Assise contre Gênes


ou "dialogue" interreligieux contre Congrès eucharistique. Le choix (significatif) de François. Commentaire de Riccardo Cascioli (19/9/2016)

>>>
La splendeur de la paix de saint François (Un texte écrit par le Cardinal Ratzinger en janvier 2002, après "Assise III", pour la revue 30 Giorni).

>>> A propos de l'absence du Pape à Gênes:
¤ Sainteté, s'il vous plaît, venez à Gênes ... (L'appel de Marco Tosatti, alors qu'on annonce l'absence du Pape - évêque de Rome et primat de l'Eglise en Italie! - au Congrès Eucharistique national, en septembre prochain à Gênes - 1er/6/2016)
¤ Une première papale (François est le premier pape du post-concile qui refuse de se rendre au Congrès eucharistique italien. Article de Sandro Magister - 12/8/2016)

 

Dialogue interreligieux contre Congrès eucharistique.
Ainsi se perd l'intuition qui a donné lieu à Assise en 1986


Riccardo Cascioli
19/09/2016
www.lanuovabq.it
Ma traduction

* * *

Hier, 18 Septembre, il y avait une étrange coïncidence: la conclusion du Congrès eucharistique national à Gênes, et l'ouverture de la rencontre interreligieuse pour la paix à Assise (le thème est "Soif de Paix"), à l'occasion du trentième anniversaire de la rncontre voulue par Jean-Paul II le 27 Octobre 1986. Coincidence certainement involontaire, et même pas remarquée par les organisateurs respectifs, mais très significative. Parce que si à Assise, on prie pour la paix, à Gênes, on a adoré le Christ qui est «la vraie paix». L'un, le rendez-vous de Gênes, est le fondement de l'autre, la rencontre avec les représentants des autres religions à Assise.

C'était très clair pour saint Jean-Paul II quand il eut l'intuition de convoquer les représentants de toutes les religions à Assise. Il l'expliqua de façon efficace deux mois plus tard, lors des voeux à la Curie romaine (22 Décembre 1986), rejetant «toute confusion et tout syncrétisme», plaçant au contraire la rencontre d'Assise dans la perspective de «l'ordre de la création»: «l'origine divine de toute la famille humaine, de chaque homme et de chaque femme, qui se reflète dans l'unité de l'image divine que chacun porte en lui (cf. Genèse,1:26), et oriente en elle-même vers une finalité commune (cf. Nostra Aetate, 1)».
De ce point de vue les divisions religieuses sont le résultat de la «chute» du péché. Il revient à 'Église, dépositaire de la vérité révélée, «sacrement du salut» et «signe et instrument de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain», de témoigner de ce à quoi toutes les religions, et tous les hommes, aspirent «le dessein divin, unique et définitif, a son centre en Jésus-Christ, Dieu et homme "dans lequel les hommes trouvent la plénitude de la vie religieuse et en qui Dieu a réconcilié toutes choses à lui-même"».
La prière, expliquait encore Jean-Paul II - chacun «selon sa propre identité et dans la recherche de la vérité» - est la reconnaissance commune que la paix vient de Dieu, c'est un pas dans la prise de conscience de cet ordre de la création qui s'applique à tous. Et ce fut l'image synthètique que saint Jean Paul II a offert de la rencontre d' Assise: «L'Eglise catholique tenant par la main nos frères chrétiens, et ceux-ci tous ensemble qui joignent leurs mains avec celles des frères des autres religions».

Voilà pourquoi , dans le bref discours final d'Assise, saint Jean-Paul II annonça avec beaucoup de clarté: «En relation avec la dernière prière, celle chrétienne, dans la série que nous avons écoutée, je professe de de nouveau ma conviction, partagée par tous les chrétiens, que c'est en Jésus-Christ comme le Sauveur de tous, que se trouve la vraie paix. (...) C'est en effet, ma conviction de foi qui m'a fait me tourner vers vous, représentants des Eglises chrétiennes et des communautés ecclésiales et religions du monde, dans un esprit d'amour profond et de respect. Avec les autres chrétiens , nous partageons beaucoup de croyances, en particulier à l'égard de la paix. Avec les religions mondiales, nous partageons un respect commun et l'obéissance à la conscience, qui nous enseigne à tous de chercher la vérité, d'aimer et de servir tous les individus et tous les peuples, et pour cela de faire la paix entre les individus et entre les nations ».

Désolé de le dire, mais dans les discours qui l'ont précédé et dans l'exposé d'ouverture hier à Assise, de cette approche des origines il n'y a aucune trace. Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté Sant'Egidio et véritable moteur des rencontres interreligieuses qui, depuis 1987, se poursuivent comme héritage de la première rencontre, évoque constamment l'«esprit d'Assise» et se présente comme l'héritier de Jean-Paul II (en ce qui concerne le dialogue interreligieux), mais l'approche apparaît très différente de celle décrite en 1986: le dialogue est le mot d'ordre , mais le dessein divin est réduit à une paix générique, en vue de laquelle il est malvenu d'affirmer sa propre identité.

Il n'est donc pas posible de saisir le lien avec le Congrès eucharistique, que saint Jean-Paul II - justement en raison de la déclaration de foi qu'il fit à cette occasion - devait voir comme le fondement de la rencontre d'Assise. Evidemment, nous ne savons pas ce que va dire demain, mardi, François quand il rencontrera les chefs religieux dans la ville ombrienne et nous ne doutons pas qu'au moins lui reprendra l'intuition originelle d'il y a trente ans.
Toutefois, il y a un fait objectif qui, qu'on le veuille ou non, envoie un message: François sera en effet à Assise, mais il n'est pas allé à Gênes. Et comme les lumières des médias s'allument évidemment où est le pape, tous les réflecteurs seront surAssise, tandis que le Congrès eucharistique est passé complètement inaperçu. Ainsi s'est perdue une excellente occasion de montrer l'origine et la finalité du dialogue pour la paix.

Mais il y a un autre geste du pape qui est significatif: à savoir l'absence d'une invitation à Assise pour le Dalaï Lama,
qui en revanche, il y a 30 ans, était à côté de Jean-Paul II. Bien que la nouvelle, révélée par l'entourage du Dalaï Lama, n'ait pas été expliquée ou commentée par le bureau de presse du Vatican, il est clair qu'une telle décision a été prise pour éviter de fâcher Pékin à un moment où le Saint- Siège fait tout son possible pour rétablir la relations diplomatiques avec la Chine populaire. En somme , c'est le retour de la Realpolitik - à laquelle Jean-Paul II était résolument opposé - qui semblait enterrée après l'échec qu'elle avait rencontré avec les pays de l'ex-Union soviétique. Du reste, pour la même raison, le Dalaï Lama n'a pas non été reçu par le pape il y a deux ans, quand il était à Rome pour le sommet des Prix Nobel. Mais il y a une différence de sens objective entre une visite privée, à laquelle on peut renoncer sans problèmes majeurs, et une initiative publique, religieuse, qui se trouve modulée sur les exigences politiques du moment.
Non que nous mourions d'envie de voir le Dalaï Lama à Assise, mais ne pas le voir pour plaire à l'Empereur laisse un certain malaise.