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Eviction de Sandro Magister (II)

Pas de miséricorde pour Magister, dit Riccardo Cascioli

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>>> Dossier complet sur l'Encyclique Laudato si', et ses à-côtés: L'Encyclique écologique

L'accident de l'encyclique n'est qu'un prétexte pour régler les comptes avec un journaliste influent mais dépeint comme étant une référence pour les dissidents. Un signal bien précis lancé par les nouveaux courtisans à tous ceux qui voudraient juste soulever des questions, selon une vieille stratégie: en frapper un afin d'en éduquer cent.

Pas de miséricorde pour Magister

Ricczrdo Cascioli
La NBQ
17 juin 2015
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Une fuite de documents n'est jamais une chose agréable, mais on peine à comprendre pourquoi la publication anticipée de deux jours de l'encyclique du Pape Laudato si' de la part du site de l'Espresso ait conduit le Saint Siège au bord de la crise de nerfs, et quelques vaticanistes à perdre même le sens du ridicule en dénonçant un complot à l'encontre du Pape François.

En quoi est-ce un complot, de révéler avec deux jours d'avance le contenu d'une encyclique? L'initiative de l'Espresso risque au contraire de créer davantage d'attention autour de la conférence de presse officielle de présentation de l'encyclique - jeudi à 11 heures - ne serait-ce que pour vérifier d'éventuelles différences entre la version déjà on-line et celle définitive.

Et pourtant, elle a été traitée de complot, au point que la Salle de Presse a pris la décision drastique de suspendre pour une durée indéterminée l'accréditation du vaticaniste Sandro Magister, jugé coupable du méfait. Et ce n'est pas assez: la lettre dans laquelle la décision est notifiée a été exposée publiquement dans la Salle de Presse vaticane et rapportée avec grande évidence par ce blog semi-officiel qu'est Il Sismografo. Et ce n'est pas tout: en plus du pilori, une floraison de commentaires au vitriol contre Magister s'est répandue en ligne de la part de collègues et de personnalités vaticanes.

Magister est un vaticaniste très connu, il a un site (Chiesa.espresso) et un blog (Settimo cielo) très suivis et qui sont un point de référence sûr pour ceux qui cherchent des nouvelles et approfondissements sur l'Église qui aillent au-delà des communiqués officiels. Il est donc évident qu'au fil du temps il s'est fait quelques ennemis, mais le traitement qui lui a été réservé soulève plusieurs questions.

Notamment parce que rien de pareil n'avait jamais été vu, juste pour faire un exemple, à l'époque des Vatileaks, lorsqu’une quantité énorme de documents volés de l'appartement du pape Benoît XVI furent publiés créant un scandale à côté duquel la publication anticipée de l'encyclique fait sourire. Par ailleurs Magister n'est qu'indirectement responsable de ce qui s'est passé, puisque - comme il a déjà été expliqué dès le début - la copie pirate de l'encyclique est arrivée sur le bureau du directeur de l'Espresso, qui a décidé de la publier demandant à Magister une brève présentation.

De plus, techniquement, on ne peut même pas parler d'embargo violé, comme l'a justement souligné le vaticaniste américain John Allen (cf. www.cruxnow.com). L'embargo existe lorsque un document est remis à l'avance aux journalistes afin de leur donner le temps de le lire et de le préparer en vue de la publication. En gros, je te donne le document à l'avance, tu t'engages à ne pas en parler avant la date fixée. Dans le cas présent le Saint Siège avait toutefois décidé - chose inhabituelle et désagréable - de ne livrer l'encyclique qu'avec très peu d'heures d'avance sur la conférence de presse, et personne ne l'a donc encore reçue par la voie officielle. Il y aurait eu un engagement moral du directeur de l'Espresso seulement au cas où la main qui a livré clandestinement le texte de l'encyclique avait demandé de respecter la date du 18 juin, ce qui est fort improbable.

Malgré cela, l'ire du Vatican s'est abattue sur Magister: pas de circonstances atténuantes pour lui, aucune miséricorde, juste la honte publique et l'exclusion de l'Olympe des vaticanistes. On avait agi bien différemment avec ce vieux renard rusé d'Eugenio Scalfari, quand il avait publié deux interviews au pape François – en octobre 2013 et en juillet 2014 - qui avaient apporté pas mal de confusion dans l'Église: on découvrit par la suite que, dans la première, des phrases jamais prononcées par le Pape avaient été ajoutées par Scalfari ( ???), et que la deuxième n'aurait jamais dû sortir car Scalfari s'était engagé à ne pas parler de l’entretien personnel qu'il avait eu avec le Pape ( ??). Un communiqué de mise au point, même dur, avait été la seule mesure; Scalfari a même été récompensé car ses interviews figurent dans le livre "Interviews et conversations avec les journalistes" (LEV), publié au cours des derniers mois.

On peut raisonnablement penser que Magister paie non pas tant l'anticipation de l'encyclique que le travail constant d'information visant à donner des nouvelles ou mettre en relief des événements ne s'alignant pas au chœur d'adulation qui entoure - et nuit à - ce pontificat. L'accident de l'encyclique n'est qu'un prétexte pour régler les comptes avec un journaliste influent mais dépeint comme étant une référence pour les dissidents. Un signal bien précis lancé par les nouveaux courtisans à tous ceux qui voudraient juste soulever des questions, selon une vieille stratégie: en frapper un afin d'en éduquer cent.

Comme on le disait, ce n'est pas un hasard que ceux qui lancent le poison contre lui sont les plus enthousiastes soutiens de la nouvelle ère de la miséricorde (1). Comme ceux qui par leur rôle institutionnel devraient au moins s'abstenir de ces débordements, comme l'experte en communication d'entreprise (comunicazione aziendale) Francesca Immacolata Chaouqui, engagée par la commission pontificale chargée de la structure économique du Saint Siège, qui n'a jamais pardonné à Magister d'en avoir fait remarquer la tendance à trop parler. Eh bien, peu après la nouvelle de la suspension de Magister, voici ce qu'elle a écrit sur sa page Facebook:

"Sandro Magister, profession vaticaniste.
Fier contestateur de mon existence même, soutenant que je suis inapte, dangereuse, sans scrupules, motif d'embarras pour le Saint Siège, une sorte de démon arrivé au Vatican pour contrarier le pape François. Inutiles les tentatives pendant deux ans de lui parler, de le voir, de lui expliquer. Aucune équité, aucune évidence de la vérité.
Aujourd'hui, à lui, bastion de la moralité, l'accréditation permanente à la salle de presse est retirée pour avoir publié l'encyclique "Laudato si'" en violation de l'embargo. Rien de pire pour un vaticaniste. Voici la crédibilité et la professionnalité de celui qui m'a discréditée de manière fausse et violente pendant des mois. La justice divine et celle des hommes ont un temps, mais arrivent toujours. Bonne chance, Sandro, ex-vaticaniste!"

Tout commentaire est superflu, c’est seulement le témoignage que la saison des poisons au Vatican est tout sauf derrière nous.
Un autre signal le montre: Il Fatto Quotidiano (cf. www.ilfattoquotidiano.it) a indiqué avec certitude la Secrétairerie d'État comme l'origine de la copie parvenue à l'Espresso et d'un présumé sabotage à l'encontre du pape François (voir ici). Une information qui n'est certainement pas tirée au hasard et qui laisse présager que nous allons bientôt en voir de belles.

P.S. Le porte parole vatican, père Lombardi, a déclaré que celle publiée par l'Espresso n'est qu'une ébauche de l'encyclique, et non pas la version définitive, laissant entendre que le texte a subi des modifications ultérieures. Nous parions au contraire que le texte de l'encyclique déjà on-line est celui définitif. On verra jeudi.

Note de traduction

Les bergogliens, catholiques ou non se réjouissent bruyamment, avec une indécence qui en dit long sur leurs véritables motivations.
Y compris les français (même si cela reste limité).
En témoigne ce commentaire indécent du blogueur de "face à l'idole de l'argent (Pape François)" (bien oublieux de la charité chrétienne sélective qu'il prône!), repris dans ce tweet rageur, à la limite de l'hystérie:

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