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Benoît XVI et l'écologie (3)

Un Pape pas si vert que ça. Reprise d'un article d'un universitaire américain, Samuel Gregg D.Phil, peu après la parution de Caritas in veritate (18/11/2014)

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¤ Benoît XVI et l'écologie (1)
¤ Benoît XVI et l'écologie (2)


Samuel Gregg D.Phil est directeur de recherche à l'Acton Institute, et, parmi d'autres titres prestigieux, professeur associé de philosophie morale et politique à l'Université Pontificale du Latran.
Disons qu'il est proche de la mouvance dite "teocon", qui n'avait pas vraiment apprécié certains passages de l'Encyclique (George Weigel parlait de "l'encyclique rouge et or", voir ici).

Article original en anglais: www.acton.org/commentary/

     

Un Pape pas si vert que ça
Samuel Gregg D.Phil.

"Apporter une réflexion morale sur les évènements actuels "
5 août 2009
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« Le pape vert » ...
Depuis l'élection de Joseph Ratzinger comme pape en 2005, c'est une description à la mode de Benoît XVI.
Elle a été en partie alimentée par des événements tels que l'état de la Cité du Vatican adoptant un couverture de panneaux solaires, et, de manière plus significative, l'examen par Benoît des questions environnementales dans plusieurs documents papaux.
L'étiquette a proliféré après l'annonce récente que le message papal de la Journée mondiale pour la paix 2010 se concentrerait sur le rapport entre la paix et le respect pour la création de Dieu.

Le problème, cependant, est que l'exagération actuelle au sujet « du pape le plus vert dans l'histoire » - pour citer un autre titre - est fallacieuse. Une image quelque peu différente émerge de l'analyse soigneuse des déclarations formelles de Benoît sur les problèmes de l'environnement.
Celles-ci démontrent très vite que l'attention de Benoît envers les sujets environnementaux est, sans surprise, fondée sur une analyse théologique chrétienne très orthodoxe. En fait, elle pose parfois de difficiles questions quant aux priorités et prétentions philosophiques de beaucoup d'écologistes contemporains.

En premier lieu, il y a Caritas in Veritate la récente encyclique sociale de Benoît. Le texte est rempli d'avertissements au sujet de la dégradation environnementale - réelle et potentielle. Pourtant il fait également des remarques inconciliables avec une grande partie de la pensée environnementaliste contemporaine.
Personne ne devrait s'étonner que Benoît insiste sur le fait que les gens ont intrinsèquement plus de valeur que la nature - un point contesté par plusieurs philosophes penchant vers le Vert.
Nous ne devrions pas non plus être choqués de découvrir que Benoît décrit les positions remettant en cause la supériorité innée de l'humanité sur la nature comme facilitant des « attitudes de néo-paganisme ou d'un nouveau pantheisme » (N° 48).
À cet égard, il convient de souligner que Caritas in Veritate conteste largement la thèse selon laquelle la « croissance de la population est un mal » (N° 44).

L'alarmisme sur la surpopulation a été un ingrédient de base d'une grande part de l'idéologie écologiste depuis l'infâme ouvrage écrit en 1968 par Paul Ehrlich, The Population Bomb, prévoyant (à tort) que « dans les années 70 et 80, des centaines de millions de personnes mourraient de faim » et l'énorme dommage causé à l'environnement découlant des millions de gens essayant inutilement de s'alimenter.

L'angle théologique principal sous lequel Caritas in Veritate considère les préoccupations environnementales est le "Stewardship" (littéralement:"l'intendance"). Le stewardship concerne les humains protégeant et cultivant la nature pour eux-mêmes et pour Dieu, et aussi utilisant de nouvelles technologies pour augmenter la capacité de la nature à nous servir (N° 50).
En somme, la nature ne doit ni être déifiée ni arbitrairement exploitée. C'est un thème juif et chrétien aussi vieux que le livre de la Genèse lui-même.
Très significative, aussi, l'insistance de Benoît sur une compréhension holistique (càd formant un tout) de ce que entendons par le mot écologie.
« Le livre de la nature », insiste Benoît, « est un et indivisible : il comprend non seulement l'environnement mais également la vie, la sexualité, le mariage, la famille, les relations sociales » (N° 51).
Dans d'autres écrits, Benoît souligne l'incongruité des gens qui s'indignent de la destruction environnementale gratuite, tout en ignorant ou même en favorisant les dommages profonds faits au nom du relativisme moral à l'écologie morale de la société.
Par ailleurs, les expressions « changement climatique » ou « réchauffement global » n'apparaissent nulle part dans Caritas in Veritate. Là encore, ce n'est pas étonnant. Benoît a pris garde de ne pas préjuger de la science sur ce sujet complexe.

Dans son message de 2008 pour la journée mondiale de la paix, Benoît a observé qu'en réfléchissant sur les problèmes écologiques, « il convient que les évaluations se fassent avec prudence, dans un dialogue entre experts et sages, sans précipitations idéologiques vers des conclusions hâtives » (n°7).
Comme quelqu'un qui a travaillé sans cesse pour la primauté de la vérité sur l'idéologie, Benoît sait que ni les organismes internationaux ni l'opinion publique ne déterminent la vérité au sujet du changement climatique et de ses causes.
C'est une interrogation pour la science, et beaucoup de scientifiques prestigieux contestent certains aspects des principes actuels du changement climatique auxquels quelques écologistes semblent religieusement attachés.
Le plus récent à émerger, parmi ces exemples, est le professeur australien de renommée internationale Ian Plimer (qui comme géologue, par ailleurs, est également un critique féroce du créationisme). Son livre Heaven and Earth (ciel et terre) (2009) argue du fait que le changement climatique a peu à voir avec les gaz à effet de serre. Le livre fait des vagues intellectuelles dans le monde entier, vendu à 30.000 exemplaires le premier mois.
L'analyse méticuleuse des faits par Plimer a également impressionné le haut clergé catholique, par exemple le cardinal George Pell, de Sydney.
Ni Plimer ni Pell ne sont des "négationnistes" du changement climatique. Pourtant, ils remettent en cause les perceptions convenues au sujet de ses causes.
Ils considèrent également comme franchement nocif à la cause de la vérité scientifique la tactique "thuggish" (ndt: voyou, malhonnête) - telle que priver de financement les climat-sceptiques - utilisée par quelques politiciens, écologistes et universitaires pour essayer de clore toute discussion.

Comme quiconque a étudié sa vie et sa pensée le sait, Joseph Ratzinger n'a été jamais intimidé par le politiquement correct. Certes Benoît affirme notre plus grande sensibilité à la fragilité de l'environnement et la nécessité continue d'une réflexion théologique chrétienne orthodoxe sur le rapport de l'homme avec la nature.
Mais Benoît ne fait pas l'erreur de romancer la nature, qui peut aussi être très cruelle. Il n'a pas non plus peur de souligner le côté sombre et anti-humain d'une grande partie de l'idéologie verte.

À cet égard, la « verdeur » de Benoît s'avère être plutôt pâle.