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Ettore Gotti Tedeschi s'explique

L'hebdomadaire catholique espagnol "Vida Nueva" a mis en ligne une partie d'une interviewe publiée sur son édition papier de cette semaine. Traduction de Carlota (3/4/2014)

>>> L'honneur de Gotti Tedeschi
>>> Gotti Tedeschi est innocent

On a menti publiquement à Benoît XVI, avec ma révocation.

Extrait de l’entretien avec Gotti Tedeschi qui sera publié entièrement dans le numéro 2889 de « Vida Nueva » (revue espagnole catholique qui existe depuis plus de cinquante ans)
(Original ici: www.vidanueva.es)
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Ettore Gotti Tedeschi est l’un des personnages les plus controversés du pontificat de Benoît XVI, car il a été le protagoniste des épisodes les plus brillants et aussi des plus sombres des dernières années de Joseph Ratzinger comme évêque de Rome
Sa pensée économique s’est trouvée derrière Caritas in Veritate, la grande encyclopédie sociale du Pape émérite, tandis que sa main menait à bien la réforme initiale de l’Institut pour les Œuvres de Religion (IOR), la mal nommée banque du Vatican, qu’il a présidée à partir de 2009. Il l’a fait jusqu’au 24 mai 2012 quand le Conseil de Surveillance de l’IOR a mis fin à ses fonctions avec un communiqué d’une dureté inhabituelle pour le Saint Siège.

Alors qu’il était foudroyé, il voyait comment se déchaînait contre lui une campagne destinée à en finir avec sa crédibilité. En un clin d’œil, il arrêtait d’être la voix économique la plus écoutée au Vatican, pour se transformer en un pestiféré que l’on accusait même d’être un des « corbeaux » de l’affaire Vatileaks.
Deux années après cette difficile période, Gotti Tedeschi a vu avec soulagement comment le temps a fini par lui donner raison : ceux qui lui disputaient le contrôle de l’IOR ont fini hors jeu, la réforme de l’organisme est revenue sur le chemin tracé par lui et il a été démontré qu’il n’avait rien à voir avec Vatileaks. En outre la magistrature italienne a déclaré son innocence dans un supposé cas de blanchiment d’argent. En contrepartie, ceux qui sont accusés, ce sont Paolo Cipriani, et son « numéro deux » Massimo Tulli, ceux-là même qui avaient affronté l’ex-directeur général de l’IOR.

Gotti Tedeschi reçoit Vida Nueva dans l’entrée d’un hôtel du centre de Rome. Il dit qu’il accepte des questions sur tous les sujets sauf sur l’IOR. Il est seul, ce qui contredit des informations apparues dans la presse italienne comme quoi il se déplaçait avec une escorte car il craignait pour sa vie.

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QUESTION: Vous sentez-vous libéré par la récente décision de la Justice?
RÉPONSE: Ce que je me sens c’est amer, parce que c’est la magistrature qui a fait apparaître la lumière de la vérité sur ce qui est arrivé, pendant que, à l’intérieur de l’Église, au contraire, semble prévaloir jusqu’à maintenant la position de celui qui voulait me mettre en marge. Je crois que cela n’a pas plu au pape François, ni au secrétaire d’État, le cardinal Pietro Parolin. C’est quelque chose qui me remplit d’amertume. Celui qui a empêché ma réhabilitation a fait du mal et pas qu’un peu à l’Église. Il a réussi à empêcher que je sois interrogé, que soient écoutées ma version et ma vérité sur les faits les plus importants de ces dernières années. J’ai aussi mal de tous les dommages en relation avec cette affaire dont, comme conséquence, l’Église a souffert, et maintenant François. Combien de choses auraient été évitées si l’on ne m’avait pas démis de mes fonctions.

Q: Croyez-vous que la décision de la magistrature changera la position d’une partie de la hiérarchie de l’Église envers vous ?
R : Je l’espère mais je crains que cela ne soit pas facile bien que j’ai offert sans discontinuité ma souffrance pour le Pape, priant pour lui et pour ses intentions, car l’espérance chrétienne a toujours été vivante. À côté du pape travaillent beaucoup de personnes saintes, mais aussi il y en a quelques uns qui ne veulent pas que la vérité sorte à la lumière. Ils ne veulent pas que je sois réhabilité car ma réhabilitation porterait avec elle l’accusation implicite en direction d’autres personnes.

Q: Vous n’avez-plus de garde du corps?
R: Une autre information fausse de plus sur moi. Je n’ai jamais eu d’escorte. C’est certain qu’il y a eu une très forte tension liée à des évènements antérieurs à ma cessation de fonction. Nous parlons des mois de février, mars et avril 2012. J’ai alors décidé d’écrire une brève synthèse pour ma secrétaire, que j’ai intitulé ; « En cas d’accident ». S’il n’arrivait rien, le document et ses conclusions n’avaient pas de sens. Quand ces documents ont fini, je ne sais comment, dans les mains des journaux, on a considéré que c’était une justification de ma peur du danger.

Q: Vous aviez peur d’avoir un accident?
R: À certains moments, quand l’on n’a pas une vision [claire] de qui produit des certains effets, c’est la prudence plus que la peur qui vous porte à élaborer une documentation sur ce que l’on vit, de sorte que s’il se produit un accident, ceux qui restent sachent les raisons de ma prudence. Grâce à Dieu et à la magistrature italienne, il ne s’est pas produit d’accident.

Q : C’est vrai que lorsque des agents des « carabinieri » sont venus vous chercher vous avez cru qu’ils allaient vous tuer ?
R: Ils sont venus chez moi à 5h30 du matin. Il y avait de la pénombre et deux personnes se sont rapprochées de mois alors que j’étais en train d’entrer dans ma voiture. J’ai eu un moment de tension mais immédiatement ils m’ont montré leurs papiers et j’ai été tranquillisé. La réaction à ces évènements était liée à mon état d’émotion d’alors.


«On m’a demandé non seulement que j’arrive à la transparence et que je défende la discrétion, mais aussi que le Saint Siège soit exemplaire ».
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Q: Comment en est-on arrivé à cette situation?
R: Le Saint Père m’avait chargé de faire une série de choses qui pourraient amener le Saint Siège à ce que j’ai défini comme les Accords du Latran du XXIème siècle (ndt: Cette comparaison montre l’importance des réformes souhaitées par Benoît XVI et son conseiller). C’est à dire une disponibilité en adéquation avec la transparence que les marchés financiers internationaux et les banques centrales exigeaient depuis le 11 Septembre. Le problème qui se posait était la façon d’adapter le Saint Siège à ces critères. Il y avait beaucoup de difficultés. Le Saint Siège ne fonctionne pas comme une banque pour des tiers, mais soutient des œuvres religieuses. Je me suis concentré sur la réalisation de projets bien déterminés pour qu’il n’y ait pas de pertes de confiance ni de pertes de crédibilité envers le Saint Père et l’Église. L’Église est la plus grande autorité morale du monde et le Saint Père est son plus haut responsable. L’idée maîtresse était que cette autorité soit appréciée par la façon avec laquelle elle suivait cette nouvelle discipline financière, en garantissant en même temps la discrétion des opérations en lien avec son activité.

Q: Une crédibilité dont l’IOR ne bénéficiait pas…
R: Auparavant, des faits historiques qui l’avaient mise en discussion s’étaient produits. Autour de l’institut il y avait cette vision confuse de ne pas être cohérente avec les nouvelles normes de la transparence. On m’a demandé non seulement que j’arrive à la transparence et que je défende la discrétion, mais aussi que le Saint Siège soit exemplaire. Benoît XVI disait que nous devions être exemplaires. Cela ne signifie pas perdre le droit à la discrétion. De fait les lois contre le blanchiment d’argent sale que nous avons proposées étaient supervisées par l’Autorité d’Information Financière/AIF, qui est un organisme interne de l’Église et dont la présidence revient à un très important cardinal, Attilio Nicora. Elle garantissait l’application de la loi et des procédures, et était supervisée par un organisme de l’Église, non pas par un organisme externe. En cas de problèmes, une entité externe devait en référer à une autorité interne de l’Église, l’AIF. L’on garantissait ainsi l’absolue indépendance et l’autonomie. Mais aussi le droit à la discrétion.

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