Encore sur le lavement des pieds


Une lumineuse analyse "à froid" lu sur le (très bon) site <Campari & de Maistre> (28/1/2016, mise à jour le 29/1)

>>> Voir sur ce sujet:
¤ Lavement des pieds "politiquement correct"
¤ Je demande pardon!
¤ Changement du rite du lavement des pieds
¤ Messe de la Cène du Seigneur



Lavement des pieds (1500), Giovanni Agostino da Lodi, Galerie Académique de Venise

Il précise tout ce qui avait pu nous échapper dans une lecture hâtive, mettant l'accent sur ce que cette nouvelle rupure dans la continuité a d'exemplaire, mais surtout d'inquiétant.
L'auteur, qui signe "Satiricus" est présenté ici (www.campariedemaistre.com/p/sulle-pagine-di-campariedemaistre) sous le nom complet Fausto Satiricus Valsecchi (qui est évidemment un pseudo), comme un "théologien de renommée mondiale, qui s'est retiré dans les lointaines années 70, en polémique avec le nouvel ordre mondial".

Lavement des pieds générique: bonsoir la tradition (LGBT)


Satiricus
28 janvier 2016
www.campariedemaistre.com
(Ma traduction)


Parmi les nouveautés de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, en date du 6 Janvier, on compte la normalisation d'un changement liturgique, que de fait le Pape s'était déjà permis de mettre en œuvre au début de son mandat: pour l'action liturgique du Jeudi Saint, les femmes elles aussi auront licitement accès au rite du lavement des pieds.

Dans l'accomplissement de ce rite, les évêques et les prêtres sont invités à se conformer intimement au Christ qui «est venu non pour être servi mais pour servir» (Mt 20,28) et, poussé par un amour «jusqu'au bout» (Jn 13,1), donner sa vie pour le salut de tout le genre humain.
Pour manifester cette pleine signification du rituel pour ceux qui sont impliqués, il a paru bon au Souverain Pontife François de changer la norme qu'on lit dans les rubriques du Missel romain (p.300 n.11): «Les hommes choisis sont accompagnés par les ministres ...», qui doit donc être modifiée comme suit: «Ceux qui sont choisis parmi le peuple de Dieu sont accompagnés par les ministres» (et par conséquent dans Cérémonial des évêques n. 301 et n. 299 b), de sorte que les pasteurs peuvent choisir un petit groupe de fidèles qui représente la diversité et l'unité de chaque portion du peuple de Dieu. Ce petit groupe peut être composé d'hommes et de femmes, et selon la convenance, de jeunes et de vieux, de personnes en bonne santé ou malades, de religieux, consacrés, laïcs».

Signé: Robert Card. Sarah
(press.vatican.va)


Comment pouvons-nous commenter cela?
Le changement est possible (il n'est pas hérétique), mais il n'est pas indifférent.
L'objectif déclaré est de rendre évidente la symbolique de charité qui, en tant que telle, ne connaît bien sûr, aucune distinction de sexe ou d'âge (pas davantage d'orientation sexuelle ou de genre, disons-le par avance).

D'autre part, avec ce changement, la liturgie du Jeudi Saint perd au moins deux caractères spécifiques. Il n'est en effet écrit dans aucun document, et c'est encore moins dans la nature liturgique, qu'elle devrait exprimer des valeurs sociologiques, comme la mise en œuvre des quotas de femmes (quote rosa), et la satisfaction des revendications sexistes. Elle doit plutôt réaliser une représentation de l'histoire du salut, le dessein éternel qui se reflète, se renouvelle et s'approfondit d'âge en âge, ayant évidemment comme exemple typique l'histoire du salut et ses personnages.
Le lavement des pieds destiné aux seuls hommes semble donc la forme la plus appropriée.
En effet, en premier lieu, il se réfère à la vérité historique, selon laquelle Jésus a lavé les pieds seulement à des hommes; ceci, à son tour permet de confirmer l'institution du mandat apostolique, qui ne revient pas au beau sexe; et en outre, il était éducatif, dans le sens liturgique, de préserver la vérité christomorphique du geste avec lequel Jésus a obéi au caractère rituel de la Cène juive, où la présence de femmes n'était pas autorisée; du dernier point, on déduit que nous avons perdu la mémoire liturgique cultuelle de la continuité entre les rites liturgiques de l'ancien Israël et les nôtres; du précédent, nous percevons que nous avons déplacé le cochonnet (boccino) de la continuité liturgique avec les orthodoxes à la continuité révolutionnaire avec les protestants.
Donc, avec l'initiative de François, la liturgie s'est appauvrie, niant les références spécifiques à l'histoire biblique d'Israël et du Messie. Désormais, la liturgie exprimera mieux la soumission aux valeurs de ce monde, elle remplacera vélléitairement les faiblesses sociologiques liées aux disparités inévitables entre les hommes et les femmes, elle allègera la pédagogie féminine classique sur les valeurs de pudeur et de soumission, elle trompera les femmes quant à l'impossible vocation sacerdotale, elle frustrera l'amour propre déjà miné de l'homme, lequel, en attendant de pouvoir accoucher, se découvre le seul discriminé par la nature et la religion.

Les raisons qui viennent d'être exposées - en relation avec les éléments naturels de la différence hommes-femmes, basées sur la biologie, précisés par la culture, depuis toujours identifié dans leurs riches particularités spirituelles et sacramentelles - confirment que la crise ne pourra être résolue qu'en restituant à chacun son propre rôle. Le rôle de la femme n'est pas à l'autel, mais il est dans la protection de la vie domestique, comprise comme cellule sacrée de l'humanité; elle n'est pas guide, ou sommet, mais soutien et base.

Bref, nous enregistrons la énième prise de distance de l'Eglise avec son cœur christique et mystique, espérant peut-être nous sauver avec nos idées sociologiques cis-pélagiennes , éventuellement en rendant un semblant de culte aux pratiques éthiques modernes, dont les théoriciens laïcs disent déjà qu'elles ont échoué.

En fin de compte, la nouveauté est un petit détail, dont les défauts ont déjà été injectés dans le culte catholique il y a quelques décennies avec l'admission de femmes parmi les servants de messe (*). En soi, il semble que rien n'a été ajouté, si ce n'est qu'on est allé toucher le cœur de la liturgie, la Semaine Sainte.
S'il existait encore des Catholiques, ils se déchireraient les vêtements. La discontinuité avec Benoît XVI (et donc avec l'Eglise) est radicale; le vide liturgique du pontificat est digne d'anthologie; la crise de l'évangélisation ne peut que s'aggraver, et désormais, humainement, nous touchons le point non-retour. François continue son jeu personnel, n'en déplaise à des siècles de tradition et de débat, n'en déplaise aux subtils théologiens conciliaire et post-conciliaire: il y a un rêve soixante-huitard nostalgique à réaliser et, pour l'amour de septuagénaires déçus, nous le réaliserons! Hasta noia! (halte à l'ennui...?)

Il nous reste les rites orientaux, l'ambrosien, l'ancien rite - désormais, nous en revenons toujours à la même suggestion: retourner à l'ancien - et donc voici un extrait du lavement des pieds dans le rite byzantin, où la référence au Christ de l'histoire, pas à celui du mythe ad personam, est si forte qu'il inclut même le magistral dialogue pétrinien (**)

* * *

(*) Un changement qui, si l'on en croit Malachi Martin dans son livre Winswept House" a été introduit contre la volonté de JP II et derrière son dos, par les manigances de son ex-secrétaire d'Etat Casaroli.

(**) Je ne comprends pas bien ce que cela veut dire, mais il n'est pas nécessaire d'avoir de commentaire pour être très impressionné par le rite magnifique.



Mise à jour le 29/1

(**) Un aimable lecteur m'écrit:

Il me semble que la réponse est vers la fin de la vidéo, juste avant que le patriarche lave les pieds au 12ième ecclésiastique (un évêque visiblement): ils sont debout face à face et il y a un dialogue solennel: ce sont les paroles de l’évangile: « non seigneur tu ne me lavera pas les pieds, etc » (cf. Jean, 13)