27 décembre: Fête de la Sainte Famille

Benoît XVI explique l'évangile du jour (Jésus âgé de 12 ans dans le Temple). Et un curieux commentaire de François aujourd'hui

C'est Antonio Socci qui relève sur sa page Facebook ce qu'il nomme une "incroyable exégèse bergoglienne". Et à dire vrai, même avec de modestes souvenirs du catéchisme, il y a de quoi être étonné par le commentaire du Pape, qui exclut toute dimension verticale, oubliant la nature divine de Jésus, pour s'en tenir à la banalité du quotidien humain le plus terre-à-terre.

Antonio Socci écrit donc:

Aujourd'hui, commentant l'évangile de Jésus retrouvé au Temple, Bergoglio a dit textuellement (homélie de la messe pour les familles, cf. w2.vatican.va):

"Nous savons ce que Jésus avait fait cette fois. Au lieu de retourner à la maison avec les siens, il s'était arrêté à Jérusalem, dans le Temple, provoquant une grande peine à Marie et Joseph qui ne le trouvaient plus. Pour sa "petite escapade", probablement que Jésus dut demander pardon à ses parents. L'évangile ne le dit pas, mais je crois que nous pouvons le supposer".

Non, décidément, il n'est pas nécessaire d'avoir une quelconque expertise en théologie pour comprendre qu'il y a quelque chose qui cloche!

Je me souviens très bien de la catéchèse de Benoît XVI, le 27 septembre 2011, commentant le même évangile de Luc (ch2, 42-50). Je l'avais traduite (elle est évidemment aujourd'hui disponible en français sur le site du Vatican):

Jésus, nous l'avons entendu, à douze ans se rend avec les siens au temple de Jérusalem. Cet épisode se situe dans le contexte du pèlerinage, comme saint Luc le souligne: «Ses parents allaient chaque année à Jérusalem pour la fête de Pâques. Quand il eut douze ans, ils y montèrent selon la coutume de la fête» (2,41 à 42). Le pèlerinage est une expression religieuse qui se nourrit de la prière et dans le même temps, l'alimente. Là, il s'agit de celui de la Pâque, et l'évangéliste nous fait observer que la famille de Jésus le vit chaque année, pour participer aux rites dans la ville sainte. La famille juive, comme celle chrétienne, prie dans l'intimité de la maison, mais aussi avec la communauté, se reconnaissant comme une partie du peuple de Dieu en chemin, et le pèlerinage exprime précisément cet 'être' en chemin du peuple de Dieu. La Pâque est le centre et le point culminant de tout cela, et implique la dimension familiale et celle de culte liturgique et public.

Dans l'épisode de Jésus à douze ans, sont aussi enregistrés les premiers mots de Jésus: «Pourquoi me cherchez-vous? Ne savez-vous pas que je dois être en ce qui est à mon Père? » (2:49). Après trois jours de recherches, ses parents le retrouvent dans le temple, assis parmi les docteurs, tandis qu'il les écoute et les questionne (cf. 2:46). A la demande pourquoi il a fait cela à son père et sa mère, il répond qu'il n'a fait que ce que doit faire le Fils, être avec le Père. Ainsi, il montre qui est le vrai Père, qui est la vraie maison, qu'il n'a pas fait quelque chose d'étrange, qu'il n'a pas désobéi. Il est resté là où doit être le Fils, près du Père, et il a souligné qui est Son père. Le mot «Père» souligne ainsi l'accent de cette réponse et tout le mystère christologique apparaît. Ce mot ouvre donc le mystère, c'est la clé du mystère du Christ, qui est le Fils, et il ouvre également la clé du mystère de nous chrétiens, qui sommes fils dans le Fils. Dans le même temps, Jésus nous enseigne comment être des fils, en étant avec le Père dans la prière. Le mystère christologique, le mystère de l'existence chrétienne est intimement relié à la prière, fondé sur la prière. Jésus enseignera un jour à à ses disciples à prier, en leur disant: Quand vous priez, dites: «Père». Et, bien sûr, ne le dites pas juste comme un mot, dites-le avec votre vie, apprenez de plus en plus à dire avec votre vie: «Père»; et ainsi, vous serez de vrais fils dans le Fils, de vrais chrétiens.

Un an plus tard, lors de l'angélus du 27 décembre 2012, Benoît XVI revenait encore sur le même passage évangélique , qu'il commentait sur le registre plus familier:

Jésus aujourd'hui est de nouveau dans le Temple, mais cette fois, il a un rôle différent, qui l'implique personnellement. Il accomplit, avec Marie et Joseph, le pèlerinage à Jérusalem comme le prescrit la Loi, bien que n'étant pas encore dans la treizième année de son âge: un signe de la profonde religiosité de la Sainte Famille.
Mais quand ses parents repartent pour Nazareth, quelque chose d'inattendu se produit: lui, sans rien dire, reste dans la ville. Pendant trois jours, Marie et Joseph le cherchent et le trouvent dans le Temple, discutant avec les docteurs de la Loi (cf. Lc 2,46 à 47); et quand ils lui demandent des explications, Jésus leur dit qu'ils ne doivent pas s'étonner, parce que là est sa place, là est sa maison, auprès de son Père, qui est Dieu (cf. L'enfance de Jésus , 143). «Il professe - dit Origène - être dans le temple de son Père, ce Père, qu'il a révélé à nous et dont il dit qu'il est le Fils».
L'inquiètude de Marie et de Joseph pour Jésus est celle de chaque parent qui élève un enfant, lui fait découvrir la vie et la compréhension de la réalité.

Rappelons enfin, dans un registre plus "scientifique" l'épilogue de "L'Enfance de Jésus" (François ne l'a donc pas lu?), qui s'intitule justement "Jésus âgé de 12 ans dans le Temple":

(page 177-179)
La réponse de Jésus à la question de sa mère est impressionnante : Comment cela? Vous m'avez cherché? Ne saviez-vous pas où doit être un enfant ? C'est-à-dire, qu'il doit être dans la maison de son père, « aux choses du Père » (Lc 2, 49) ? Jésus dit à ses parents : je suis exactement là où est ma place - près de mon Père, dans sa maison.
Dans cette réponse, deux choses surtout sont importantes. Marie avait dit : « Ton père et moi, nous te cherchons, angoissés. » Jésus la corrige : je suis chez mon Père. Ce n'est pas Joseph mon Père, mais c'est un Autre - Dieu lui-même. C'est à Lui que j'appartiens, chez lui, je me trouve. La filiation divine de Jésus peut-elle être exprimée plus clairement ?
Ainsi, la deuxième chose est directement liée. Jésus parle d'un « devoir » auquel il se limite. Le fils, l'enfant doit être chez son père. Le mot grec deï, que Luc utilise ici, revient toujours dans les Évangiles là où est présentée la disposition de la volonté de Dieu, à laquelle Jésus est soumis. Il « doit » beaucoup souffrir, être rejeté, être tué et ressusciter, comme il le dit aux disciples après la profession de Pierre (cf. Mc 8, 31). Ce « devoir », « il doit », est déjà valable, aussi à ce moment initial. Il doit être chez son Père, et ainsi devient-il clair que ce qui apparaît comme désobéissance ou comme liberté inopportune à l'égard de ses parents, en réalité, est vraiment l'expression de son obéissance filiale. Il est dans le Temple non comme rebelle. à ses parents, mais précisément comme Celui qui obéit, avec la même obéissance qui le conduira à la Croix et à la Résurrection.

Saint Luc décrit la réaction de Marie et Joseph à la parole de Jésus par deux affirmations : « Mais eux ne comprirent pas ce qu'il leur disait », et « sa mère retenait tous ces événements dans son coeur » (Lc 2, 50-51). La parole de Jésus est trop grande pour le moment. La foi de Marie est aussi une foi « en chemin », une foi qui, à maintes reprises, se trouve dans l'obscurité et qui, en passant à travers l'obscurité, doit mûrir. Marie ne comprend pas la parole de Jésus, mais elle la conserve dans son coeur et là, elle la fait parvenir petit à petit à sa maturité.
Toujours à nouveau les paroles de Jésus sont plus grandes que notre raison. Elles dépassent touiours à nouveau notre intellieence. La tentation, de les réduire, de les manipuler pour les faire entrer dans notre mesure est compréhensible. Fait partie de l'exégèse juste précisément l'humilité de respecter cette grandeur qui, avec ses exigences, nous dépasse souvent, et de ne pas réduire les paroles de Jésus à la question concernant ce dont nous pouvons « le croire capable ». Il nous pense capables de grandes choses. Croire signifie se soumettre à cette grandeur et croître pas à pas vers celle-ci.
En cela, Luc présente à bon escient Marie comme celle qui croit de façon exemplaire : « Bienheureuse celle qui a cru », lui avait dit Élisabeth (Lc 1, 45). Avec l'annotation, faite deux fois dans le récit de l'enfance, selon laquelle Marie conservait ces paroles dans son coeur (cf. Lc 2, 19, 51), Luc renvoie - comme nous l'avons dit - à la source à laquelle il puise pour sa narration. En même temps, Marie apparaît non seulement comme la grande croyante, mais comme l'image de l'Église, qui garde la Parole dans son coeur et la transmet.

« Il redescendit alors avec eux et revint à Nazareth ; et il leur était soumis [...]. Quant à Jésus, il croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes » (Lc 2, 51 sq.). Après le moment où il avait fait resplendir l'obéissance la plus grande dans laquelle il vivait, Jésus revient à la situation normale de sa famille - dans l'humilité d'une vie simple et dans l'obéissance à l'égard de ses parents terrestres.