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L'Eglise de François prend forme

Deux nominations importantes, à Cologne, et à Chicago, confirment que se met en place l'Eglise-hôpital de campagne voulue par le Pape (21/9/2014)

Cologne: un cardinal très "ouvert"... sur les questions sociétales

Le cardinal Rainer Maria Woelki vient de prendre possession de son siège épiscopal de Cologne.

Le 11 juillet dernier, le pape François l'avait nommé archevêque de Cologne, succèdant au cardinal Joachim Meisner, 80 ans, atteint par la limite d'âge.
Cologne est l'un des plus importants et plus riches diocèses d'Allemagne, il s'agissait donc d'une promotion par rapport à Berlin dont Woelki avait été nommé archevêque par Benoît XVI le 2 juillet 2011, juste avant le voyage du Pape en Allemagne. Il l'avait ensuite créé cardinal lors du consistoire du 18 février 2012.
Woelki est généralement réputé conservateur, car il a été l'évêque auxiliaire de Cologne, aux côtés du cardinal Meisner, dont on sait qu'il est un ami de Benoît XVI.
On relira l'article que lui consacrait La Bussola le 28/6/2011 (benoit-et-moi.fr/ete2011), pour mesurer à quel point il a changé.
C'est du moins ce qui ressort d'un autre article écrit un an plus tard, le 9 juillet 2012, par une source fiable (blog.quotidiano.net/panettiere), renvoyant à une interviewe que le «jeune» cardinal venait d'accorder au prestigieux hebdomadaire allemand "Die Zeit" (de nombreux articles sur internet lui sont d'ailleurs consacrés).

Comme me le fait observer Monique, les évêques de la vague «Qui suis-je pour...?» ont le vent en poupe.

UN CARDINAL ALLEMAND À L'EGLISE: SUR LES DIVORCÉS ET LES GAYS, REVOYONS NOS POSITIONS
Giovanni Panettiere (blog.quotidiano.net/panettiere)
9 juillet 2012
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Avec ses 55 ans, c'est le benjamin du Collège des Cardinaux; après ses dernières déclarations, il est également parmi les plus ouverts. Dans une interview à l'hebdomadaire allemand Die Zeit, Mgr Rainer Maria Woelki, archevêque de Berlin, a exhorté l'Eglise à repenser la doctrine sur les divorcés remariés et les homosexuels. Parlant de ceux qui convolent dans un second mariage, le cardinal a dit: «En tant que prêtre, je dois supposer que quelqu'un qui me demande l'Eucharistie le fait avec un cœur pur. Il ne faut pas perdre de vue ceux qui, tout en reconnaissant la rupture de leur mariage, s'efforcent de mener une vie selon les enseignements de l'Église et ne reçoivent pas la communion. De cette façon, ils donnent un fort témoignage de foi».

Woelki a également basculé sur le thème de l'homosexualité. Rappelant que le Catéchisme de l'Eglise catholique affirme la nécessité d'éviter toute marque de discrimination injuste contre les gays et les lesbiennes, le cardinal a ajouté: «Si je prends au sérieux le Catéchisme, je ne peux pas voir les relations homosexuelles exclusivement comme un déni de la loi naturelle. Je cherche aussi à comprendre qu'il y a des personnes qui assument une responsabilité mutuelle durable, qui se sont promis fidélité et veulent prendre soin l'un de l'autre». D'où le coup final: «Nous devons trouver un moyen de permettre aux gens de vivre sans aller à l'encontre des enseignements de l'Église».

Succédant en Juillet 2010 au défunt cardinal Georg Sterzinski, Woelki s'est très vite aliéné les sympathies de la communauté LGBT de Berlin, en définisssant l'homosexualité comme une «une violation de l'ordre de la création».
Beaucoup pensaient que le dialogue entre le monde gay et l'Eglise allemande était arrivé à une impasse.
Au lieu de cela, quelques jours après sa première sortie sur le sujet, l'archevêque convoqua une conférence de presse archi-comble, au cours de laquelle il revint sur ses pas, se disant même prêt à affronter les activistes homosexuels.
Et il y eut bel et bien un dialogue.
Au Katholikentag (16-20 mai 2012), la grande manifestation des catholiques allemands, avec plus de 80 mille participants, Woelki, élevé depuis février à la dignité cardinalice, déclara: «Quand deux personnes homosexuelles assument la responsabilité récoproque, si elles ont une relation fidèle et à long terme, on doit considérer cette relation de la même manière qu'un lien hétérosexuel».
Beaucoup de ceux qui étaient présents n'en ont pas cru leurs oreilles.
Et il y a quelques jours, l'archevêque est revenu sur ce point dans une interview à DIE ZEIT.
Pratiquement, c'est la première fois qu'un cardinal électeur au prochain conclave (donc celui qui devait élire François) s'exprime en termes aussi clairs sur un sujet sensible comme l'homosexualité.

Chicago: assez de guerriers culturels !

J'ai traduit l'article d'Andrea Tornielli. Son statut de plus en plus spécial (et aussi de plus en plus contestable) de porte-parole officieux aux côtés du pape rend son analyse, en quelque sorte, irréfutable: pour le nouveau cours, le social prime la morale.

CHICAGO: VOICI L'ÉVÊQUE QUI «SAIT PARLER SANS CRIER»

François a accepté la démission du cardinal Francis George, 77 ans, et a nommé à sa place Joseph Blase Cupich, 65 ans, jusqu'à présent à la tête du diocèse de Spokane: une nomination pour surmonter les polarisations, et l'insistance concentrée uniquement sur certains thèmes. Portrait-obot d'un évêque qui n'est pas un «guerrier culturel»
Andrea Tornielli
http://vaticaninsider.lastampa.it
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C'est la plus importante des nominations américaines de François: le pape a accepté la démission de l'archevêque de Chicago le cardinal Francis George - 77 ans et demi (on appréciera la demie-année...), gravement malade - et désigné à sa place Blase Joseph Cupich, né en 1949, évêque depuis 1998, d'abord à Rapid City, dans le Dakota du Sud, et depuis 2010 évêque à Spokane, dans l'État de Washington. Un oustider qui n'était pas considéré parmi les favoris.
Le choix est significatif si l'on regarde la façon dont Cupich a fait l'évêque.
Le changement était dans l'air depuis longtemps, également à cause de l'état de santé du cardinal George, l'un des protagonistes de la vie de l'Église américaine au cours des dernières décennies, président de la conférence épiscopale de 2007 à 2010, à la tête d'un des plus grands diocèses du pays où il y a un nombre élevé d'immigrés.

[Ici s'insèrent des éléments de la biographie du nouvel évêque de Chicago].

C'est Cupich qui a relancé ces derniers mois, lors d'une réunion de la conférence des évêques américains, une phrase du nonce apostolique aux Etats-Unis autour d'une indication de François pour l'Eglise américaine: «Assez d'évêques idéologues et de guerriers culturels».
En 2011, le nouvel archevêque de Chicago avait invité ses prêtres et séminaristes à ne pas organiser et à ne pas participer aux "sit-in" de prière à l'extérieur des cliniques qui pratiquent des avortements. Il avait rappelé la polarisation politique sur cette question en faisant valoir que les décisions sur l'avortement ne sont en général pas prises devant la clinique, mais «autour des tables, dans les cuisines et dans les salles de séjour des maisons, qui souvent voient une sœur, une fille, une parente ou une amie sous pression ou abandonnée par l'homme qui est le père de l'enfant».
Et c'est dans ces situations que les prêtres devaient essayer d'intervenir.

En Avril 2012, la presse américaine avait remarqué la modération avec laquelle Cupich avait réagi à la réforme de santé d'Obama, confirmant le jugement sur les aspects négatifs partagé par l'épiscopat, mais sans hausser le ton de la confrontation comme l'avaient fait ses autres confrères. Un cas si visiblement rare dans le paysage ecclésial et médiatique américain qu'il avait fait les titres. Dans un billet sur son blog, Bryan Cones, directeur de l' U.S. Catholic Magazine avait appelé Cupich «l'évêque qui peut parler sans crier». Une approche qui, selon l'interessé «fonctionne mieux sur le long terme», tandis que les répliques caustiques et le style de combat, fait plus d'effet dans l'immédiat.

Ces derniers mois Cupich a défendu les paragraphes sociaux de l'Evangelii Gaudium du pape Bergoglio contre les critiques des ultra (!!!)-libéraux conservateurs américains, pour leur rappeler la valeur de la solidarité entre les peuples et dénoncer combien leurs positions étaient incompatibles avec la doctrine sociale de l'Église.
Enfin, il ne faut pas oublier que quand il était évêque de Rapid City, le «Comité pro-life» est devenu le «Comité pour la justice sociale»: il n'avait pas cessé de répandre son message contre l'avortement, mais il avait élargi le spectre de ses activités, s'opposant à la peine de mort, appelant à une réforme de l'immigration et se préoccupant des pauvres. Une vision et une approche qui semble être en harmonie avec celles du pape François.

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