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L'honneur de Gotti Tedeschi

Le parquet de Rome conclut à un non lieu dans l'affaire de non respect de la réglementation anti-blanchiment qui l'impliquait, et met en cause ceux qui l'avaient accusés (2/4/2014)

En septembre 2010, Ettore Gotti-Tedeschi, le président de l'IOR, faisait l’objet d’une enquête du parquet de Rome pour violation d’une nouvelle loi anti-blanchiment et 23 millions d’euros de l'IOR avaient été saisis
Le 24 mai 2012, Gotti-Tedeschi était évincé de façon particulièrement infâmante de la présidence de l'IOR.
Mon site a consacré beaucoup d'articles aux (très complexes) affaires financières du Vatican en général, et spécialement à Ettore Gotti Tedeschi.
En particulier, cet entretien avec Angela Ambrogetti du 30 septembre 2010 (benoit-et-moi.fr/2010-III), et, du 4 avril 2012, son dernier éditorial dans l'OR , dont il était sur le point d'être grossièrement évincé (benoit-et-moi.fr/2012(II))

Pour un rappel de l'affaire Gotti Tedeschi, telle qu'elle se présentait au moment de son éviction de l'IOR, le plus simple est de se référer à l'article-somme de Sandro Magister, du 12 juin 2012: chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350266?fr=y.
Extrait:

Gotti Tedeschi avait toujours tenu le secrétaire personnel de Benoît XVI, Mgr Georg Gänswein, informé de son action à la présidence de l’IOR et des oppositions qu’il rencontrait.
Il avait reçu du pape lui-même, à plusieurs reprises, le "mandat" explicite d’agir pour parvenir à la pleine transparence.
Et, après avoir été chassé de l’IOR, Gotti Tedeschi voulait faire parvenir au pape un mémorandum complet à propos de toute l’affaire.
Mais aujourd’hui ses papiers et sa correspondance sont dans les mains de la justice italienne, ayant été saisis lors d’une inspection judiciaire qui a été effectuée, le 5 juin, dans sa maison de Piacenza et à son bureau de Milan.
Et des extraits de ses papiers et de l'interrogatoire ont immédiatement commencé à paraître dans les médias, comme cela se produit systématiquement en Italie,
au mépris du secret de l’instruction.
Et des documents confidentiels ont également recommencé à sortir des bureaux du Vatican. En plus de la lettre d’Anderson et de celle de Schmitz, on en a également vu apparaître une qui avait été écrite en mars dernier au directeur général de l’IOR, Paolo Cipriani, par un psychothérapeute en qui il a confiance, Pietro Lasalvia. Ce dernier y donnait un diagnostic catastrophique de l’état de santé psychique de Gotti Tedeschi, qu’il avait pu observer occasionnellement dans le cadre d’une rencontre entre le président et le personnel de la banque vaticane pour les vœux de Noël dernier.

L'article, qui s'intitule: Au gouvernail de la barque de Pierre, dans la tempête... a en plus l'immense mérite de rappeler avec force que contrairement à la vulgate répandue, surtout depuis la renonciation (comme dans le livre de Nicolas Diat "L'homme qui ne voulait pas être Pape") Benoît XVI était aussi un pape de gouvernement.

Antonio Socci rappelait de son côté récement que:

Mgr Georg Gaenswein, secrétaire du pape Benoît XVI dans une interview au "Messagero" du 22 Octobre, une semaine après la démission de Bertone, a candidement admis que «Benoît XVI avait appelé Gotti Tedeschi à l'IOR pour mener à bien la politique de transparence», mais bien que ce fût lui-même qui l'avait voulu là, quand il a été débarqué, le pape n'en a rien su et «a été surpris, très surpris par l'acte de défiance au Professore. Le pape l'estimait et l'aimait» (cf. Qui a poussé Benoît XVI à partir?).

(Ce qui n'est pas clair, dans cette affaire, c'est le rôle du Cardinal Bertone...)

* * *

Le dernier épisode, qui voit la mise hors de cause d'Ettore Gotti Tedeschi, a peu été médiatisé (calomniez, calomniez...). Je n'ai rien vu sur Vatican Insider [cf. mise à jour: Gotti Tedeschi est innocent]. Et on aimerait que les gens (y compris en France... ) qui avaient couvert d'insultes le banquier ami de Benoît XVI, accusé sans preuve d'ultra-libéralisme, fassent un minimum de mea culpa.

Sandro Magister, très impliqué, lui consacre son dernier billet de Settimo Cielo.
J'ai choisi de traduire le très bon article de Riccardo Cascioli, qui conclut: Il faut par tous les moyens dissiper tous les doutes quant à l'existence d'un pouvoir plus ou moins occulte qui s'est servi et se sert de la banque du Vatican à des fins inavouables.

     

IOR, le moment de vérité

Riccardo Cascioli
31/03/2014
http://www.lanuovabq.it/it/articoli-ior-loradella-verita-8821.htm
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Alors que le pape François poursuit la manœuvre d'encerclement autour de l'IOR afin de venir à bout de la crise et d'empêcher que l'Institut pour les Œuvres Religieuses continue d'être une source d'embarras pour l'Eglise catholique, voilà que le tribunal pénal de Rome affirme quelques vérités sur l'IOR qui, logiquement, devraient se traduire par une belle secousse au Vatican et peut-être donner un coup de main à l'action du pape François.

Ces jours-ci, en effet, un décret de non-lieu a été prononcé, sur proposition du Procureur de la république, en faveur de l'ancien président de l'IOR Ettore Gotti Tedeschi, et en même temps, l'ancien directeur de l'IOR Paolo Cipriani et le vice-directeur Massimo Tulli sont mis en accusation. L'affaire de l'IOR concerne la saisie, en 2010 de 23 millions d'euros, soit deux transferts ordonné par l'IOR, sans préciser le propriétaire du compte, en violation de la législation sur le blanchiment d'argent.

Les juges ont pu constater la totale extranéité de Gotti Tedeschi à l'affaire, dont la responsabilité est au contraire entièrement attribuée à Cipriani et Tulli (qui par ailleurs ont été contraints de démissionner de l'IOR en Juillet 2013). Mais les conclusions auxquelles sont arrivés les juges ont une signification qui va bien au-delà du seul fait en cause.

Les juges disent en effet que la violation de la réglementation anti-blanchiment d'argent était une habitude, dont était en fait responsable la structure opérationnelle de l'IOR, tandis qu'au président Gotti Tedeschi, on doit attribuer le mérite d'avoir fait tous les efforts possibles pour rendre l'Institut transparent, conformément aux normes internationales. La preuve en est, disent encore les juges, la promulgation de la loi 127/2010 - les règles contre le blanchiment d'argent - et la création de l'Agence de renseignement financier (AIF) «en mesure de maintenir des relations fructueuses avec les organisations homologues opérant dans d'autres pays (et en Italie avec notre cellule de renseignement financier)». En revanche, les modifications ultérieures et contestées de la législation sur le blanchiment d'argent doivent être attribuées à ceux qui voulaient freiner le processus de transparence que - sur mandat précis du pape Benoît XVI - Gotti Tedeschi réalisait.

Par conséquent, la réalité qui ressort clairement, c'est celle d'un IOR où la volonté de réforme du pape Benoît XVI, qui avait choisi à cette fin Ettore Gotti Tedeschi, a dû affronter le sabotage par des forces non précisées ayant en Cipriani et Tulli leur terminal de commande. Le conflit a par la suite culminé, comme nous le savons, dans le l'éviction de Gotti Tedeschi en mai 2012 de la présidence de l'IOR, accompagnée d'accusations infamantes de la part du Conseil de surveillance, autrement dit le conseil d'administration laïc de l'Institut. Plus encore, la Secrétairerie d'État a accompagné le document du conseil d'administration d'une déclaration très dure envers Gotti Tedeschi, sans précédent dans l'histoire de la diplomatie vaticane.

Deux ans plus tard, il est fappant de noter qu'il a fallu la magistrature italienne - certes peu renommée pour sa rapidité - pour éclaicir des choses concernant la gestion de l'IOR, que le Vatican n'a pas encore été en mesure d'expliquer. Mais ce n'est pas surprenant, étant donné que - malgré l'ostentation de transparence de la nouvelle présidence - les vieux problèmes semblent tous encore présents. Comme en témoigne aussi la démission controversée du cardinal Attilio Nicora, grand allié de Gotti Tedeschi dans le processus de réforme de l'IOR, de la présidence de l'AIF il y a à peine deux mois.

Du reste, le Conseil d'administration qui a désavoué Gotti Tedeschi - et qui a ensuite éliminé ceux qui s'opposaient aux plans illicites de Cipriani et Tulli - est toujours en place: le vice-président Ronaldo Hermann Schmitz, et les membres Carl A. Anderson, Antonio Maria Maroc, Manuel Soto Serrano.

Si la volonté de réformer l'IOR est réelle, à ce stade, il n'y a pas d'alternative. Non seulement il faut une compensation morale immédiate et claire à Ettore Gotti Tedeschi - dont la réputation a été gravement entachée par le couple Conseil d'administration-Secrétairerie d'État. Mais il est également évident que les quatre du Conseil ne peuvent pas rester à leur poste, et il est particulièrement important qu'avant de partir, ils expliquent à qui ils ont dû obéir pour attaquer Gotti Tedeschi - questions qui devraient être adressées également à celui qui, ces dernières années, tenait la Secrétairerie d'État.
Il faut par tous les moyens dissiper tous les doutes quant à l'existence d'un pouvoir plus ou moins occulte qui s'est servi et se sert de la banque du Vatican à des fins inavouables.