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Lecture (trapue) de vacances

Marie-Anne a lu le dernier livre de Rémi Brague, lauréat du Prix Ratzinger en 2012, "Le propre de l'homme, sur une légitimité menacée". En annexe, une interviewe de l'auteur dans l'Avvenire en mai 2013 (17/7/2014)

>>> "Le propre de l'homme, sur une légitimité menacée", Flammarion, 15 mars 2013

     

(Marie-Anne, 17/7/2014)
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Avant de présenter le livre, voici un mot sur l’auteur : Né en 1947, membre de l’Institut, il enseigne la philosophie médiévale non seulement à la Sorbonne, mais aussi à l’université de Münich. En 1975 il a fait la connaissance du Professeur Ratzinger à Münich. Lauréat du prix Ratzinger en 2012, c’est lui qui a animé, à la demande du pape émérite, la rencontre des anciens élèves, fin août 2013. Il fait partie du comité de rédaction de la revue Communion qui avait été fondée peu après le Concile Vatican II par Henri de Lubac, Hans Urs von Balthasar et Joseph Ratzinger.
Rémi Brague résume lui-même le contenu de son livre dans sa Conclusion (p. 245), en énumérant les neuf chapitres traités que voici :

¤ Le chapitre 1er annonce le thème principal, à savoir la légitimité de l’humain qui de nos jours a acquis une dimension concrète.

¤ Le chapitre 2 présente les principales menaces qui pèsent sur l’existence de l’espèce humaine et sur ce qui en constitue l’humanité.

¤ Le chapitre 3 précise la notion de la légitimité en la distinguant de l’agrément de la vie ou de la dignité de l’humain, en mettant en valeur l’enracinement généalogique.

4 auteurs d’époque et de couleur différentes illustrent son propos au cours des 4 chapitres suivants :

¤ Au chapitre 4 il cite une fable de la littérature arabe du moyen âge, liée au mouvement des frères appelés sincères. Comme plus tard chez La Fontaine, dans cette fable les animaux se mettent à parler : Ils défendent leurs intérêts par rapport aux humains qui menacent leur existence. Pour arbitrer entre les deux groupes d’êtres vivants on a besoin de recourir à un tiers qui soit supérieur à l’humain. En effet, seul le supra-humain peut porter un jugement impartial sur l’humain.

¤ Le chapitre 5 analyse l’expression anti-humanisme, apparue pour la première fois sous la plume d’Alexandre Blok, poète russe, qui représente l’intelligentsia issue de la révolution d’octobre de 1917.

¤ Le chapitre 6 passe en revue la philosophie de Michel Foucault (1926-1984), basée sur la critique de l’humanisme. Le point de départ de la réflexion, c’est la souveraineté assujettie de l’homme. Nous y reviendrons.

¤ Au chapitre 7 Rémi Brague présente la pensée du philosophe allemand Hans Blumenberg qui dit : L’attitude médiévale s’efforça en vain à réfuter la vision gnostique du monde. C’est l’échec de cette tentative qui a ouvert le chemin des Temps modernes, avec l’affirmation autonome de l’humanité (Selbstbehauptung).
Selon Rémi Brague (p. 247) il faudrait reprendre l’effort du moyen âge. En effet, après avoir complètement abandonné l’attitude médiévale, la pensée philosophique se trouve dans une impasse. C’est pourquoi il faudrait rebrousser chemin, faire marche arrière pour pouvoir repartir dans une nouvelle direction.
Rémi Brague constate que « Sans une Foi en un Dieu à la fois créateur et provident, l’existence de l’homme perd sa légitimité. » Il cherche à caractériser dans les deux derniers chapitres de son livre cette instance qui serait en mesure d’affirmer la légitimité de l’humain.

¤ Le chapitre 8 propose le premier récit de la création (Gn 1) comme texte fondateur pour affirmer la légitimité de l’existence : c’est parce que le créé est bon, et même très bon (6e jour) qu’il a le droit d’exister.

¤ Ce même récit, analysé au chapitre 9, contient, selon Rémi Brague, le premier des commandements du Pentateuque, c’est-à-dire la première Parole du Créateur : Soit ! Les autres commandements s’éclairent par ce tout premier qui s’adresse à la Lumière. C’est la Lumière du Bien qui éclaire et justifie l’être. Les autres commandements demandent à leurs destinataires seulement d’être ce qu’ils sont (c’est-à-dire des êtres créés bons).

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Pour comprendre le monde actuel où nous vivons, il nous semble intéressant d’examiner plus en détails la critique de l’humanisme faite par le philosophe Michel Foucault (1926-1984).

Mais avant d’en aborder la critique, jetons un coup d’œil sur l’humanisme.

L’humanisme est un héritage de l’Antiquité (p. 12) qui, depuis Aristote, définit l’homme comme animal raisonnable et politique. Les stoïciens avec Sénèque ont mis l’accent sur la liberté humaine. Le 17e siècle a vu la supériorité de l’homme dans son activité. L’homme est présenté par Bacon et Descartes comme quelqu’un qui maîtrise la nature tandis que Marx (1844) le définira par son aptitude au travail. Nietzsche a reconnu que pour exister l’homme doit avoir une certaine croyance tandis que Sartre identifiera l’homme à son projet (1946).

C’est à partir d’Auguste Comte et sa philosophie positiviste (1848) que l’homme prendra la place de Dieu. C’est à ce moment-là que le mot humanisme apparaît d’abord en Allemagne (Arnold Ruge, 1840), puis en France (Proudhon) et en Angleterre (Huxley).

Si le Père de Lubac a pu écrire en 1944 un livre sur le Drame de l’Humanisme athée, de nos jours on parle carrément de son échec. En excluant Dieu avec la nature et tout ce qui transcende l’humain, on est devenu incapable de porter un jugement sur la légitimité de l’homme. Le Projet athée des Temps modernes a donc échoué (p. 34). Si sans Dieu l’homme est capable d’organiser la Terre, il ne peut le faire que contre l’homme. Les Temps modernes offrent beaucoup d’avantages mais ils sont incapables de dire pourquoi il est bon qu’il y ait des hommes sur la terre. On a oublié l’éthique au profit du technique. Le pourquoi n’intéresse pas les sciences. Pourtant, les causes finales qui servent à l’orientation de l’homme dans l’univers sont indispensables.

Les machines qui supplantent de plus en plus les hommes, représentent en même temps une menace d’extinction de l’espèce humaine par le nucléaire.
Cette évolution du progrès technique qui ne va pas de pair avec l’évolution de la conscience morale engendre le nihilisme, le à quoi bon ? puisque la vie n’a pas de sens.
Cette mentalité aboutit à la question de l’illégitimité de l’humain.
Un écrivain sud-africain contemporain (David Benatarc, né en 1966) va jusqu’à dire que, « engendrer des enfants, c’est une faute morale » (Better Never to Have Been, 2006) !
Mais le poète russe Alexandre Blok parlait déjà de l’effondrement de l’humanisme. En 1912 il se félicitait du naufrage du Titanic, lors duquel « l’élément prenait enfin sa revanche » !

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En 1966, Michel Foucault (1926-1984), dans son livre « Les Mots et les choses compare l’homme à un château de sable qui s’efface à la première vague (p. 138). Sa pensée reflète celle de Kant pour qui il n’y a plus que la finitude.
En 1971 Michel Foucault désigne l’Humanisme comme l’adversaire à abattre parce qu’il aurait inventé les souverainetés assujetties. (C’est un oxymoron où l’adjectif épithète contredit le sens du substantif).
Il en énumère 4 :
- la souveraineté de l’âme par rapport au corps, mais qui est assujettie à Dieu
- la souveraineté de la conscience par rapport au jugement, mais qui est assujettie à la vérité
- la souveraineté de l’individu par rapport aux droits, mais qui est assujettie aux lois de la nature ou de la société
- la souveraineté de la liberté intérieure qui doit pourtant consentir et s’accorder à son destin.

Comme l’humanisme occidental a barré la route au désir du pouvoir (cf. Nietzsche), en excluant la possibilité de le prendre, il faut faire sauter ce verrou par la lutte des classes (cf. Marx), par la destruction du sujet (cf. Freud), en supprimant les tabous des limitations sexuelles, de l’usage de la drogue ; et rompre avec tous les interdits pour reconstruire une individualité normative.

Foucault comprend la mort de l’homme comme une conséquence de la mort de Dieu annoncée par Nietzsche à la fin du 19e siècle (p. 152). André Malraux en 1926 imagine un dialogue entre un chinois et un occidental, faisant dire au chinois : « La réalité absolue a été pour vous, occidentaux, DIEU, puis l’HOMME ; mais l’homme est mort après Dieu, et vous cherchez avec angoisse celui à qui vous pourriez confier son héritage. »
Et à la même époque (1924), Berdiaev en Russie déclare : « S’il n’y a pas de Dieu, il n’y a pas d’homme non plus. »
Sur cette lancée Foucault résume en 1961: « C’est dans la mort de l’homme que s’accomplit la mort de Dieu. »

En même temps il annonce la venue d’un surhomme qui n’aura plus aucun rapport avec le Dieu dont il continuera à porter l’image. Rappelons-nous que pour Voltaire, Feuerbach, Hegel, c’est Dieu qui est créé à l’image de l’homme !

En s’écartant d’Auguste Comte, mais suivant Nietzsche, Foucault déclare qu’il ne s’agit pas de se mettre à la place de Dieu, mais de laisser cette place vide, pour mener une vie strictement a-thée, sans Dieu. Le Dieu de Foucault n’est pas charité, mais force ; Il n’est pas saint, mais sacré, pas un Bien mais une Valeur.
Rémi Brague conteste la position de Michel Foucault en proposant le concept de l’homme plénipotentiaire, c’est-à-dire investi d’une tâche, responsable de sa mise en œuvre, et pour cela revêtu des pleins pouvoirs qui lui permettront de la mener à bien.

La proposition de Rémi Brague, signalée plus haut qui consiste à un retour à l’attitude médiévale dans cette période post-moderne qui est la nôtre s’appuie sur la philosophie de Hans Blumenberg (1920-1996).
Cet allemand, contemporain de Foucault n’hésite pas à prendre en compte aussi les Pères de l’Église lorsqu’il étudie l’histoire de la pensée au long des âges. Dans son livre publié à Francfort en 1988, il dénonce l’utilisation de l’adjectif moderne au sens absolu car cela a provoqué un arrêt, une rupture, une discontinuité par rapport au moyen âge. Or l’histoire ne peut jamais recommencer à partir de zéro ! (p. 165)
Selon Blumenberg, l’histoire intellectuelle de l’Occident serait impensable sans le christianisme. Il cite Grégoire de Nysse, puis Augustin pour qui le progrès de la recherche de Dieu est infini !

La clef de voûte de la vision médiévale réside dans la notion de la Providence. Elle est niée par l’auto-affirmation de l’homme des temps modernes. Le mot allemand Selbst-Behauptung fait allusion à la tête, selon laquelle l’homme peut aussi bien relever la tête, au sens positif, que « ne faire qu’à sa tête » au sens négatif. Mais le mot grec de la récapitulation qui fait également allusion à la tête, est plein de sens lorsqu’il s’agit du Verbe Créateur, ou de la Raison Créatrice (logos).

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Si Rémi Brague est d’accord pour qu’on revienne au moyen âge il n’entend pas par là abolir tous les acquis des temps modernes par l’homme doué de raison (p. 188).
En résumé, il affirme que l’athéisme est incapable de donner une réponse argumentée à la question de la légitimité de l’existence de l’homme. Il propose donc une réponse qui n’exclut pas la transcendance si elle passe aussi par la rationalité. Ce passage par la médiation de la raison permet de respecter l’homme en ce qui constitue son humanité.
La transcendance consiste dans un Bien qui appelle à l’être tout ce qui est, tout ce qui aboutit à l’homme. La Bible présente Dieu comme pure générosité parce qu’Il n’a besoin de rien (Sg 11, 24-26) (p. 207). La Bible ajoute à la pensée philosophique ceci : Le problème du mal n’est pas un problème mythologique, mais moral, c’est un adversaire à combattre.
Le monde créé par Dieu est bon pour remplir une fonction : mener à bien une Histoire qui donne sens à la Création (p. 212). La création est bonne parce qu’elle est capable d’abriter une liberté créatrice d’histoire. Ce qui fait que l’homme est créé à l’image de Dieu, c’est justement sa liberté !
L’histoire sainte est celle d’une Loi qui cherche un peuple qu’elle puisse revendiquer de génération en génération (toledoth). Le Talmud (Ex 12, 2) énumère 613 commandements (365 comme les jours de l’année + 248 comme les organes du corps humain). L’observance de ces commandements rend possible la survie du peuple dans la Diaspora (dispersion). Le Décalogue, les 10 Paroles (Ex 20, 2) font référence au Dieu Libérateur, et résument le comportement d’un peuple rendu libre. Ce qui est interdit, c’est seulement ce qui empêche d’être libre ! Les 7 commandements venant d’Elohim, (le Dieu naturel) s’adressent à travers Noé à toute l’humanité (Gn 9, 4).
Ne pas observer les commandements, c’est quitter le domaine de l’être (p. 233). Pour l’être humain, se distinguer du pré-humain, et se garder de l’inhumain, c’est observer les commandements. Dieu ne commande rien d’autre que ce qu’Il est (Ex 3, 14). En accomplissant les commandements on peut donc imiter Dieu.
Dieu ne nous demande rien, mais il attend de nous que nous produisions les effets naturels de ce que nous sommes. La Providence équipe toute chose de ce qu’il lui faut pour être ce qu’elle doit être. La mission de l’homme n’est rien d’autre que d’être. Ainsi c’est la Loi qui devient la garantie de la véritable autonomie (p. 245).

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Annexe
Interviewe de Rémy Brague

BRAGUE: XXI SIÈCLE, LA FIN DE L'HOMME?
Original en italien: L'Avvenire
Ma traduction
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Avec l'essai "Le Propre de l'homme. Sur une Légitimité menacée" qui vient d'être publié en France par Flammarion, le célèbre philosophe Rémi Brague a ajouté une nouvelle pierre à sa critique de la dérive contemporaine d'empreinte "anti-humaniste", parfois teintée de nihilisme ou de relativisme radical. Pour le penseur, professeur à Paris et à Munich, dans le projet de loi socialiste français très contesté sur le mariage et l'adoption homosexuels, résonne aussi en partie un processus plus général de fond qui, particulièrement en Europe, tend à dévaloriser la légitimité humaine.
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- Dans votre dernier essai, vous retracez l'histoire d'une menace de grande envergure contre notre conception traditionnelle de ce qui est «humain». D'où vient cette menace?

«En dernière instance, paradoxalement, elle vient du succès même du projet humaniste, dans sa phase finale. Pas celui qui soulignait la dignité de l'homme, dans la Bible, chez les Pères de l'Église et les penseurs médiévaux, puis au XVe siècle. Mais déjà un peu celui qui se lançait à la conquête de la nature, avec Francis Bacon. Ensuite, bien sûr, celui qui ne tolère rien de supérieur à l'homme: ni nature ni anges, ni Dieu. Mais, ce faisant, l'homme est privé de tout point de référence. L'homme ne peut plus savoir s'il est bon de continuer à exister et, par conséquent, s'il faut continuer l'aventure humaine en assurant la reproduction de l'espèce».

- Cette menace nous souffle dans le cou, aussi en ce début de millénaire?

« Et comment! Elle est même plus présente que jamais. Il y a tout d'abord la présence de moyens tout à fait concrets pour en finir avec l'humanité: les armes nucléaires et les armes biologiques, la pollution terrestre, et enfin, plus discrètement, l'hiver démographique. Cela affecte principalement les régions les plus développées, les plus instruites, les plus démocratiques. Dans le pire des cas, il risque de se produire l'extinction pure et simple de l'espèce, ou au moins une sorte de sélection parmi les plus stupides. Ensuite, il y a le rêve de surmonter l'humain, un rêve au moins aussi vieux que Nietzsche. Aujourd'hui, ce rêve d'un "surhomme" est renforcée par les progrès de la biologie. Enfin, il y a un doute de l'homme sur lui-même. L'homme ne sait plus trop bien s'il diffère radicalement de l'animal. Et tant mieux s'il vaut vraiment plus. Une certaine «écologie profonde» rêve de sacrifier l'humain à la Terre asimilée à une sorte de divinité».

- Quels sont les acteurs ou les facteurs sociaux qui agissent pour effacer la distinction entre ce qui est humain et ce qui l'est pas?

«Le monde scientifique a parfaitement raison lorsqu'il cherche les traces du pré-humain dans l'homme, ou, au contraire, les préfigurations du comportement humain, par exemple chez certains grands primates. Je serais en revanche un peu plus sévère avec les divulgateurs qui ricanent avec une joie mauvaise: "Vous voyez, en fin de compte, vous n'êtes rien d'autre que des arrivistes, des singes qui ont eu de la chance". Depuis la Première Guerre mondiale, des auteurs influents ont attaqué l'idée d'"humanisme". Je me réfère au poète russe Alexandre Blok, qui a inventé le mot "anti-humanisme". Dans les années soixante, dans un climat intellectuel déjà préparé par la Lettre sur l'humanisme d'Heidegger, Louis Althusser et Michel Foucault, à un tout autre niveau de profondeur, a attaqué, pour des raisons différentes, ce qu'ils appelaient "humanisme", sans du reste le définir vraiment».

- Disposons-nous de sentinelles devant cette offensive silencieuse?

« A ma modeste place, j'espère être l'une d'elles. Mais je me garde de mes amis, mes "alliés objectifs". Car il y a parmi eux des personnages maladroits qui tonnent contre l'anti-humanisme sans dire précisément pourquoi nous devons défendre l'humain. Il y a ceux qui luttent pour les droits de l'homme, ce qui est une bonne chose, mais ils sont incapables d'expliquer pourquoi l'homme a des droits. Et puis il y a ceux qui ne prennent pas en compte ce qu'il y a de vrai dans la protestation écologique et le souci de respecter les autres créatures».

- Jusqu'à quel point le débat en cours en France autour du projet de loi Taubira sur le mariage et l'adoption homosexuels est-il en résonance avec le défi de fond que vous analysez?

« Jusqu'à un certain point. La majorité des défenseurs de la loi sont animés par de bons sentiments, comme le désir d'égalité ou la compassion pour des gens longtemps méprisés. Mais la loi a sa propre logique interne. Autoriser l'adoption par des couples homosexuels, donc forcément non féconds, conduit inévitablement à la procréation artificielle (dite "médicalement assistée") et la location d'utérus (dite "gestation pour autrui"). L'enfant devient ainsi un objet que l'on fabrique et achète, un bien de confort auquel on a "droit". Cela conduit à effacer la différence, non pas entre l'humain et l'animal, mais entre les personnes et les choses. Nos socialistes (qui devraient en réalité être appelé «sociétaliste" comme c'est actuellement en usage en France, distinguant ici entre ceux qui espéraient des réformes sociales, et ceux qui font la promotion de "réformes de la société", note de l'auteur de l'article) marchent ainsi vers le triomphe suprême du capitalisme: l'homme qui est devenu marchandise »

- Pour vous, de nouvelles articulations entre la raison, d'une part, et un sentiment à la fois humaniste et religieux, sont-elles possibles ...

« Plus que possibles, elles sont nécessaires si l'humanité veut avant tout survivre. Et ensuite si elle vraiment rester humaine, c'est-à-dire rationnelle. Lancer des appels à la nature ou à l'instinct pour assurer l'avenir de l'humanité, confier à l'irrationnel le sort de l'"animal rationnel", est un rejet de la raison, une véritable trahison de la philosophie».

- Sommes-nous bien équipés, si l'on peut dire, pour développer une "pensée du bien"?

« Nous pouvons commencer en puisant aux sources de notre culture. J'ai conclu mon livre avec une méditation du premier récit de la création dans la Genèse, au terme duquel Dieu déclare que ce qu'Il avait fait était «très bon». On peut également invoquer le platonisme avec son "Idée du Bien". Mais il faudrait tout repenser en profondeur, pour pouvoir le reproposer avec l'espoir de convaincre».

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