Les musulmans au défi de la raison

Une longue interview du Père jésuite islamologue Samir Khalil Samir (qui revient de France) par Edward Pentin (23/11/2015)

 

Le Père Samir reprend à son compte le défi posé par Benoît XVI aux musulmans dans le discours de Ratisbonne. L'éducation, et la formation des imans sont des problèmes cruciaux. L'émergence d'un islam "éclairé" est le but à atteindre. Nous ne devons pas renoncer à convertir les musulmans, envers qui nous avons une grande responsabilité.
Il est aussi questions des attentats de Paris, de la situation de l'Occident en général, et de la France et de la Belgique en particiulier, deux pays en proie à un "ultra-sécularisme" violent qui heurte frontalement les convictions des musulmans.

On n'est pas obligé d'être d'accord avec tout, et penser que par moments, le Père Samir cède à une vision trop iréniste; mais il connaît bien l'islam, aux côtés duquel il vit depuis toujours. Son analyse est donc celle d'un témoin direct, ce qui lui confère une indéniable crédibilité.

Le Père jésuite Samir Khalil Samir:
L'islam a besoin d'un renouveau de la Raison
La religion musulmane était beaucoup plus rationnelle au Moyen Age qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Edward Pentin
19/11/2015
www.ncregister.com
(Ma traduction)

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Les musulmans identifiés comme les auteurs des attentats terroristes du 13 novembre à Paris, venaient d'une des parties les plus sécularisées de l'Europe du Nord, là où le christianisme, le catholicisme en particulier, est le plus faible.
Alors, dans quelle mesure le sécularisme et la faiblesse du catholicisme ont-ils pu jouer un rôle dans leur radicalisation?
Dans cette interview du 17 novembre, le père jésuite Samir Khalil Samir, un spécialiste de l'islam et pro-recteur de l'Institut pontifical oriental à Rome, aborde certains problèmes inhérents à l'Islam, ainsi que les tendances sécularistes qui ont influencé la propagation de la violence fondamentaliste musulmane.

Le Père Samir Khalil Samir, qui est né au Caire, explique aussi que l'islam des 12ème et 13ème siècles était «beaucoup plus ouvert d'esprit» que l'islam suivi par de nombreux musulmans aujourd'hui. «Nous sommes revenus 1000 ans en arrière,» dit-il, parce que l'enseignement dans les facultés de théologie islamique «ne se fonde pas sur la raison», comme c'était le cas «dans les mêmes écoles au Moyen Age».


- Pourquoi pensez-vous de Paris a été au centre de l'attaque de la semaine dernière?
- Tout d'abord, nous devons nous rappeler que la France a la plus forte proportion de musulmans en Occident: au moins 6 millions - près de 10% de la population - et ils sont pour la plupart des Arabes musulmans qui sont plus fanatiques que d'autres, disons les Indonésiens ou les Malaisiens.
Un autre aspect est le prétexte de Charlie Hebdo, et le fait que la laïcité en France est vraiment radicale. Vous ne trouvez pas cela en Italie et en Allemagne. En Allemagne, vous pouvez avoir votre mosquée; en Italie, l'atmosphère est plus chrétienne. La France et la Belgique sont vraiment fortement sécularisées, et cela fait que les gens pensent que [ces pays] sont la source du mal.
Une troisième raison pourrait être ce qu'a fait la France en Libye avec Kadhafi, qui était inacceptable. En outre, l'erreur que l'Occident est en train de faire, en se débarrassant des dictateurs, comme les États-Unis l'ont fait avec Saddam Hussein en Irak, ne fait qu'aggraver la situation. Ce que la France a fait avec la Libye fait que le pays est maintenant bien pire que précédemment. Ce qu'ils ont essayé de faire avec Assad [en Syrie] provoque ce que nous voyons maintenant.
Cette vision simpliste - que si nous enlevons le dictateur, nous aurons une nouvelle société - est absurde. Il faut étudier la situation avant. Les dictateurs sont partout. La question est: Comment garantir la démocratie, la liberté et la sécurité? Malheureusement, les dictateurs garantissent la sécurité d'abord, afin que les gens disent: «Ok, dans une dictature nous ne disposons pas de la liberté d'expression, mais où l'avons-nous au Moyen-Orient? ... Nous les défendons à cause de leur argent!». C'est quelque chose que nous entendons tous les jours dans nos médias arabes: que tout ce qu'ils [les pays occidentaux] veulent, c'est notre argent.
L'impression est que l'Occident est matérialiste et que le laïciisme est encore plus matérialiste, et il y a en cela quelque chose de vrai. En Octobre 2010, les États-Unis ont annoncé un contrat entre les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite pour la fourniture d'avions de guerre pour 60 milliards de dollars, répartis sur 10 ans. En Mars 2015, l'Arabie saoudite a acheté du matériel militaire pour 6,4 milliards d'euros et est devenu le plus gros acheteur d'armes dans le monde. Hier, ils ont décidé d'acheter du matériel de guerre, y compris 13 mille bombes «intelligentes», pour 1,29 milliard de dollars. Pendant ce temps, 8 millions d'immigrants syriens tentent de survivre!
Est-ce vraiment innocent? Les gens lisent ces titres, et disent: «Oui, c'est cela, la cause de ce qui se passe dans le monde arabe».

- De nombreux islamistes radicaux semblent provenir de pays européens où le sécularisme a le plus de prise. Dans quelle mesure un tel environnement contribue-t-il à enflammer la violence islamiste?
- Il semble clair qu'une bonne partie des terroristes viennent d'Europe. Je viens de lire quelque chose de l'université Al-Azhar [principale université islamique au Caire], disant qu'il y a au moins quatre mille musulmans en provenance d'Europe. Parmi eux, il y a beaucoup de chrétiens - venant en particulier de Belgique - qui se sont convertis à l'Islam. Dans certains quartiers de Bruxelles (en particulier Molenbeek) ou d'autres endroits, il y a une concentration de djihadistes. Là, il y a des endroits où la police ne peut même pas entrer. Ils sont défendus par des djihadistes qui bloquent la police.
Donc, la situation est très étrange: des gens qui ne sont plus chrétiens, qui étaient autrefois chrétiens et qui sont attirés par ce comportement violent au nom de Dieu. Cela signifie une crise religieuse profonde chez les chrétiens, dans l'Eglise catholique - et en même temps, une propagande dure, fanatique, des entités islamiques. Les deux [le sécularisme radical et l'islamisme] sont condamnés. La plupart des musulmans considèrent cette approche de l'islam comme erronée, surtout à notre époque. Et pour les chrétiens, évidemment, penser que quelqu'un est en train de devenir religieux parce qu'il se bat pour Dieu est absurde.
Donc, il y a beaucoup de gens qui sont perdus, des milliers d'entre eux, en Europe, à Bruxelles et ailleurs, et l'Église doit faire quelque chose. L'Eglise est en train de faire des choses ici et là, mais c'est le début d'un mouvement - redonner le vrai sens de la foi, de Dieu, de ce que notre rôle est aujourd'hui dans le monde. Nous pouvons aider davantage en étant fidèle à l'Evangile, plutôt qu'en adoptant des solutions féodales tirées de quelques versets du Coran.

- Certains disent que l'absence de direction morale pour aider à orienter ces fondamentalistes loin de leur violence semble être un problème de taille - qu'il n'y a pas d'alternative à ce qu'ils entendent dans les mosquées, et qu'il n'y a pas d'autre voix forte de raison morale. Dans quelle mesure cette préoccupation est-elle centrale?
- Il y a certainement un manque dans l'éducation chrétienne. Nous voyons cela partout, essentiellement en Europe. On remarque ce manque, tout d'abord, dans les séminaires. Ils ne sont pas la moitié ou même le tiers de ce qu'ils étaient il ya 40 ans - partout. Peut-être que ce n'est pas à ce point en Pologne ou en Europe de l'Est, mais certainement en Europe occidentale, cette pénurie est très répandue.
Dans un diocèse où je vais, à Hildersheim en Allemagne, on trouve chaque année seulement un ou deux séminaristes qui se préparent à la prêtrise, ce qui est évidemment très peu et ne compense pas le nombre de prêtres qui meurent chaque année. Je reviens justement de France, et j'étais dans un diocèse catholique très fort, à Toulon; mais à Avignon ou dans d'autres diocèses, il faut trois ou quatre diocèses pour avoir un petit séminaire. Dans l'église où je servais en Allemagne il y a 10 ans, nous avions le double de gens venant à l'église le dimanche [par rapport à aujourd'hui].
Donc, nous devons réagir, et je remarque qu'il y a une réaction venant de familles, de groupes qui sont un peu traditionnels (traditionalistes? ndt). Ils disent: «Nous devons maintenir la foi dans nos familles, comme elle était quand nous étions jeunes». Ce ne sont pas des «ultra-conservateurs»; ce sont de très bons chrétiens, souvent avec beaucoup d'enfants. J'ai vécu cette semaine avec une famille de six enfants, et nous avions une prière matin et soir, et une courte prière avant de manger - des choses qui sont très simples, qui ont été faites il y a quelques années, mais qui sont perdues [aujourd'hui]. Bien sûr, le dimanche, toute la famille allait à la messe ensemble.

- Diriez-vous donc qu'il existe une corrélation entre ces pays tels que la Belgique et d'autres pays d'Europe du Nord, où l'Eglise et la famille sont particulièrement faibles, en termes de laisser un terrain fertile pour ce genre de violence?
- Je pense que oui; je crois que c'est vrai. Je donne un autre exemple: En France, il y a des groupes qui essaient d'avoir des contacts avec les musulmans, et même d'avoir des contacts avec des musulmans qui sont à la recherche de quelque chose d'autre, qu'ils demandent à l'Eglise. J'étais à Toulon hier avec un groupe où il y avait 12 musulmans qui sont devenus chrétiens et donnaient leurs témoignages. Ils étaient très enthousiastes et avait une foi chrétienne profonde. Deux d'entre eux n'étaient pas encore baptisés, mais se considéraient déjà chrétiens, dans leurs cœurs. Ces néophytes musulmans sont très ouverts d'esprit. Ce n'est pas que ce mouvement soit anti-musulman, mais il y a des gens qui ont découvert l'Evangile comme quelque chose qui les libère et fait d'eux des amis de tous.
Malheureusement, ce mouvement est généralement considéré par nos églises, et même par les évêques, comme indésirables. Je suis allé à trois conférences avant cellle-ci, et, chaque fois, l'évêque disait: «Si vous faites cela, ne le faites pas au nom de l'Église; faites-le en privé». Cette fois-ci, pour la quatrième fois, [la conférence] était présidée par l'évêque lui-même. Il n'est pas connu comme traditionnel (traditionaliste?), mais il a dit: «Nous avons une responsabilité envers les musulmans, envers l'ensemble de la population - pas seulement pour ceux qui viennent à l'église». Telle est notre mission: «Allez, et annoncez l'Evangile à tous» (Marc 16: 15; Matthieu 28:19). Donc, quand nous voyons la violence de certaines personnes qui se convertissent à l'islam, c'est souvent un signe de personnes ayant perdu tout sentiment religieux et essayant de trouver quelque chose de nouveau dans l'action.

- Dans quel mesure ce problème est-il inhérent à l'islam: que l'islam favorise peut-être ce genre de mentalité?
- Certes, il y a un gros problème dans l'islam aujourd'hui, et il est reconnu par les musulmans eux-mêmes. Les musulmans sont en crise. Ils disent cela régulièrement, mais ils ne savent pas comment changer ou ils n'osent pas.
Pour moi, le problème est d'abord dans l'esprit. Il est idéologique. Le problème est de savoir comment interpréter le Coran, la tradition musulmane et les hadiths (les paroles de Mahomet):
Si on les interpréte avec une approche politique - convertir le monde entier à l'Islam, parce que c'est la dernière religion révélée, la meilleure religion, et que Mahomet est le meilleur modèle pour tout le monde - on en conclut qu'il faut faire le jihad, combattre tous les autres.
Et alors, on utilise tous les moyens, et on regarde dans le Coran et dans la tradition musulmane les versets et hadiths qui disent [aux disciples], «Vous devez les combattre jusqu'à ce qu'ils se convertissent à l'islam». On peut trouver plusieurs versets comme cela. On peut trouver cette attitude chez Mahomet lui-même - une attitude agressive, soit parce qu'il devait se défendre, soit parce qu'il voulait répandre sa croyance en un seul Dieu. Mais comme François l'a dit avant-hier: «Nous ne pouvons pas servir Dieu avec violence. Ceci est contre Dieu. Nous ne pouvons pas prétendre que nous faisons quelque chose de positif».

- Jusqu'à quel point l'éducation joue-t-elle un rôle?
- L'éducation [au djihad] est répandue dans beaucoup de mosquées, de livres, d'écoles. Je l'ai vu dans un livre pour les enfants - c'est-à-dire une apologie du djihad - disant ceci est l'étape ultime pour un bon musulman. C'est inacceptable; et si on étendcette approche, si on élimine une interprétation du Coran pour notre époque, alors on retourne en arrière. D'une certaine manière, au Moyen Age, ils étaient beaucoup plus ouverts d'esprit qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Si vous retournez 1000 ans en arrière et lisez une brochure sur ce que les musulmans attendent dans le ciel, c'est différent d'aujourd'hui: les vierges, les fruits et les eaux n'étaient alors pas considérés comme matériels, parce qu'il n'y a pas de corps. Cette interprétation n'est plus répandue; à la place, il y a une interprétation littérale du Coran. Donc, je pense que nous sommes revenus plus de 1000 ans en arrière, parce que l'enseignement dans les facultés de théologie islamique, même à Al-Azhar, ne se fonde pas sur la raison. L'interprétation du Coran et de la tradition islamique ne se fonde pas sur la raison, comme c'était le cas dans certaines écoles au Moyen Age. Pour de nombreux théologiens musulmans, la raison est considérée comme une anti-révélation! Au passage, ce sont précisément les critiques du pape Benoît XVI dans son célèbre discours à l'université de Ratisbonne le 12 septembre 2006, qui a provoqué une réaction musulmane tellement violente.

- Diriez-vous aussi ce défi est d'autant plus difficile à cause d'un Occident qui est l'antithèse de ses croyances chrétiennes traditionnelles - ce contre quoi Benoît XVI a mis en garde à Ratisbonne: que c'est à propos d'un clash entre, en substance, un sécularisme «froid» versus un Islam en «surchauffe»?
- Oui, mais Benoît faisait une distinction claire entre ce que nous vivons en Occident et la juste laïcité («la saine laïcité», comme il dit). Dans son exhortation apostolique après le synode sur le Moyen-Orient, au paragraphe 29, il dit qu'il y a une fausse interprétation de la laïcité [un code de la laïcité] et un bonne (1). Vous avez raison quand vous dites que l'Europe a souvent une mauvaise approche de la modernité.
Les musulmans savent que la modernité vient d'Occident; c'est un fait. A présent, ils voient l'Occident comme ayant perdu son éthique, notamment sur les questions sexuelles. Ils sont très choqués par ce qu'ils voient ou entendent. ... Alors ils disent que cela vient de la modernité. Ils veulent rejeter les excès et les abus de certains principes, mais finissent par rejeter le tout. Le problème est que l'Occident est responsable, sans le savoir, de la réaction du monde musulman.

- Peut-on dire que l'Occident, et en particulier l'Europe, après avoir tourné le dos à Dieu, conduit essentiellement l'État islamique à remplir le vide?
- Oui. ... La question est: Comment sommes-nous confrontés à la modernité? Quand l'Europe était encore chrétienne dans son mode de vie et sa pratique religieuse, la modernité était considérée comme un plus. Aujourd'hui, elle est considérée [par les musulmans fondamentalistes] comme la cause d'une tradition séculariste, non-croyante - et donc ils la rejettent, et disent: «Nous allons revenir à l'époque du Prophète». Cela, c'est le salafisme, de l'arabe salaf, qui se réfère aux compagnons de Mahomet, ou à la première génération après lui. Donc, la solution, pour la plupart des intellectuels religieux aujourd'hui est de revenir aux salafs, reproduisant exactement ce qui était fait par le Prophète, comme ils l'appellent, y compris avec sa barbe, même s'ils ne savent pas comment il était ou ce qu'il mangeait, etc.
Il y a un principe dans l'islam qui pourrait être utilisé pour libérer les gens, qui est de ne pas regarder la charia [loi islamique] littéralement, mais, plutôt, la "Maqasid al-charia" - autrement dit les buts et les objectifs de la la charia, en utilisant la question «Pourquoi?» - demandant: Pourquoi avons-nous cette décision comme loi dans l'Islam?
Par exemple, avec les étudiants que j'ai eus, la moitié sont musulmans, et la moitié sont chrétiens. Je dis que la loi islamique dit [concernant] celui qui est un voleur: Le Coran dit que vous devez couper sa main, et si il recommence, son pied et ainsi de suite. En Arabie saoudite, ils font cela et pensent que c'est être fidèle au Coran. Maintenant, si nous nous demandons: «Quel est le but de cette loi? C'est pour qu'il ne puisse plus voler». Ainsi, je dois me concentrer sur le but.
Aujourd'hui, je demande à mes étudiants: n'y a-t-il pas d'autres façons d'aider un voleur? Peut-être que leur situation signifie qu'ils ont faim, qu'ils ne sont pas éduqués et donc ne pourront jamais trouver un emploi. Donc, la solution est de les éduquer afin qu'ils puissent obtenir un emploi, au lieu de voler. Mais cette façon de penser est très rare. Le modèle dominant est: Vous prenez littéralement le Coran et les paroles du Prophète - des milliers de hadiths, rassemblés dans de gros livres - vous les prenez à la lettre, puis vous les appliquez.

- Diriez-vous que, pour l'essentiel, ce que nous avons est un affrontement entre les hérésies de l'Islam, qu'Hilaire Belloc avait qualifié d'hérésie chrétienne, et les hérésies de la modernité et du modernisme?
- Oui. Ils sont coincés entre d'une part appliquer littéralement le Coran,et de l'autre tomber dans ce qu'ils voient en Occident. Donc, ils ne trouvent pas de voie médiane, pour dire: «Nous refusons ceci et cela venant d'Occident, et nous refusons également l'application matérielle de tel et tel point de la tradition musulmane» autrement dit pour faire un discernement. Cela implique l'usage de la raison dans la théologie, dans l'interprétation du Coran, dans le Tafsir [exégèse], et c'est ce qui ne marche pas aujourd'hui.
Le problème est d'abord idéologique, puis il se déplace vers la guerre, le terrorisme et tout ce que vous voulez. Donc la solution pour moi est l'éducation d'imams modérés, d'imams ouverts d'esprit, qui ont étudié non seulement la religion, comme ils le font à Al-Azhar et ailleurs, mais des gens qui sont formés en mathématiques, en physique, en philosophie, en histoire, à la comparaison des cultures et ainsi de suite; en plus du Coran, des études traditionnelles et des hadiths, pour faire un pont entre les deux et pour réinterpréter l'Islam en accord avec notre connaissance d'aujourd'hui, la connaissance moderne. Mais nous appliquons le Coran comme il a été dit pour des gens au septième siècle dans le désert. Aujourd'hui, nous ne sommes plus dans le désert, et nous sommes 14 siècles plus tard.

- Combien de temps pensez-vous que cette violence va durer? Dans quelle mesure la voyez-vous se propager en Occident?
- Cela pourrait prendre des décennies. La violence est telle que si nous ne faisons rien, ils vont gagner. Si nous laissons la Syrie se battre toute seule, ils le feront militairement et détruiront l'ensemble du pays pour sauver leur propre peuple, des deux côtés. Les terroristes ne sont pas conscients du désastre qu'ils font. Mais le gouvernement réagit également avec tous les moyens. Et même s'il ne veut pas tuer des gens innocents, des innocents sont tués tous les jours. J'ai lu qu'il y a eu 230 mille morts en Syrie jusqu'à aujourd'hui. C'est énorme.

- Que voudriez-vous voir l'Église faire? Peut-être ramener un sens de la moralité en Occident, une renaissance de l'Eglise en Europe, pour contrer cette force?
- Oui, je pense que nous devons faire un grand renouveau en Occident dans l'approche chrétienne de la vie. Mais l'approche laïque est si forte, que si vous parlez comme un vrai chrétien, ils disent: «Oh, vous êtes vieux-jeu».
Prenez n'importe quel exemple, la liberté de divorcer ou non pour se marier ou vivre ensemble, et puis quand vous vous mariez, vous pouvez vous séparer chaque fois que vous le voulez si vous voulez, etc. Ils enseignent maintenant qu'il y a différents types de familles. Je l'ai vu dans un manuel scolaire français: Vous avez une famille avec un homme, une femme; avec deux hommes ensemble; deux femmes ensemble; puis celle traditionnelle, avec un homme et une femme. On ests en train de détruire la société et l'éthique. Ce n'est quelque chose d'exclusivement chrétien ...
Lorsque les musulmans voient cela, ils rappellent immédiatement que l'homosexualité est absolument condamnée dans le Coran, en référence au Lot de la Bible. Voir les chapitres 7: 80-81; 11: 77-82; 15: 58-74; 21: 74; 26: 165-166; 27: 54-55; 29: 28-30; 54: 33-34. Dans certains cas, ils étaient brûlés vifs. Ensuite, les musulmans disent: «D'accord, l'Occident est chrétien, le christianisme permet cela, et donc le christianisme n'est pas la vraie religion; c'est une fausse religion. Et nous voulons être vrai, coller au Coran et à la tradition».
Cela signifie que nous sommes en partie, indirectement responsables du fanatisme qui se répand de plus en plus dans l'Islam, comme une réaction à l'Occident - pas seulement, mais cela aussi - et que nous jouons un rôle dans la radicalisation de l'islam.

- Que peut faire l'Église d'autre?
- Nous avons une grande responsabilité. Dans tout ce qui est arrivé, nous, les chrétiens, nous avons une belle mais lourde responsabilité. Nous devons aider les musulmans à surmonter cette réalité. Nous pouvons les aider mieux que les musulmans eux-mêmes, parce que nous sommes passés par toutes les nouvelles interprétations de la Bible, et que nous nous battons au sein de l'Église, par exemple, au sein de l'Église catholique, contre certaines tendances du séculmarisme dur. Donc, nous avons le même objectif, mais nous avons plus d'expérience.
Nous avons aussi la chance d'avoir une autorité éclairée avec le Pape; et il a répété ces jours-ci, mais aussi avant que: «La violence ne peut jamais être une solution divine. Je ne peux jamais me battre pour Dieu physiquement. Le combat est spirituel». Ce fut le sens du discours de Ratisbonne de Benoît qui a été mal interprété.
Donc, une réponse est de construire une vraie amitié avec les musulmans, de dire que nous sommes ensemble contre le sécularisme extrême. Nous sommes d'accord avec vous sur certaines questions, nous nous aiderons mutuellement pour être plus spirituels et avoir une approche plus spirituelle de Dieu et de la religion.

- Et pour devenir finalement catholique?
- Oui certainement. Les dernières phrases de Matthieu: «Allez, et proclamez l'Evangile au monde entier» est une obligation d'amour pour chaque chrétien. Ce n'est pas de la propagande; cela permet la liberté spirituelle que l'Evangile, que le Christ a apportée au monde. Donc, ce n'est pas juste une option; c'est un ordre, mais un ordre pour la liberté, pour la vie et la joie. Avec les musulmans, en tant que chrétiens, nous devons ré-évangéliser chrétiens, musulmans et athées et prêcher la Bonne Nouvelle.
Si l'Evangile est le plus beau trésor que nous avons, comment pouvons-nous refuser de le partager avec d'autres, surtout s'ils sont en crise?
Edward Pentin Rome le correspondant de l'enregistrer.

Note

(1) EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE "ECCLESIA IN MEDIO ORIENTE" DU PAPE BENOÎT XVI AUX PATRIARCHES, AUX ÉVÊQUES, AU CLERGÉ, AUX PERSONNES CONSACRÉES ET AUX FIDÈLES LAÏCS SUR L’ÉGLISE AU MOYEN-ORIENT, COMMUNION ET TÉMOIGNAGE
w2.vatican.va :

§29 . Comme le reste du monde, le Moyen-Orient connaît deux réalités opposées : la laïcité avec ses formes parfois extrêmes, et le fondamentalisme violent qui revendique une origine religieuse.
C’est avec grande suspicion que certains responsables politiques et religieux moyen-orientaux, toutes communautés confondues, considèrent la laïcité comme athée ou immorale.
Il est vrai que la laïcité peut affirmer parfois de manière réductrice que la religion relève exclusivement de la sphère privée comme si elle n’était qu’un culte individuel et domestique situé hors de la vie, de l’éthique, de l’altérité. Dans sa forme extrême et idéologique, cette laïcité devenue sécularisme, nie au citoyen l’expression publique de sa religion et prétend que l’État seul peut légiférer sur sa forme publique.
Ces théories sont anciennes. Elles ne sont plus seulement occidentales et elles ne peuvent pas être confondues avec le christianisme.
La saine laïcité, en revanche, signifie libérer la croyance du poids de la politique et enrichir la politique par les apports de la croyance, en maintenant la nécessaire distance, la claire distinction et l’indispensable collaboration entre les deux.
Aucune société ne peut se développer sainement sans affirmer le respect réciproque entre politique et religion en évitant la tentation constante du mélange ou de l’opposition. Le rapport approprié se fonde, avant toute chose, sur la nature de l’homme – sur une saine anthropologie donc – et sur le respect total de ses droits inaliénables. La prise de conscience de ce rapport approprié permet de comprendre qu’il existe une sorte d’unité-distinction qui doit caractériser le rapport entre le spirituel (religieux) et le temporel (politique), puisque tous deux sont appelés, même dans la nécessaire distinction, à coopérer harmonieusement pour le bien commun.
Une telle laïcité saine garantit à la politique d’opérer sans instrumentaliser la religion, et à la religion de vivre librement sans s’alourdir du politique dicté par l’intérêt, et quelquefois peu conforme, voire même contraire, à la croyance. C’est pourquoi la saine laïcité (unité-distinction) est nécessaire, et même indispensable aux deux.
Le défi constitué par la relation entre le politique et le religieux peut être relevé avec patience et courage par une formation humaine et religieuse adéquate. Il faut rappeler continuellement la place de Dieu dans la vie personnelle, familiale et civile, et la juste place de l’homme dans le dessein de Dieu. Et surtout à cette fin, il faut prier davantage.