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Les fortes paroles de Mgr Oster

L'évêque de Passau répond sur sa page Facebook aux demandes " d'ouverture " des catholiques allemands du ZDK. Traduction complète par Isabelle

>>> Cf.
Évêques allemands contre Kasper (et Marx) (Tosatti)

Mgr Stefan Foster
Evêque de Passau, en Bavière

Texte en allemand ici: www.facebook.com
Traduction Isabelle
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Le 11 mai 2015

Voici quelques réflexions générales à propos d’une déclaration – problématique à mes yeux – faite ce week-end par le Comité central des Catholiques allemands (ZdK)

L’agence catholique d’information (KNA) a, samedi dernier, communiqué ce qui suit :

Le Comité central des Catholiques allemands (ZdK) réclame des formes de bénédiction pour les unions entre partenaires de même sexe comme pour les unions de personnes divorcées.
Des formes liturgiques devraient être élaborées à cet effet, précise le document adopté samedi à l’unanimité par l’assemblée plénière à Würzburg, en vue du synode de l’automne prochain.
Il faudrait en outre « une acceptation sans restriction de la vie en commun dans des unions stables entre personnes de même sexe » et une prise de position sans équivoque contre les exclusions qui touchent encore les personnes homosexuelles.
Le Comité des Catholiques souligne que des valeurs du mariage, comme le « oui » irrévocable à l’autre et la disposition constante à la réconciliation, sont vécues aussi dans d’autres formes de vie commune.
« Il s’agit de reconnaître explicitement la valeur de ces formes de vie et de familles, même si elles ne correspondent pas formellement à un mariage sacramentel ».
Voilà pour le communiqué du KNA de Würzburg.

Avant d’argumenter brièvement à propos de ces revendications, je voudrais dire ceci : chaque être humain est une personne qui possède une dignité particulière. Chaque être humain a une conscience et le droit de mener sa vie selon sa volonté, ses possibilités et sa conscience, pour autant que cela ne nuise pas à autrui. Cela vaut aussi si l’on considère la forme des relations ainsi que la vie sexuelle. Cette conception d’une reconnaissance inconditionnelle de chaque être humain comme une personne avec sa dignité, sa liberté et sa conscience appartient au fondement de la foi de l’Eglise ainsi qu’à l’image qu’elle a de l’homme. Elle est donc imprescriptible.
Mais si quelqu’un souhaite s’informer plus en détails sur ce que dit la foi de notre Eglise à propos , plus précisément, des formes de cohabitation, de la famille et de la sexualité, s’il désire former sa conscience à l’école de la foi de l’Eglise et veut savoir ce qui, du point de vue de la foi, est tenu en ces matières pour vrai et juste ou faux, alors je me vois dans l’obligation de répondre ce qui suit aux revendications du ZdK:

Si nous considérons sur ces thèmes la foi de l’Eglise, telle qu’elle a, jusqu’à présent, été vécue et partagée, fondée sur l’Ecriture Sainte, la tradition et le magistère, une réponse positive à ces revendications du ZdK signifierait une modification dramatique de beaucoup de ce qui fut, jusqu’ici, admis en matière de mariage et de sexualité.
L’Eglise, en effet, croit , en vertu de la révélation qu’elle a reçue, que la pratique sexuelle trouve son lieu propre et, en dernière instance, son unique lieu légitime, dans le mariage entre un homme et une femme, ouverts tous les deux à la transmission de la vie et qui ont conclu une alliance indissoluble jusqu’à la mort de l’un des conjoints.
L’Eglise a parfaitement conscience que c’est là une haute exigence ; mais elle croit qu’aucun être humain ni aucun couple ne peut satisfaire à cette exigence s’il est livré à ses propres forces. C’est pour cela que cette alliance s’appelle un sacrement et qu’elle est , dans la foi, fortifiée et renforcée par la promesse explicite de Dieu d’être le « troisième » dans l’alliance entre deux personnes. C’est lui le lien de cette relation ; c’est lui qui la sanctifie, la rend indissoluble et reste toujours pour elle la source du salut.

De plus, dans cette perspective, pour autant que je sache, l’Ecriture Sainte considère comme luxure ou adultère, toute forme de consommation, en dehors du mariage, de l’acte sexuel et va jusqu’à annoncer des conséquences parfois vraiment dramatiques pour ceux qui s’y engagent.
La tradition de l’Eglise a toujours partagé et repris ce jugement des Ecritures dans son ensemble, même si ce n’est pas sans nuances. Il va de soi depuis longtemps que la considération des cas individuels est toujours importante pour la formation du jugement. Tout aussi évidente est pour l’Eglise l’expérience qu’il y a aussi des échecs dans les relations humaines, et que les personnes qui échouent ont, d’une manière très particulière, besoin aussi d’un soutien pastoral.

Ce qui est revendiqué pour ce temps, c’est que d’autres formes d’union contractuelle entre des personnes soient valorisées, avant tout pour ce qui est vécu en elles de fidélité, de disposition à la réconciliation et d’engagement réciproque ; or, cette revendication du ZdK, à l’évidence, n’exclut pas mais inclut la pratique sexuelle. S’il en allait autrement, de telles relations seraient avant tout des amitiés et pas des relations entre partenaires basées sur une sexualité partagée. Que l’Eglise en tout temps approuve et puisse même bénir la véritable amitié, cela ne poserait à mes yeux aucun problème. Et c’est bien pourquoi il s’agit, fondamentalement, dans les questions soulevées ici, une fois encore de sexe entre deux personnes. Des « valeurs » positives de « vie en commun », il en existe aussi par exemple entre tous les autres groupes humains, comme entre enfants et grands-parents, entre collègues de travail, entre membres d’un club de football ou même entre les membres d’une bande gangsters. Même là il n’est pas rare que l’on accorde beaucoup de prix à des « valeurs » comme la confiance, l’assistance mutuelle ou la loyauté.

Tout cela signifie, pour moi, que le ZdK devrait d’abord être honnête : par-delà la question de ces « valeurs » que l’on peut, toujours et à presque tous égards, juger bonnes ( benedicere , bénir), il devrait inclure franchement la revendication que l’on puisse finalement trouver également bon l’acte sexuel accompli au sein de relations non conjugales et le bénir.
Tout discours sur les valeurs me fait dès lors l’effet d’ un emballage, inspiré par de bonnes intentions, mais qui n’est en définitive qu’un masque, car son argumentation n’atteint pas le cœur du problème. Si donc, sur base des « valeurs », il faut organiser des célébrations liturgiques de bénédiction pour des relations de toute nature qui ne relèvent pas du mariage sacramentel, se pose à mes yeux la question : pourquoi en fait seulement pour deux ? Si, par exemple, trois personnes ou même plus , du même sexe ou de sexe différent, partagent le même lit et, d’autre part, veulent construire ensemble un cadre de confiance et de sollicitude pour des enfants, pourquoi ne pas bénir aussi cette union ? N’y vit-on pas aussi des « valeurs » ? Et comment justifier, sur la base des valeurs, que le « cadre garanti » doive être intégré, selon le ZdK, dans la sexualité vécue, qu’il doive être garanti seulement par des personnes au nombre de deux exactement , quel que soit leur sexe, et ne puisse pas l’être aussi par plus de deux personnes si elles s’entendent bien sur le plan sexuel et sur tous les autres ?

Par cet exemple nous voyons que le critère de telles « valeurs » ne permet pas de justifier avec assurance que la bénédiction concerne exclusivement les relations à deux, quelle qu’en soit la constellation. Nous voyons par conséquent aussi qu’avec le critère « valeurs » nous nous préparons, je pense, d’énormes problèmes, surtout qu’il faut à nouveau élaborer des critères pour définir ce qui, exactement, est une « valeur » et pourquoi.

Mais la foi et l’Ecriture ne se basent pas d’abord sur des valeurs mais sur la révélation, sur le Christ lui-même. Il n’est pas une « valeur » mais le Verbe de Dieu lui-même; celui qui, en personne, aime les hommes, les touche, les libère et les rend capables d’une autre vie et, surtout, d’un amour et d’une fidélité que l’homme n’a pas par lui-même mais qu’il reçoit de Lui. Mais si c’est Jésus lui-même le « critère » et si nous avons en outre, par l’Ecriture, la tradition et le magistère, une connaissance assurée de sa volonté en ce domaine (voir par exemple I Co 7, 10-11), alors, beaucoup plus que d’un appel aux valeurs, j’ai besoin d’une explication : comment justifier de manière concluante pourquoi, sur ces points cruciaux, la volonté de Jésus en matière de mariage et de sexualité devrait avoir changé après 2000 ans.

De même les « signes des temps » tant invoqués ne constituent pas, de mon point de vue, une réponse à ces questions. Car à nouveau : qui établit ce que seraient ces signes et pourquoi précisément dans ce domaine ils devraient produire maintenant quelque chose de neuf ?
Je pense que c’est précisément dans ce domaine que l’homme est resté le plus égal à lui-même. Et ce domaine précisément fut aussi l’objet de vives controverses déjà dans l’Eglise des origines, sinon l’intention de Jésus n’aurait pas été exprimée avec autant de clarté dans l’Ecriture Sainte. Un signe des temps pour aujourd’hui serait pour moi, par exemple, la nature nouvelle du problème des réfugiés, auquel le monde et l’Eglise doivent trouver de nouvelles réponses. Mais pas la question de savoir pourquoi le sexe pratiqué hors du mariage devrait être à présent une bénédiction, alors que, pendant 2000 ans, il en était , aux yeux de la foi, exactement le contraire.

Je ne puis donc, pour ces raisons, et pour d’autres, ratifier la résolution du ZdK dans sa brutale évidence.
Comme être humain, qui vit dans le monde d’aujourd’hui, toujours plus sécularisé, je le pourrais évidemment. Car c’est bien ainsi qu’est le monde dans lequel nous vivons et il était, en ces matières, déjà ainsi lorsque les textes de la Sainte Ecriture ont été rédigés. Mais comme être humain qui, au milieu de ce monde se sent attaché à la foi de l’Eglise et toujours plus appelé par elle, je ne le peux pas. Pour moi, le Comité central, avec cette déclaration, est bien près de renoncer à des aspects tout à fait essentiels de l’anthropologie biblique et de la compréhension de la révélation biblique. Et ce qui m’inquiète réellement, c’est qu’il puisse manifestement suivre cette voie avec la plus grande majorité de ses représentants.

Et le recours perpétuel au pape François pour soutenir ce nouveau programme ne justifie nullement un changement de cours aussi dramatique. Le pape a fait envoyer un questionnaire sur ces thèmes et convoqué un synode où l’on débattra ouvertement de l’Evangile de la famille. Magnifique ! Et oui, on peut et on doit discuter. C’est bien. Je ne vois toutefois jusqu’ici aucune déclaration officielle du pape ou du magistère qui s’approcherait seulement un peu des revendications du ZdK formulées plus haut. Selon toute probabilité, le prochain synode montrera que le nom et le programme du pape François ont été instrumentalisés au service du programme politique, et certes pas biblique, du ZdK. Il me semble significatif à cet égard que, dans le catalogue de revendications du ZdK et de leurs justifications, les arguments bibliques ne soient pour ainsi dire plus mentionnés.

Les évêques allemands ont tout récemment adopté une nouvelle version de leur charte pour les collaborateurs et collaboratrices de l’Eglise. Même dans la nouvelle version, la dissolution d’une union civile, irrecevable d’un point de vue canonique, et la contraction d’une union légalisée entre catholiques est considérée comme « un manquement grave à l’obligation de loyauté » envers l’Eglise-employeur. Je me demande dès lors comment le ZdK concilie ses revendications explicites d’une bénédiction et de célébrations liturgiques de telles unions avec la loyauté envers les évêques et le magistère qui leur est confié . Le fait en tout cas que beaucoup de catholiques, après un texte comme celui-ci, ne se sentent aujourd’hui plus représentés par le ZdK n’est pas à reprocher d’abord à ces catholiques. Et si d’aucuns déplorent aujourd’hui dans l’Eglise des tendances à la division, celles-ci me paraissent justement être provoquées par le genre de décisions exposées ci-dessus.

Tout homme qui , sur ces questions, veut s’informer sans préjugés des positions de la foi transmise universellement dans l’unique Eglise d’une part, et de celles du comité central des catholiques allemands de l’autre, ne pourra, au vu de leur opposition, qu’être plongé dans la confusion.

Chers membres du ZdK : cela peut-il être votre but ?

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