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Le rêve de Martini

En 1999, il rêvait d'un Vatican III. Quinze ans après, et deux ans après sa mort, son rêve serait-il en train de se réaliser? (12/10/2014)

Dans son éditorial de cette semaine, Jean-Pierre Denis, le directeur de La Vie salue dans le synode en cours ce qu'il qualifie de "petit Vatican III".
Le ton est décalé, caustique envers ces pauvres courtisans qui n'osent pas parler de peur de "contrarier le chef", et "les grands machins romains [où l'on] parle couramment le volapük ecclésiastique", marqué d'un scepticisme de bon aloi pour un catho de gauche (pardon... "un catholique adulte") mais nul doute qu'il se réjouit de la tournure des évènements (à propos, il paraît que sous Jean Paul II, puis Benoît XVI, "l’Église s’avançait dans les mornes plaines du silence et de la peur". Dieu merci, grâce à François, "émoustillée ou ébouriffée, inquiète ou enthousiaste, elle retrouve le chemin d’un vrai débat, utile, urgent, adulte"!!).

Cette tribune parue hier sur la Bussola évoque lui aussi un Vatican III. Pas pour s'en réjouir, par contre. C'est plutôt un avertissement.
Il fait référence à un article écrit en 1999 par Sandro Magister, après le Synode sur l'Europe convoqué par Jean Paul II (en italien ici: chiesa.espresso.repubblica.it).
Et rend hommage à Paul VI, qui sera béatifié la semaine prochaine.

     

LE RÊVE DE MARTINI, ET PAUL VI
Lorenzo Bertocchi
11/10/2014
www.lanuovabq.it/it/articoli-il-sogno-di-martini-e-paolo-vi
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«I had a dream». Ainsi commença le cardinal Carlo Maria Martini au Synode pour l'Europe en 1999, indiquant son désir d'un Concile Vatican III qui réalisât cette «confrontation collégiale et autorisée entre tous les évêques sur quelques thèmes centraux» (temi nodali, littéralement "formant des noeuds").

L'intervention du cardinal, contrairement à l'habitude, ne fut pas remise au bureau de presse du Vatican: sa force était explosive, dans tous les sens du terme (1). Selon Martini, les questions devant être mises à l'ordre du jour, les noeuds à dénouer étaient la pénurie de ministres ordonnés, le rôle des femmes dans l'Eglise, la sexualité, le mariage et la réglementation de la pratique de la pénitence.

Pour comprendre dans quel sens le cardinal de Milan voulait dénouer ces nœuds, il suffit de rappeler un commentaire du célèbre Vaticaniste Sandro Magister: «L'agenda de la future Eglise conciliaire évoquée par l'archevêque de Milan est l'antithèse des orientations du pape Karol Wojtyla», autrement dit, les nœuds que l'un voulait dénouer, étaient exactement ceux que l'autre, Saint Jean-Paul II, avait voulu lier (sacerdoce aux hommes mariés, deuxième mariage, sexualité, ...).

Lisant ce qui se passe au Synode de 2014 , il semble que le rêve de Martini ait trouvé des admirateurs. Selon certains Pères synodaux, il faut en finir avec certaines expressions comme «intrinsèquement désordonnée», en référence à l'homosexualité (voir CEC §2357), ou «mentalité contraceptive» (voir encyclique Evangelium Vitae). Parce qu'elles «n'aident pas à amener les personnes au Christ».
Mgr Nicolas, actuel général des jésuites, a exprimé clairement que «la discussion, libre et franche, se dirige vers le changement, l'adaptation pastorale à la réalité changés des temps actuels. C'est un signe qui fera date, parce qu'au contraire, il y a eu ces dernières années des forces qui ont tenté de ramener l'Église en arrière par rapport à la grande saison conciliaire» (Le "Pape noir" s'exprime ).
Le rêve de Martini semble vraiment se réaliser.

Effectivement, la mise à jour (l'aggiornamento), mot-clé de Vatican II, caractérise de nombreuses interventions au Synode 2014, en analogie ouverte avec la méthode du dernier concile œcuménique. On ne change pas la doctrine, mais la façon de la proposer, pour la rendre plus accessible aux hommes de notre temps. Le long discours d'ouverture du cardinal hongrois Erdö est allé totalement dans cette direction.

On peut apprécier vraiment ce désir de l'Eglise de tendre la main à l'homme blessé, mais nous connaissons aussi les risques de possibles documents «pastoraux» dont l'application serait ensuite laissé à l'évêque individuel.

Le désormais bientôt Bienheureux Pape Paul VI, dans l'Encyclique Humanae Vitae, celles que quelques-uns, au Synode 2014, voudraient jeter aux oubliettes, montre clairement que l'attitude pastorale est un moyen pour aider les hommes à vivre la loi de Dieu, non pas pour l'oblitérer, ou l'estomper. Dans un discours prononcé le 20 Novembre 1965, à l'occasion des travaux pour la révision du Code de droit canonique, Paul VI exprimait également la fausseté d'un conflit entre le droit et la pastorale, faisant valoir que le droit canon lui-même a un but pastoral.

Paul VI voit la «blessure du péché» qui pèse sur l'homme, voit la difficulté de vivre et de réaliser la loi divine sur l'amour humain, mais il n'abaisse pas la proposition. Même du point de vue pastoral. Et il invoque l'aide de Dieu, qui ne manque jamais pour ceux qui la cherchent avec un cœur sincère. La doctrine, lit-on dans Humanae Vitae (§20) «ne serait pas observable sans l'aide de Dieu qui soutient et fortifie la bonne volonté des hommes. Mais si l'on réfléchit bien, on ne peut pas ne pas voir que ces efforts sont ennoblissants pour l'homme et bienfaisants pour la communauté humaine»
Cela aussi est un rêve, réalisable. Avec l'aide de Dieu.

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(1) Le mot italien utilisé est "dirrompente" , du latin rumpĕre (rompre)

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