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L'archevêque de Bologne répond à Kasper

Deux semaines après le Consistoire sur la famille, le Cardinal Carlo Caffarra s'entretient longuement avec Matteo Matzuzzi, sur Il Foglio, laissant présager les âpres débats dont le prochain Synode sera le théâtre (19/3/2014)

La dernière fois que j'ai lu son nom, c'est il y a très peu de temps, sous la plume de Mario Palmaro, qui voyait en lui un grand défenseur de la famille.
L''article de Il Foglio , en date du 15 mars s'intitule "DE BOLOGNE AVEC AMOUR". Et en sous-titre, cette synthèse par le journaliste des propos du cardinal: Ne touchez pas au mariage du Christ. On ne juge pas au cas par cas, on ne bénit pas le divorce. L'hypocrisie n'est pas miséricorde.

Je m'apprêtais à prendre mon courage à deux mains pour traduire les 4 pages (au moins), mais ayant eu la bonne idée de rechercher éventuellement le texte en français, j'ai constaté que le travail avait déjà été fait par Le Salon Beige.

L'interviewe est très riche, elle peut être lue à petites doses.
Voici une réplique sur une notion mise au premier plan du Pontificat de François.

     

Miséricorde et tolérance

Le mariage, le signe sacramentel du mariage, produit immédiatement parmi les conjoints un lien qui ne dépend plus de leur volonté, parce qu'il est un don que Dieu leur a fait.
Ces choses ne sont pas dites aux jeunes qui se marient aujourd'hui. Et ensuite nous nous étonnons qu’il arrive certaines choses.

Un débat très passionné a tourné autour du sens de la miséricorde. Quelle valeur a ce mot ?
Prenons la page de Jésus et de la femme adultère. Pour la femme trouvée en flagrant d’adultère, la loi mosaïque était claire : elle devait être lapidée. Les Pharisiens en effet demandent à Jésus ce qu’il en pensait, afin de le rallier à leur point de vue. S'il avait dit :« Lapidez-la», ils auraient dit immédiatement : « Voilà : Lui qui prêche la miséricorde, qui va manger avec les pécheurs, lorsque c’est le moment, Lui aussi dit de la lapider ». S'il avait dit « Vous ne devez pas la lapider », ils auraient dit : « Voilà à quoi amène la miséricorde : à détruire la loi et tout lien juridique et moral ».
C’est là la perspective typique de la morale casuiste, qui vous amène inévitablement dans une impasse où il y a le dilemme entre la personne et la loi. Les Pharisiens tentaient d’amener Jésus dans cette impasse. Mais il sort totalement de cette perspective, et dit que l'adultère est un grand mal qui détruit la vérité de la personne humaine qui la trahit. Et précisément parce que c’est un grand mal, Jésus, pour l'enlever, ne détruit pas la personne qui l'a commis, mais la guérit de ce mal et lui recommande de ne pas retomber dans ce grand mal qu'est l'adultère.
« Je ne te condamne pas. Va et ne pèche plus ». Voilà la miséricorde dont seul le Seigneur est capable. Voilà la miséricorde que l'Église, de génération en génération, annonce.
L'Église doit désigner ce qui est mal. Elle a reçu de Jésus le pouvoir de guérir, mais à la même condition. Il est tout à fait vrai que le pardon est toujours possible : il l'est pour l'assassin, est même pour l'adultère. C’était déjà une difficulté que présentaient les fidèles à Augustin: on pardonne l’homicide, mais malgré cela la victime ne revient pas à la vie. Pourquoi ne pas pardonner le divorce, cet état de vie, le nouveau mariage, même si un « retour à la vie » du premier n'est plus possible ?
La chose est complètement différente.
Dans l’homicide on pardonne à une personne qui a haï une autre personne, et on lui demande de se repentir pour cela. L'Église, au fond, s’attriste non parce qu'une vie physique est terminée, mais plutôt parce que dans le cœur de l'homme il y a eu une haine telle qu’elle pousse même à supprimer la vie physique d'une personne. C’est cela le mal, dit l'Église. Tu dois te repentir de cela et je te pardonnerai.
Dans le cas d’un divorcé remarié, l'Église dit : « C’est cela le mal : le refus du don de Dieu, la volonté de casser le lien instauré par le Seigneur Lui-même ».
L'Église pardonne, mais à condition qu'il y ait le repentir.
Mais le repentir dans ce cas signifie retourner au premier mariage. Il n'est pas sérieux de dire : je suis repenti mais je reste dans l’état qui constitue la rupture de lien dont je me repens.

Souvent (dit-on), ce n'est pas possible. Il existe de telles circonstances, certes, mais alors dans ces conditions cette personne est dans un état de vie objectivement contraire au don de Dieu.
Familiaris Consortio le dit explicitement. La raison pour laquelle l'Église n'admet pas les divorcés remariés à l'Eucharistie n'est pas que l'Église présume que tous ceux qui vivent dans cette situation soient en péché mortel. La situation subjective de ces personnes est connue du Seigneur, qui voit dans la profondeur du cœur. Saint Paul le dit aussi : « Vous ne vouliez pas juger avant que ce soit le moment ». Mais [elle le fait] parce que (et cela est justement écrit dans Familiaris Consortio) « leur état et leur condition de vie sont en contradition objective avec la communion d'amour entre le Christ et Église, telle qu’elle s’exprime et est rendue présente dans l'Eucharistie » (FC 84).
La miséricorde de l'Église est celle de Jésus, celle qui dit qu'a été bafouée la dignité de l'épouse, le refus du don de Dieu.
La miséricorde ne dit pas : « Patience, essayons d’y remédier comme nous le pouvons ». Cela c’est la tolérance, qui est fondamentalement différente de la miséricorde. La tolérance laisse les choses comme elles sont pour des raisons supérieures. La miséricorde est la puissance de Dieu qui enlève de l'état d'injustice.