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Les FOB, ou "friends of Bergoglio"

A moins d'une semaine de la visite de François à Caserta, dans le sud de l'Italie, pour y rencontrer un dirigeant évangélique de ses amis, j'ai trouvé cet article - teinté d'humour - de notre vieille connaisance John Allen, qui éclaire un peu les relations du Pape avec les protestants évangéliques (21/7/2014)

Un éclairage (qui reste superficiel, les lecteurs intéressés feront leurs propres recherches) qu'il n'est pas interdit de trouver étrange, voire inquiétant.
On est très loin de la conception de l'oecuménisme de Benoît, et du dialogue théologique profond avec ses frères orthodoxes (voir par exemple ici: benoit-et-moi.fr/2014-I/benoit/oecumenisme).

     

Cité du Vatican, 17 juillet 2014 (VIS). Comme annoncé le 10 juillet, le Saint-Père se rendra prochainement à Caserta, ville proche de Naples (Italie), mais en deux temps. Samedi 26 d'abord, à l'invitation de l'Evêque local, il rencontrera l'après-midi la communauté catholique et célébrera une messe en ce jour de la patronne sainte Anne, probablement dans le parc de l'ancien palais royal. Il regagnera le Vatican dans la soirée pour pouvoir réciter l'angélus dimanche à midi. Ensuite, lundi 28, il effectuera la visite privée à son ami le Pasteur évangélique Giovanni Traettino et à sa communauté de la Réconciliation.

     

LES AMIS DE BERGOGLIO (FOBs: FRIENDS OF BERGOGLIO) QUI CONDUISENT LE TRAIN SOUS LE PAPE FRANÇOIS
John Allen
17/9/2014
The Boston Globe
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Au temps de l'administration Clinton, la politique américaine avait inventé un nouveau mot d'argot: «FOB», autrement dit «friend of Bill» un intime du président qui bénéficiait d'un accès aux coulisses du pouvoir et peut-être contribuait à façonner son ordre du jour.

Aujourd'hui, le catholicisme a sa propre classe émergente de «FOBs», dans ce cas pour «friends of Bergoglio», en référence à ceux qui ont des liens personnels avec Jorge Mario Bergoglio, mieux connu dans le monde comme le pape François, qui pourraient être en position d'influencer son pontificat.
Ces amis ont à ce point l'oreille du pape que ces jours-ci, la hiérarchie du Vatican en sait moins sur le moteur du train de l'Église catholique que, par exemple, le compte Facebook du Pontife. (c'est-à-dire si François était effectivement sur Facebook.)

Le dernier FOB en date est Giovanni Traettino, leader de la “Evangelical Church of Reconciliation” (Eglise évangélique de réconciliation) protestante.
Le Vatican a annoncé cette semaine que François se rendra le 28 Juillet dans le sud de l'Italie, à Caserta, pour voir Traettino, qui s'est lié d'amitié avec Bergoglio il y a une dizaine d'années, alors qu'il servait en Argentine.
A Caserta, Francis se joindra à des évangéliques et des catholiques pour prier à l'église de Traettino. Bien que n'étant pas sans précédent, les cas où un pape s'est aventuré dans une église protestante pour prier se comptent sur les doigts d'une main.

En 2006, Bergoglio avait pris part à un service de prière parrainé par le mouvement, qui avait attiré 7000 personnes au Luna Park à Buenos Aires, un lieu habituellement utilisé pour les matches de boxe (1).
A un moment, Bergoglio s'était agenouillé et avait laissé quelque 20 membres du clergé protestant prier pour lui. Cet acte avait conduit des catholiques traditionalistes mécontents à déclarer le siège de Buenos Aires «vacant», au motif qu'il était occupé par un hérétique, mais le futur pape ne s'était pas laissé démonter.

La tendance de François à définir sa politique à travers ses amitiés est évidente à travers une série d'évènements.
Sur les relations entre catholiques/juifs, personne n'a plus d'influence que le rabbin Abraham Skorka, recteur du séminaire juif à Buenos Aires avec qui Bergoglio a co-écrit un livre en 2010 et produit un talk-show TV en 30 épisodes.
De même, avec l'islam, François fait confiance à son ami Omar Abboud, ancien directeur d'un centre islamique à Buenos Aires.
L'amitié est aussi au cœur de la stratégie de relation avec les médias de François. Les interviews impromptues qu'il a données n'ont pas été organisées par les voies officielles, mais sont venues soit avec des amis soit par des amis.
Jorge Himitian, un autre FOB évangélique argentin, a dit jeudi dernier à Inés San Martín de The Globe que Bergoglio voit dans son cercle d'amitié la clé du progrès oecuménique.
«Nous avons appris que la voie institutionnelle. . . devient toujours une impasse parce qu'elle tourne autour des différences doctrinales et pratiques», a dit Himitian. «Notre dialogue est basé sur l'amitié et la spiritualité. Nous espérons que le reste finira par suivre»

Evidemment, cette dépendance à l'amitié a son revers.
D'une part, les personnes qui pourraient aider le pape sur de nombreuses questions se trouvent dans une situation de désavantage si elles ne sont pas déjà à l'intérieur de son cercle. La déférence aux amis peut également signifier que François se sent obligé d'agir sur leurs suggestions, même si elles sont bancales, et il court le risque que les amis puissent surestimer leur accès ou déformer les intentions du pape.
A deux reprises, par exemple, le souverain pontife s'est assis en face d'un journaliste italien de 90 ans, Eugenio Scalfari, que François considère comme un pote (sic!), et par deux fois le Vatican a dû mettre François à l'abri des retombées. Le dernier cas est advenu le 13 Juillet, quand Scalfari a laissé entendre que François était sur le point d'abandonner le célibat des prêtres et un porte-parole du Vatican a dû faire marche-arrière.

Toutefois, pour le meilleur ou pour le pire, les relations sont importantes pour ce pape. La principale raison pour laquelle il a choisi de vivre à l'hôtel Santa Marta plutôt que dans l'appartement papal, par exemple, est qu'il a envie de la compagnie d'autres personnes.
Pour ceux qui attendent des progrès sur des questions comme l'œcuménisme et les relations avec les juifs et les musulmans, donc, la bonne nouvelle, c'est que François n'est pas animé simplement par une conviction abstraite. Il est poussé par l'amitié, ce qui, avec ce pape revient à dire qu'il est "all in" (?)
* * *

Le voyage fait partie d'une tendance récente (??) de la part de François de tendre la main aux mondes évangéliques et pentecôtistes, dans chaque cas, conduit par des personnes qu'il connaît.
En Janvier, François a envoyé un message vidéo à une conférence organisée par le pentecôtiste américain Kenneth Copeland (1), dans lequel le pape a offert un «hug spirituel». Cela a encouragé un groupe d'évangéliques et de pentecôtistes à se rendre Rome, un événement couronné quand le pontife et le télévangéliste James Robison ont célébré (high-fived) la nécessité pour les chrétiens d'avoir une relation personnelle avec Jésus.
«Dieu a commencé le miracle de l'unité», a dit François dans sa vidéo, citant le romancier italien Alessandro Manzoni selon lequel «Dieu ne commence jamais un miracle qu'il ne finisse bien».

Il se trouve que la vidéo était un produit dérivé d'un FOB. Un évangélique anglican et charismatique, "Bishop" Tony Palmer, qui s'était lié d'amitié avec Bergoglio en Argentine, lui a rendu visite à Rome début Janvier, et lui a parlé du rassemblement de Copeland, incitant François à se porter volontaire pour envoyer ses salutations. Comme Traettino, il a fait la connaissance de Bergoglio à travers un mouvement argentin appelé “Renewed Communion of Evangelicals and Catholics in the Spirit”.

Notes de traduction

(1) Cf. www.la-croix.com/Religion/Actualite/Les-evangeliques-americains-seduits-par-le-pape-2014-03-12-1119340
Le message video du Pape ici: www.youtube.com/watch?v=C4zaaxVciVc

(2) Le 22 juin 2006, le cardinal Bergoglio participait (avec le Père Cantalamessa) au stade Luna Park de Buenos Aires à la IIIe rencontre fraternelle de la CRECES (Communion renouvelée des Evangéliques et des catholiques dans l'Esprit).
On lira le compte-rendu de Zenit ici:
Extrait:
Le Cardinal Bergoglio, après avoir reçu à genoux (!!) l'imposition des mains des pasteurs, des prêtres et des laïcs qui ont animé a rencontre, a prononcé un discours sur le thème «Etreinte, plaie et vent».
«Que le Père nous ferme la bouche avec l'étreinte et nous unisse de plus en plus», a-t-il espéré. «Oui, je suis un pécheur, je vois la plaie par laquelle le Christ nous a sauvés»; «Approprions-nous la peste du Christ». Quant au vent (l'Esprit Saint), il a observé que «c'est lui qui nous tient dans l'unité» et «nous unit comme églises réconciliées dans la diversité».


>>> On pourra également relire cet article de Carlota, en octobre 2012 (bas de la page) ici: benoit-et-moi.fr/2012%28III%29/articles/une-interview-du-pere-cantalamessa

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