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Grandes manoeuvres en vue du Synode 2015.

Les «amis de François» s'organisent autour du cardinal Kasper. Ils se sont rencontrés mardi 11 novembre pour élaborer un plan d'action. Le récit neutre - mais éloquent - de Giuseppe Rusconi est à lire absolument (13/11/2014)

Curieusement, Vatican Insider qui rend compte de la réunion sous la signature «La rédaction», oublie de mentionner le «Cénacle des Amis de François», se contentant pudiquement d'évoquer «une rencontre promue à Rome au centre Russia Ecumenivca, sur le thème "Avec François au long du parcours Synodal sur la famille: banc d'essai du pontificat réformateur"». Cet oubli serait-il dû au fait que le vaticaniste choisi pour coordonner cette initiative n'est pas Andrea Tornielli?

Le cardinal Kasper y aurait dit, après avoir défini François comme un «conservateur intelligent», comme rapporté ci-dessous: «conservateurs comme l'étaient du reste Paul VI et Jean XXIII, mais intelligent parce qu'il sait que l'Evangile n'est pas comme un objet précieux derrière une vitre dans un musée, mais que l'on doit transmettre de génération en génération, c'est un processus».
Les conservateurs étant par antonomase non intelligents (je me réjouis de me compter parmi eux!), on appréciera la délicatesse du propos dans la bouche d'un prince de l'Eglise.
Dans le compte-rendu de Giuseppe Rusconi, les admirateurs de Benoît sont qualifiés de «seguacci», terme péjoratif utilisé pour qualifier les adeptes d'une secte (remarque amère de Raffaella). Lui régnant, on les appelait aussi très souvent, par dérision, les «papistes». Bizarre depuis le 13 mars 2013, les papistes ont disparu, remplacés par des chrétiens éclairés...

On objectera bien sûr, une fois de plus, que le pape n'y est pour rien , et une fois de plus (de trop!) qu'il n'a rien dit, ne s'est pas exprimé.
Difficile, toutefois, de croire que cette initiative n'a pas été prise avec son accord.

     

Première sortie publique pour les «Amis du Pape François»
GIUSEPPE RUSCONI
www.rossoporpora.org
12 Novembre, 2014
(Ma traduction)

Au Borgo Pio, en la fête de saint Martin de Tours, les «Amis du Pape François», réunis pour un «Cénacle» de réflexion, coordonné par le vaticaniste Raffaele Luise [*], se sont officiellement présentés au cours d'une soirée post-synodale- Pour le cardinal Kasper François «n'est pas un progressiste», mais plutôt «un conservateur intelligent»." Pour le cardinal Coccopalmerio, on peut espérer un large consensus au prochain Synode: «L'Esprit Saint rendra notre cœur plus tendre».

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Désormais, un peu partout dans le monde, outre à saint François d'Assise, le nom de «François» renvoie au Pape François (...).
Mardi 11 Novembre il aurait toutefois été difficile d'émettre des doutes sur le François auquel se référaient les membres du «Cénacle des Amis de François» qui ont organisé à deux pas des murs du Vatican, Borgo Pio, une soirée post-synodale.

QUI SONT LES «AMIS DE FRANÇOIS»? QUE SE PROPOSENT-ILS?
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Comme l'a dit clairement dans une substantielle introduction le coordinateur du «Cénacle», Raffaele Luise, le groupe se compose de «personnes qui partagent profondément un pontificat qui, dès le premier moment, les a surpris et attirés». En fait, a poursuivi le célèbre vaticaniste, «nous nous trouvons face à un pontificat et un homme extraordinaires qui reprennent ce printemps qui s'est flétri au cours des cinquante dernières années. Ils vont même plus loin, aux sources du christianisme, à Jésus». Ce n'est pas un hasard si François, justement - a relevé Luise en une référence peut-être un peu polémique - Jésus, il le fait voir, il n'en fait pas une exégèse».
Le message de François vise à «réformer en profondeur 1700 années d'Église constantinienne», affligée de «légalisme et dévotionisme, collatéraux aux pouvoirs mondains».
Naturellement - a souligné Luise - le pontificat de François «crée de grands problèmes à l'intérieur et à l'extérieur de l'Église, mais surtout à l'intérieur».
Jorge Mario Bergoglio «a une énorme empathie, une parole et un geste fulgurants»; c'est un homme venu «providentiellement» du Sud, qui a «une très forte structure intellectuelle» (le coordinateur note ici: «Pensez qu'on dit que c'est un Pape ignorant ... ») et «il ne fait pas le "piacione" - le type qui veut plaire à tout le monde - dont nous entendons parler».
Bien sûr, a averti Luise, le récent Synode sur la Famille a enregistré de profonds désaccords entre les participants. Et, «si à la fin de l'entier processus synodal, le Pape ne parvient pas à poser des jalons précis dans le sens de réformes dans l'Église», il faudrait à juste titre s’inquiéter. La tâche que le «Cénacle» se propose, donc, est de «faire comprendre aux gens le vrai sens de son pontificat, en le gardant, d'une certaine façon, et en l'aidant».


KASPER, LA «LUMEN EVANGELII», N'EST PAS COMME UN PHARE MAIS COMME UNE TORCHE

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Luise a ensuite donné la parole à «un grand inspirateur du Synode, un protagoniste important», le cardinal Walter Kasper. A la vingtaine de participants dans la salle du Centre œcuménique russe, le cardinal allemand a donné sa définition de François: «Ce n'est pas un progressiste, ce n'est pas un conservateur, on pourrait peut-être dire qu'il est un conservateur intelligent», qui «s'insère dans une tradition catholique précise». Celle qui «pointe vers un Evangile sine glossa , dans la continuité de l'Église». Comme du reste Benoît XVI, «beaucoup plus ouvert que certains de ses disciples (seguacci) moins intelligents».
Se référant au récent Synode, le cardinal Kasper a dit «ne pas être mécontent, mais pas enthousiaste non plus». L'assemblée des évêques a été en tout cas caractérisée par un aspect très positif, «la liberté d'expression» au nom de la «parrêsia», un peu comme cela s'était passé dans le premier «Synode des Apôtres, dont émergea une grande discussion».

Le temps qui nous attend avant le Synode de 2015 doit être utilisé pour une grande discussion sur la famille. Qui ne peut pas être réduite à quelques problèmes connus: «Le problème de la réadmission aux sacrements pour les divorcés remariés n'est pas le seul». Il en existe d'autres, d'une grande importance: particulièrement urgente est la constatation que «la plupart des gens ne veulent plus se marier, ni civilement ni religieusement». Il faut donc souligner à nouveau «la beauté du mariage et de la famille».

Le cardinal Kasper a ensuite contesté la lecture «politique» du Synode, considéré comme un parlement divisé en factions: ce n'est pas le cas «parce que le processus décisionnel n'est pas démocratique, mais ecclésial, spirituel» étant donné qu'«il s'agit de parvenir à un consensus dérivé du 'marcher ensemble'», et fondé» sur un compromis, qui n'est pas toujours mauvais». L'important est «d'être d'accord sur ce qui est essentiel». Il ne faut pas avoir les «peurs» dont nous entendons parler. Et à cette fin est utile la lumen Evangelii , qui est non pas comme un phare, mais comme une torche qui éclaire nos pas».


COCCOPALMERIO, CONFIANT DANS UN LARGE CONSENSUS
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Le Cardinal Francesco Coccopalmerio, «un autre grand protagoniste du Synode» a immédiatement répété que l'Assemblée «ne devait pas nécessairement reproposer la doctrine de la famille, mais l'éclairer dans les situations concrètes dans lesquelles se trouvent aujourd'hui tant les catholiques que la société dans son ensemble». Ici revient l'image de la torche/lampe qui permet d'identifier les cas de souffrance, avec lesquels «se salir les mains», comportement «partagé par beaucoup au Synode».
Le président du Conseil pontifical pour les Textes législatifs est optimiste quant à atteindre un large consensus au Synode 2015: «Nous devrons nous confronter sans inquiétude, savoir écouter avec humilité et ouverture, sous la direction du Pape qui est le centre de l'orthodoxie». Du reste, nous ne devons pas oublier l'action de l'Esprit Saint, qui «nous ouvrira l'esprit et rendra notre cœur plus tendre».
Au Synode qui vient de se terminer, on a placé «beaucoup d'attention» sur les éléments positifs qui existent aussi dans les couples «non réguliers». Peut-être aurait-on pu «en inviter quelques-uns déjà Octobre dernier, mais on pourra se «rattraper» la prochaine fois.

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De nombreuses questions ont été posées par l'assistance aux deux cardinaux que Raffaele Luise a encore décrits comme «nobles et clairvoyants». En particulier, Walter Kasper a noté que la pratique orthodoxe dans le domaine matrimonial, qui avait été rappelée, «n'est pas tout à fait claire» y compris «pour les différences d'interprétation entre les orthodoxes eux-mêmes».
Le même cardinal a également noté que «l'Église eurocentrique est finie»: certes, l'Europe reste essentielle, «mais sa faiblesse est un problème à la fois pour elle et pour le monde entier».
Enfin Francesco Coccopalmerio a tenu à souligner que le Synode «n'a jamais eu l'intention de changer l'enseignement de l'Eglise sur le mariage, mais seulement de soigner les blessures en essayant de les guérir».

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NDT:
[*] Raffaele Luise, après avoir travaillé pour La Repubblica et Radio Vatican, entre à la RAI en 1986. Il est aujourd'hui doyen des vaticanistes de la RAI, et informateur religieux à Radio Rai. Il est l'auteur de nombreux livres (http://www.torinospiritualita.org/raffaele-luise/ )