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Le Pape du non-jugement

A propos de la célébrissime formule "qui suis-je pour juger?", et d'une récente homélie à Sainte Marthe (2/7/2014)

     

Mario Palmaro

Mario Palmaro, à la veille de sa mort, le 9 janvier dernier, écrivait au directeur de la Bussola, Riccardo Cascioli:

Face à cette petite phrase historique dans la bouche d'un pape - «Qui suis-je pour juger» - bien sûr, on peut écrire des wagons d'articles de correction et de réparation, chose que les troupes inlassables de normalistes ont faites et font depuis des mois pour expliquer que tout va bien madame la marquise. Mais toi et moi nous savons bien - et tous ceux qui connaissent les mécanismes de communication le savent, que le «qui suis-je pour juger» est une pierre tombale sur toute lutte politique et juridique dans le domaine de la reconnaissance des droits des homosexuels. Si l'on parlait de rugby, je dirais que cette petite phrase du pape François a fait gagner en quelques secondes plus de mètres en faveur du lobby gay, que durant des décennies tout le travail du mouvement homosexuel à travers le monde.

(benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/ce-qui-suis-je-pour-juger.html )

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Aujourd'hui, Marie-Christine me transmet un article du blog "Campagne d'Italie" de Philippe Ridet, l'envoyé du Monde à Rome .
Titre: DE L’INFLUENCE DE FRANCESCA ET FRANCESCO SUR SILVIO.
Francesca, c'est - nous apprend le journaliste, qui s'informe apparemment grâce aux journaux people - "la jeune fiancée de l’ex-Cavaliere".
Francesco, c'est évidemment le Pape.
On appréciera la finesse du rapprochement, qui relativise la popularité médiatique du Pape.
On pourrait aussi dire au journaliste: C'est facile de s'en prendre à un homme à terre (Berlusconi), et ce n'est pas très beau.
Cela poserait d'ailleurs la question récursive (au sens: qui s'auto-appelle) "qui sommes-nous pour juger?"

Philippe Ridet écrit:
En déclarant "qui suis-je pour juger?", le pape François (Francesco) a permis à la droite italienne de penser la question des droits des homosexuels et de l'homosexualité en général, autrement que sous l’angle d’une menace pour la famille.

Nous ne le lui faisons pas dire, malheureusement.

Hasard, je venais juste de lire grâce à Teresa cet article du site anglophone "Catholic4life".
Même sans savoir qui est l'auteur (un jeune blogueur catholique américain) son texte est remarquablemt argumenté.

Il revient sur la fameuse phrase du Pape dans l'avion de retour de Rio, pour constater que dans une de ses récentes homélies à Sainte Marthe, celle du 23 juin, François persiste et signe (Sandro Magister en parlait dans un récent billet sur son blog en italien, traduit par moi ici: benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/les-jugements-du-pape)

     

La théologie de non-jugement du Pape

David Gray
30 juin 2014
catholic4lifeblog.wordpress.com/
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On écrit beaucoup sur le lobby gay. Je n’ai encore trouvé personne au Vatican qui me donne sa carte d’identité avec « gay ». On dit qu’il y en a. Je crois que lorsqu’on se trouve avec une telle personne on doit distinguer le fait d’être « gay », du fait de faire un lobby ; parce que les lobbies, tous ne sont pas bons. Celui-ci est mauvais. Si une personne est gay et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? Le catéchisme de l’Église catholique l’explique de manière très belle, mais il dit, attendez un peu comment il dit… il dit : « Nous ne devons pas mettre en marge ces personnes pour cela, elles doivent être intégrées dans la société ». Le problème n’est pas d’avoir cette tendance, non, nous devons être frères, car ceci est une chose, mais s’il y a autre chose, autre chose. Le problème est de faire de cette tendance, un lobby : lobby des avares, lobby des politiciens, lobby des maçons, beaucoup de lobby. Voilà le problème le plus grave pour moi. Et je vous remercie beaucoup pour avoir fait cette demande. Merci beaucoup !

Voyage Apostolique à Rio De Janero à l'occasion de la Journée mondiale de la jeunesse XXVIII
Conférence de presse de François Pape pendant le vol de retour
28 Juillet 2013
(http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2013/july/documents/papa-francesco_20130728_gmg-conferenza-stampa.html )

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Et il s'est passé qu'immédiatement après la publication de cette interviewe papale en vol, ces cinq mots - «Qui suis-je pour juger» - sont devenus comme une détonation entendue à travers le monde entier. Immédiatement, ces cinq mots du Pape François sont devenus le mantra de tous ceux qui n'étaient pas d'accord avec l'Église catholique sur la sainteté du mariage et la dignité de la vie humaine. Des bidonvilles aux plus hauts niveaux du gouvernement, ces cinq mots sont devenus une licence et une excuse pour être apathiques face au péché et à l'immortalité. Ces cinq mots sont devenus l'arme préférée de libéraux pour l'utiliser contre les personnes qui se s'inquiètent assez pour se soucier du bien-être des âmes.

J'en ai tellement assez d'entendre politicien après politicien, partout dans le monde, utiliser ces cinq mots (hors contexte) pour justifier pourquoi ils ont voté en faveur de la législation sur le mariage homosexuel, que j'ai écrit une lettre ouverte au pape François le 25 Mars 2014 intitulé « A l'aide, nous vous en prions, parlez clairement» (cf ci-dessous) .
Je lui ai envoyé, espérant qu'il la lirait et serait encouragé à parler clairement sur la distinction entre juger les actes d'une personne (les choses que nous pouvons connaître) et juger leurs intentions, leurs motifs et leur coeur (les choses que Dieu seul connaît).

Eh bien, nous sommes à presque un an de cette interviewe du pape François en vol et ce ne sont pas seulement ceux qui détestent l'Église qui continuent à utiliser son «Qui suis-je pour juger» hors contexte pour justifier tous les maux socialement acceptables; mais au lieu de clarifier ce que la Bible dit réellement sur le fait de juger, dans son homélie matinale du lundi 23 Juin 2014, le pape François a décidé de doubler la mise sur cette théologie du non-jugement; ne parlant toujours pas de la dichotomie du jugement.
La toile de fond de son homélie est la lecture de l'Évangile du jour, Matthieu 7:1-5 (1)

Le Pape François a pris dans cette lecture de l'Evangile toutes les choses que les gens y prennent habituellement. Il a dit: «La personne qui juge se trompe, elle a tort, et elle est vaincue parce qu'elle assume la place de Dieu: Celui qui est le seul et unique juge».
Il a parlé de l'hypocrisie de juger les autres, tout en laissant la poutre dans son propre oeil. Il a conclu en se faisant juge lui-même, en qualifiant d'hypocrite «l'obsédé par la personne qu'il veut juger...».
Si nous voulons suivre le chemin de Jésus, a dit le Pape, «plutôt qu'accusateurs, nous devons être les défenseurs des autres devant le Père. Je vois quelque chose de mal chez une personne - est-ce que je vais la défendre? Non! Mais garder le silence! Aller prier et la défendre devant le Père comme Jésus l'a fait. Prier pour elle, mais ne pas la juger! Parce que si vous le faites, quand vous faites quelque chose de mal, vous serez jugés. Cela nous fera du bien dans la vie de tous les jours de nous rappeler cela quand nous aurons envie de juger les autres, de dire du mal des autres, ce qui est une forme de jugement. "

Il y a trois gros problèmes avec ce qu'a dit le pape François dans son homélie.

Le premier est que son interprétation populiste de Matthieu 7:1-5 est une interprétation littérale erronée de ce que Jésus a dit en réalité. Dans mon article «Que dit la Bible à propos de juger les autres», j'étudiais dans une certaine mesure en détail ce que Matthieu 7:1-5 dit en réalité. [texte en anglais ici: www.davidlgray.info/blog/2012/07/what-the-bible-actually-says-about-judging-others].

Le deuxième problème est que ce qu'il a dit à propos de se taire et d'aller prier, au lieu de juger, n'est pas du tout ce que la Bible dit à propos du fait de juger. En fait, selon Ezéchiel 33:1-9, nous pourrions commettre un péché si nous faisons ce que le pape suggère.

Troisièmement, tout compte fait, la théologie de non-jugement du pape tend vers l'indifférentisme et l'apathie envers le péché, en ce qu'il voudrait que nous ignorions simplement tout ce que chacun fait et nous mêler de nos affaires et, pour l'essentiel, elle ne tend pas vers l'amour.

Au contraire, l'amour n'est pas du tout le fait d'être apathique et indifférent à l'égard des actions immorales que nous voyons nos amis, nos voisins et des étrangers commettre. Mais plutôt, l'amour vrai, s'inqiète suffisamment pour prendre soin des gens qui vivent leur vie d'une manière qui se traduira par leur damnation éternelle. Le véritable amour nous conduit au sacrifice, même de nos propres vies, afin que ceux que nous aimons ne restent pas enchaînés à l'esclavage du péché.

Si le pape veut parler de suivre Jésus, ce n'est pas par le moyen de rester tranquille et de partir prier. Non! Jésus est mort sur la croix! Jésus s'inquétait pour nous! Jésus a sauté dans l'humanité pour mettre ses pieds sur le terrain afin de nous indiquer le meilleur chemin. Jésus ne s'est pas contenté de prier! Jésus a agi! Jésus jugé le fruit sur l'arbre et nous a dit de le faire aussi!

Peut-être que je ne connais pas le Jésus que connaît le pape François, mais je suis content de ne pas avoir dans ma vie des gens comme le Pape François.
Les gens que j'ai dans ma vie jugent mes actions et me disent quand j'aurais pu prendre une meilleure décision. Ils ne me condamnent pas, ils ne jugent pas mes intentions ou mon cœur, mais ils me parlent de la qualité de mes actions.
Le prêtre au confessionnal ne me juge pas, mais il me parle de la qualité de mes actions, et il peut le faire parce qu'il les juge selon les règles d'une vie sainte.
Encore une fois, s'agissant de ce que la Bible dit sur l'acte de juger, nous devons toujours faire la distinction entre la condamnation injuste d'actions sur la base de prise en compte des motivations et des intentions par rapport à une évaluation juste des actions.

Seul Dieu peut juger le coeur, mais à l'homme ont été données deux oreilles et deux yeux pour juger de la qualité des actions, et une bouche pour conseiller, encourager et édifier nos frères et sœurs au sujet de leurs actions.

     

Une "lettre ouverte" au Pape

25 mars 2014
http://www.davidlgray.info/blog/2014/03/open-letter-to-pope-francis/

Cher Pape François:

OBJET: LE SERPENT MURMURE VOS MOTS À EVE

Je tiens à vous remercier de coopérer avec Dieu en réponse à votre appel au ministère pétrinien.
Je me suis converti à la vraie foi en 2006, et le pape émérite Benoît XVI a joué un rôle énorme dans ma conversion. J'ai trouvé en lui une oasis abondante de stabilité, vérité, et connexion aux Apôtres, dont j'avais besoin à ce moment, parce qu'autour de moi tout ce qu'on entendait de l'Eglise catholique concernait des prêtres qui molestaient des enfants. Je savais précisément où le Saint-Esprit essayait de me conduire, mais sans les encycliques du Pape émérite Benoît, ses livres, et ses confrontations courageuses contre le relativisme, je me demande si j'aurais jamais ressenti le besoin de la conversion.

Donc, vous êtes mon premier nouveau pape, et j'ai apprécié la plupart des exemples que vous avez donnés au cours de cette première année de votre pontificat. Vous êtes un Pierre très différent du pape émérite Benoît XVI à certains égards, et il y a des choses à apprécier et à aimer à ce sujet. Je prie pour vous presque tous les jours, et souvent je demande à la Sainte Mère de prier pour votre paix, votre protection, et votre courage.

Saint-Père, la raison de cette lettre est cela:
Le dimanche 28 Juillet 2013, vous avez répondu à un certain nombre de questions sur votre vol de retour de votre voyage apostolique à Rio De Janeiro pour les Journées Mondiales de la Jeunesse. A cette occasion, il est arrivé qu'un journaliste vous ait demandé comment vous comptiez faire face à l'ensemble de la question du lobby gay. Au milieu de votre déclaration, il y avait cette interrogation: «Si quelqu'un est gay et cherche le Seigneur et a de la bonne volonté, alors qui suis-je pour le juger?».

Dans le contexte de l'ensemble de votre réponse au journaliste, et à la lumière de votre approche profondément emphatique et pleine de compassion de votre ministère pastoral, j'ai compris ce que vous vouliez dire, mais le monde, non. Au cours de la dernière année, ces cinq mots de votre interviewe de ce jour-là (i.e «qui suis-je pour juger») sont devenus le nouveau mantra pour ceux qui rejettent la vérité, et cela ne fait que s'aggraver.

Ces cinq mots de vous ont été déformés par Satan dans chaque coin du monde pour dire que le pape François a permis l'apathie en réponse au péché. Ce que vous avez dit, vous l'entendiez en termes d'amour, mais vos mots sont maintenant utilisés contre l'amour exprimé dans les œuvres spirituelles de miséricorde dans le but d'exhorter le pécheur, d'instruire les ignorants et de prodiguer des conseils à ceux qui doutent. Comme vous le savez mieux que moi, toutes ces oeuvres requièrent du chrétien d'exercer un jugement des actes (y compris des mots), mais pas du cœur. Pourtant, vos cinq mots sont maintenant utilisés contre nous, afin que nous n'accomplissions plus ces œuvres spirituelles de miséricorde.

Même les législateurs et les juges, partout dans le monde, répètent vos cinq mots tandis qu'ils légifèrent pour le soi-disant mariage homosexuel. Vous n'avez sans doute pas voulu cela, mais en disant ces mots, et en ne disant pas clairement plus tard ce que vous vouliez dire, ou même quel type de jugement Jésus-Christ et les apôtres et les prophètes autorisaient et encourageaient, vous avez donné à Satan une grande arme. Depuis longtemps, le malin tente de redéfinir l'amour comme apathie [face au péché], et maintenant il a vos mots pour l'aider.
Sans intention, ces cinq mots de vous ont semé la confusion et le chaos, et il n'y a pas de fin en vue.

Par conséquent, à l'aide! nous vous en prions, Pape François, prenez un moment pour parler au monde, clairement et définitivement sur "qui vous êtes pour juger". Vous êtes le pape, si vous ne pouvez pas juger à juste titre des actions et des mots, qui le peut? A l'aide, nous vous en prions, parlez au monde, clairement et définitivement sur la distinction entre l'amour et l'apathie.

Saint-Père, s'il vous plaît, arrêtez de permettre à Satan de prendre ces mots innocents que vous avez prononcés pour les utiliser comme un marchepied. Parlez clairement pour mettre fin à ce gâchis. Au moins essayez!

Blessings and Shalom,

David L. Gray

     

(1) Matthieu 7:1-5
1 Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés;
2 Car on vous jugera du même jugement dont vous jugez; et on vous mesurera de la même mesure dont vous mesurez.
3 Et pourquoi regardes-tu la paille dans l'œil de ton frère, tandis que tu ne vois pas la poutre dans ton œil?
4 Ou comment dis-tu à ton frère: Permets que j'ôte cette paille de ton œil, et voici une poutre est dans le tien?
5 Hypocrite! ôte premièrement de ton œil la poutre, et alors tu penseras à ôter la paille de l'œil de ton frère.

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