, à bon escient, faire école… car nous aussi, malgré nos bonnes volontés et nos veilles et marches sur le terrain, nous avons besoin d’avoir avec nous nos évêques, tous nos évêques, avec leur savoir, leur intelligence, leur spécificité d’évêques, de bergers qui gardent et guident.

Original ici: www.paginasdigital.es

* * *

Un manifeste inhabituel

José Luis Restán
12 -12- 2013
--------

Parmi les tâches qui attendent le pape François se trouve celle de recevoir les évêques du monde entier pour partager leurs problèmes, proposer de nouveaux chemins et rénover la passion missionnaire. En définitive il s’agit de « confirmer dans la foi », comme Jésus a chargé l’apôtre Pierre de le faire. Cette communion avec Pierre est un besoin vital et non une simple question d’organisation et c’est ainsi que s’explique que tout pape doit passer beaucoup de temps, de sagesse et de patience à ces rencontres dénommées du terme technique de « visita ad limina ».

Il y a quelques jours François a reçu l’épiscopat hollandais qui amenait dans sa sacoche les blessures d’une Église minée par une sécularisation sauvage, lacérée par de graves divisions et avec chaque jour des difficultés toujours plus grandes pour avoir des répercussions dans la société. L’arrivée des évêques a été précédée à Rome d’un document adressé au pape par un groupe nombreux et qualifié de laïcs qui exprimaient leur amertume et leur inquiétude par rapport au cap suivi par la communauté catholique aux Pays Bas.

Les manifestes de protestation sont une formule rebattue dans les milieux du catholicisme de l’Europe centrale, mais dans ce cas nous sommes devant une intéressante nouveauté. Là nous ne rencontrons pas de revendications contre la morale sexuelle de l’Église, ni pour le sacerdoce féminin ou la démocratisation ecclésiale. Le document intitulé en toute finalité « Ad limina Apostolorum » dénonce que « la foi catholique, la culture, son patrimoine et son héritage sont actuellement en danger d’être perdus pour toujours », et rend coupable les évêques de « s’être retirés de leurs obligations en faveur de leur troupeau, en citant une litanie d’obstacles sociaux qu’ils sont incapables ou ne veulent affronter ». Les responsables de cette dure allégation que François a eu sur sa table avant de recevoir les évêques appartiennent à la Bezield Verband Utrecht (BVU) et au Professormanifest (PM), tous deux avec des présences très significatives dans la vie universitaire, scientifique et économique du pays.

Ces groupes de laïcs ont exprimé leur pleine communion avec le magistère de François exprimé dans la récente exhortation Evangelii Gaudium et ils sollicitent du souverain pontife qu’il les aide à «arrêter la tendance à faire taire la foi » et qu’il appuie la communauté catholique hollandaise dans sa tâche de discernement, de purification et de réforme. Il est difficile d’évaluer jusqu’à quel point est juste la responsabilité imputée aux évêques, mais ce que l’on peut reconnaître c’est une douleur profonde qui naît de situations réelles : drastique perte de l’influence sociale, suppression du patrimoine de l’Église, un certain abandon de la tribune publique et un manque d’initiative pour une nouvelle mission. Évidemment la responsabilité est du corps entier de l’Église : laïcs, prêtres, religieux et évêques, mais c’est à eux que correspond un travail de guide et une prise de risques dont les signataires pointent le manquement.

François a semblé avoir indirectement fait écho du plus positif de ce document quand il a incité les évêques « à regarder avec confiance les signes de vitalité qui se manifestent dans les communautés chrétiennes de vos diocèses », en signalant que « les hommes et les femmes de votre pays attendent d’authentiques témoignages de l’espérance qui nous fait vivre, celle qui vient du Christ ». Le pape a souligné que « l’anthropologie chrétienne et la doctrine sociale de l’Église font partie du patrimoine des expériences et de l’humanité où se fonde la civilisation européenne et peuvent aider à réaffirmer concrètement la primauté de l’homme sur la technique et les structures ». Dans un autre passage il a encouragé les évêques à être présents dans le débat public dans une société fortement marquée par la sécularisation. Et à partir de sa propre expérience du ministère épiscopal il a souligné que « l’Église se développe non par prosélytisme mais par attraction ».

Dans un contexte aussi rude et hostile que le contexte hollandais, on reconnaît mieux que la tâche est de réveiller le cœur des hommes et maintenir l’espérance du reste du peuple chrétien qui reste ferme dans la foi. François laisse clairement comprendre qu’il faut profiter des occasions de dialogue, en se faisant présents dans les lieux où se décide le futur. Ainsi les chrétiens « pourront donner leur apport aux débats sur les grandes questions sociales qui concernent par exemple la famille, le mariage, la fin de vie ». Dans cette tâche où les laïcs doivent être les protagonistes, ils ne peuvent se sentir seuls ni à la dérive, mais accompagnés et soutenus par la communauté présidée par l’évêque. De nouveau nous pouvons reconnaître une réponse positive à l’un des points posés par le manifeste Ad Limina Apostolorum.

Bien que l’Église ait sa propre histoire dans chaque pays, ce qui est arrivé autour du cas hollandais est significatif et instructif pour tous.
L’énorme sécularisation est un défi mais ne peut pas se transformer en tombeau. Il est important que face aux énormes obstacles culturels et sociaux les pasteurs ne rentrent pas dans une espèce de conformisme et dans un court-circuit expressif, dans cette « culture de la peur » à laquelle fait référence le manifeste. Il existe des laïcs disposés à une nouvelle mission dans son entourage mais ils ont besoin d’être accompagnés et soutenus ; de même les évêques ont besoin aussi d’expérimenter le lien vivant avec son peuple pour ne pas se sentir des astéroïdes hors de son orbite. Je crois que le pape a réalisé avec sagesse et sens du contact sa mission essentielle : si les uns et les autres écoutent, nous avons ici le ferment pour recommencer à partir de l’unique point possible : la joie de l’Évangile expérimenté là et maintenant dans la communion de l’Église.

     

Note: Une interviewe de Mgr Aillet