Danneels et le Pape

"Trois choses que vous devez savoir..." dit le célèbre blogueur anglais Damian Thompson. Et même quatre, selon moi.

 

En septembre 2014, l'annonce de la présence du cardinal Danneels parmi les participants au premier synode sur la famille avait provoqué l'indignation de beaucoup, et en particulier celle de mon amie Raffaella (qui plus que quiconque s'est impliquée pour témoigner de la lutte inlassable de Benoît XVI contre le fléau de la pédophilie dans le clergé et qui connaît la question à fond), qui dénonçait déjà le honteux silence des médias. Sa réaction sur son blog pourrait être reprise telle quelle aujourd'hui, et je la partage à 100%: benoit-et-moi.fr/2014-II-1/actualites/les-participants-au-synode.

En 2010, j'avais consacré plusieurs articles au scandale des abus sexuels commis par l'évêque (progressiste) de Bruges, Roger Vangheluwe sur son propre neveu, qui s'était terminée par la démission du prélat indigne (à chercher ici).
Il avait en particulier été dit que le cardinal Danneels, alors primat de Belgique avait tenté d'étouffer le scandale.
C'est cette affaire que Damian Thompson reprend ici sur son blog, avec d'autres détails.
Il annonce "trois choses que vous devriez savoir sur le cardinal Danneels".
Mais il y en a au moins quatre!
Justement à propos du scandale que je viens d'évoquer, le blog <Messa in latino> rappelait en juin 2010:

L'abominable catéchisme

Dans les années 90, le cardinal Danneels a fait adopter un abominable texte de catéchisme intitulé "Roeach", écrit par le professeur Jef Bulckens de Université "catholique" de Louvain et le professeur Frans Lefevre du "séminaire" de Bruges.
Voici comment ce "catéchisme", explique la sexualité des enfants (et déjà?... qu'est-ce que cela a à voir avec le catéchisme?): Par exemple, avec l'image reproduite ci-contre d'une fillette nue à laquelle la bande dessinée fait dire: "Caresser mon minou me fait du bien". "J'aime bien enlever ma culotte avec mes amis". "Je veux rester dans la chambre quand papa et maman font l'amour". Un autre dessin montre un petit garçon et une fillette nus jouant au docteur, et le garçon qui dit "Regarde, mon zizi est gros". Un autre dessin montre trois différents types de parents. Sont recalés ceux qui ont des attitudes puritaines; ceux qui sont "corrects sont bien sûr ceux qui réagissent ainsi "Oui , sentir, et stimuler ces parties est agréable" .
(benoit-et-moi.fr/2010-II)

 


Même avec cet oubli, bravo à Damian Thompson, qui ose soulever la question de la nomination de Danneels comme "invité d'honneur" du Pape.
Et pendant ce temps en France, silence total. Les médias catholiques, soucieux de ne pas critiquer publiquement la papauté au nom d'une prétendue loyauté, s'enfoncent dans le déni.
Décidément, il n'y a pas que dans le domaine politique que la parole est confisquée et le débat baillonné, chez nous! Sur ce point au moins, nous avons beaucoup à apprendre des médias de la sphère anglophone.

Trois choses que vous devez savoir sur François et le cardinal déshonoré dans un scandale d'abus sexuels

Damian Thompson
blogs.new.spectator.co.uk
(Ma traduction)


Cette image de François apparemment en conversation avec le cardinal belge à la retraite Godfried Danneels au Synode sur la famille qui a débuté cette semaine, circule sur Twitter et trouble beaucoup de catholiques. Voici ce que vous devez savoir:

* * *

1. Il y a cinq ans, le cardinal Danneels a essayé de dissimuler une affaire révoltante d'abus sexuels dans le cadre familial.
Comme le "National Catholic Reporter" (ndt: progressiste, l'ex "maison" de John Allen, à ne pas confondre avec le "National Catholic Register", réputé conservateur) l'a révélé le 30 Août 2010:

Les enregistrements audio divulgués aux médias belges ce week-end révèlent le cardinal belge Godfried Danneels exhortant une victime d'abus sexuels de ne pas rendre public que son agresseur était son oncle l'évêque Roger Vangheluwe de Bruges, en Belgique. Les enregistrements montrent Danneels faisant pression sur le jeune homme afin qu'il ne force pas Vangheluwe à démissionner.
La transcription citée par le journal est effrayante:
Le cardinal Danneels demande si le neveu veut que Vangheluwe démissionne et il ajoute: «Mais c'est sa décision. Je peux en parler, mais c'est tout. Vous attendez de moi que je fasse quelque chose que je ne peux pas faire. Je ne sais pas ce qu'il faut faire, de plus. Ou peut-être que je dois trouver une autre façon de porter cela à une conclusion satisfaisante».
Lorsque le neveu souligne que le cardinal doit parler au pape et que Vangeluwe doit être sanctionné par l'Église, le cardinal Danneels répond: «Oui, mais ... Vous pouvez aussi demander pardon et vous pouvez aussi reconnaître votre propre culpabilité».
Le neveu: «De qui dois-je chercher le pardon ? Ce n'est pas moi qui dois demander pardon ».
(...)

Plus tard, le cardinal Danneels demande que la conversation ne soit pas rendue publique, et suggère au neveu: «Vous pouvez supposer qu'il va démissionner l'année prochaine et qu'il accepte de ne plus faire d'apparitions à la télévision, ce genre de chose, et avant que vous le sachiez (?) un an aura passé».
Le neveu: «Non! Je mets cela dans vos mains et vous devez prendre une décision tous les deux».
[Danneels répond] «Donc, vous pouvez nous piéger et essayer de nous faire chanter, hein, et dire: "Vous devez faire quelque chose"»


Confronté à la bande enregistrée, Danneels - qui venait de démissionner comme archevêque de Malines-Bruxelles - noie le poisson de façon peu convaincante, parlant du règlement d'un différend dans la famille de l'évêque. Il a «improvisé», dit-il.
Comme c'était inévitable, Vangheluwe a dû démissionner immédiatement. Mais Danneels a également été déshonoré par les révélations, faites en premier par le journal belge De Standaard. Non seulement il a essayé d'organiser une couverture temporaire des abus de l'évêque sur son neveu, mais il a également suggéré que la victime devait demander pardon - et il a accusé l'homme de tentative de chantage quand il a exigé que Danneels en parle au Pape Benoît XVI.

* * *

2. Connaissant le scandale des abus sexuels, François a donné à Danneels une place d'honneur au Synode sur la famille

Les 279 Pères synodaux débattant des questions les plus sensibles sur la famille et la sexualité incluent 45 Pères personnellement choisis par François. Ils sont dominés par le haut clergé dont il voulait entendre les voix lors du synode, mais qui n'étaient pas automatiquement qualifiés pour être membre. Voici une capture d'écran du haut de la liste sur le site du Vatican:


Le fait que le nom de Danneels soit le deuxième sur la liste suggère une forte approbation du Pape, en dépit des vues ultra-radicales du belge, qui incluent le soutien à une «sorte de mariage» reconnu par l'Eglise pour les couples homosexuels. Ce qui consterne les cardinaux importants - mais ils sont beaucoup plus préoccupés par la question des abus sexuels. François savait avant sa désignation que Danneels avait tenté de se livrer à une opération de couverture. Pourtant, il est passé outre.

* * *

3. Le cardinal Danneels s'est vanté d'avoir aidé François à être élu pape

Lors du lancement de sa biographie autorisée à Bruxelles le mois dernier, Danneels a revendiqué avoir fait partie d'une «mafia» de cardinaux de premier plan opposés à Benoît XVI, qui voulaient s'assurer qu'un pape libéral succèderait à Benoît XVI. Jorge Bergoglio était leur candidat favori. Nous ne devrions peut-être pas trop nous attarder là-dessus, la papauté (de François) n'est pas vraiment un cadeau du club. Mais quand j'ai demandé cette semaine à une source de prestige du Vatican pourquoi François avait invité Danneels au synode - un "coup" grotesquemement inapproprié - il a répondu: «En remerciement pour les votes qu'il a aidé à obtenir».
C'est une hypothèse, et cela suppose un degré de calcul cynique que nous n'associons pas à François (ndt: précaution purement rhétorique de la part de Thompson!). Je la mentionne parce que cette explication est prise au sérieux à un niveau élevé dans les milieux conservateurs du Vatican.

A présent, la question [du scandale Danneels] doit être correctement étudiée. François doit expliquer pourquoi un homme qui a essayé de dissimuler des abus sexuels au sein d'une famille est un participant de premier plan à un synode discutant de la pastorale de la famille.

Jusqu'à présent, les médias n'ont montré aucun intérêt pour cette histoire. Ce ne serait pas le cas si Benoît XVI était encore pape.