L'étrange consultant pontifical

Enzo Bianchi, "prieur" de la communauté de Bosé, où est organisé ces jours-ci un symposium sur le thème "Miséricorde et pardon", en présence de Walter Kasper, enfile les énormités dans une interview à Repubblica

>>> Voir aussi:
¤ Enzo Bianchi, consultant pontifical (Article sur le site en allemand <katholisches> traduit par Isabelle)

>>> Et l'interview à Repubblica: www.monasterodibose.it

 

Anna a traduit cette mise au point, qui interpelle directement le Pape, sur le site www.tempi.it

Pardon, Sainteté, mais Enzo Bianchi est-il catholique?

Luigi Amicone
www.tempi.it
12 septembre 2015
Traduction Anna

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Le prieur de Bose en dit de toutes les couleurs sur la xénophobie de Biffi, notre violence contre l'islam, les femmes peu valorisées dans l'Église...

Très cher Saint Père, on vous écrit du monde entier - des amis au Vatican nous l'ont dit - si bien que chaque jour des sacs et des sacs se remplissent de courrier que le personnel de la Secrétairerie d'État peine à écouler. C'est un très bon signe de votre immense popularité. Et aussi de l'immense besoin des gens de se confier et d'être réconfortés par un vrai père. Par Pierre, qui ne trompe pas.

Pourquoi donc nous, petit et extravagant journal d'éducation catholique, pourquoi nous aussi venons-nous vous importuner?
La raison est qu'en lisant le quotidien fondé par Eugenio Scalfari, à qui vous avez aimablement accordé deux conversations transcrites ensuite "de mémoire" et, peut-être, avec quelques ajouts d'idées du même Scalfari, nous avons été surpris par la façon avec laquelle ils accompagnent cette veille d'un synode extraordinaire (sic) pour la famille, à la fois important et très délicat.

N'est-il en effet pas surprenant qu'un journal orgueilleusement laïque et obstinément ennemi de la réalité de l'Église comme dogme et comme Peuple, comme autorité infaillible de Pierre et œuvre historique du Ressuscité Notre Seigneur Jésus Christ, s'efforce de se positionner comme l'organe de presse le plus autorisé du dialogue théologique entamé à la veille du Synode d'octobre?

Pour être plus précis, à l'occasion de la rencontre de ces jours-ci, organisée par la communauté de Bose et qui a pour hôte prestigieux Son Éminence le cardinal Walter Kasper, le théologien par Vous chargé de rédiger la relation sur laquelle les pères synodaux vont se confronter, nous avons lu l'interview donnée à Repubblica (9 septembre) par le même Enzo Bianchi, prieur de la Fraternité de Bose et organisateur de la rencontre.

L'interview est titrée "La Chiesa del futuro (L'Église du futur)" et semble vouloir représenter l'esprit et les lignes directrices de la rencontre cautionnée avec tellement d'autorité par la présence du cardinal Kasper.
Eh bien, qu'est-ce que "l'Église du futur" dans l'interview du père Bianchi à Repubblica?

Tout d'abord, le prieur de Bose pense que l'appel lancé par le Pape à accueillir les réfugiés restera "inécouté" par le clergé et sera "peut-être dissimulé par l'hypocrisie religieuse, qui est la plus sinistre et épouvantable de toutes".
Pourquoi devrait-on s'attendre à une telle énorme négligence de la part de l'Église italienne? Parce que "la situation italienne est une honte - commence Bianchi - surtout dans les régions traditionnellement les plus catholiques, la Vénétie et la Lombardie". Et qui est le coupable de cette "honte"? Bianchi n'a pas de doutes: "L'église italienne". Ça alors, et le prieur Bianchi de quoi fait-il partie? À quelle confession appartient-il et de qui lui vient l'investiture, la légitimation, l'autorité de prieur sur la base de laquelle il n'est par le chef d'une communauté quelconque de fils des fleurs ou d'une église de Jésus-comme-il-me-chante? De l'Église catholique italienne, évidemment. De l'autorité de ses évêques en communion avec le Pape, évidemment.

Hélas - poursuit l'humble prieur Bianchi - grâce aussi à des hommes d'Église comme le cardinal Biffi et l'évêque Maggiolini (qui ne peuvent pas répondre aux accusations malheureusement car ils sont morts) "l'église italienne s'est pliée", elle a été "une église complice". De quoi? Mais oui, de la Ligue [du Nord] de Bossi et Salvini. "Le grand silence d'une église complice les a aidés à injecter le poison de la xénophobie dans le tissu social du territoire". Il est évident que, d'après le cœur désolé de Bianchi, "absolument toute l'église d'avant François est une église coupable". Oubliant ainsi qu'on ne peut pas comparer la culture et la mentalité d'aujourd'hui, le contexte historique et la conscience humaine qui ont évolué dans le temps avec celle des hommes protagonistes d'événements d'il y a deux mille ans (car si l’on fait cette opération typique d'un clerc avec la passoire sur la tête, il faudrait traduire en justice l'histoire et en empêcher évidemment toute connaissance et compréhension), Bianchi compare donc les atrocités commises aujourd'hui par l'Isis avec le cas des moines qui détruisirent les temples païens sous l'empereur Théodose. "En regardant les siècles je me permets de dire, avec les différences dues: nous voyons d'autres nous faire ce que nous leur avons fait". Regardant les siècles, pourrait-on répondre, étant donné que l'esclavage était une valeur noble dans l'antiquité et que les enfants étaient la propriété des pères avec pouvoir sur eux de vie et de mort, celui qui aujourd'hui réduit en esclavage un immigré ou vend ses propres fils ne fait rien d'autre que ce que "nous avions fait". Quel genre de raisonnement est-ce donc là?

Sur ce même registre notre prieur y va bon train, jusqu'à déclarer que "la doctrine catholique de Vatican II répète clairement que la conscience prévaut sur toute autorité, même sur celle du pape". La "conscience" ainsi interprétée nous paraît une vision protestante plutôt que catholique. En somme, ce serait génial de savoir ce que le Pape en personne pense à ce sujet. N'est-il pas compréhensible que la "conscience" des fidèles se sente troublée devant de tels mots? Quoi qu'il en soit, selon le prieur Bianchi, pire que l'église catholique "d'avant le pape François" il semblerait qu'il n'y a rien eu. L'islam lui-même doit être complètement réévalué.

"S'il y a dans le Coran des textes de violence, ils ne sont pas très différents de ceux que l'on trouve dans la Bible et qui nous horrifient". Et encore: "Il n'est pas vrai que l'islam est une religion de la violence et du Jihad, l'affirmer ne sert qu'à justifier notre propre violence à leur encontre". Affirmer qu'il y a violence dans l'islam "ne sert qu'à justifier la nôtre à leur encontre"? Quelle violence monsieur le prieur? Où sont les hordes chrétiennes qui sèment mort, destruction et peur contre l'islam? Les dossiers de toutes les organisations laïques du monde sont-ils des crétins et des faussaires, et même François se serait trompé en dénonçant qu'il y a plus de martyrs dans l'Église que pendant les premiers siècles"? Mais oui, comme l'affirme le père Bianchi, "les intégristes islamiques, même lorsqu'ils démolissent une église, ne visent pas tant à offenser la foi chrétienne qu'à frapper l'occident".

Pas assez de préjugés laïques chez le prieur "catholique"? Voici finalement comment à Bose on s’en prend à l'Église. "On affirme hâtivement que quelques musulmans sont encore au moyen-âge. Mais le voile complet des religieuse cloîtrées n'a été aboli qu'en 1982. La prise de conscience de l'égale dignité de la femme et de l'homme dans le christianisme est très récente, et elle n’a même pasencore de langage pour être exprimée. La soumission des femmes aux hommes est un héritage scripturaire dans l'islam, mais elle est présente aussi dans nos écritures: saint Paul affirme que les femmes ne doivent absolument prendre la parole dans l'assemblée de l'église et qu'elles doivent rester la tête couverte".

Apothéose finale. "Il y a dans l'église de la bonne volonté mais finalement on garde de la femme des images irréelles: le modèle de Marie, vierge et mère, qui ne peut pas être une référence pour la promotion de la femme dans l'église; l'idée, qui s'est insinuée par mode, que la Sainte Vierge est plus importante que Saint Pierre, une idée inepte, comme à dire que la roue d'un char est plus importante que le moteur…".

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Très Saint Père, veuillez nous pardonner, mais ce prieur est-il catholique? Et le très illustre cardinal Kasper qui aura un rôle de protagoniste au prochain synode, est-il à l'aise en légitimant une rencontre qui a Monsieur Enzo Bianchi pour organisateur et idéologue?