Le règne du mensonge


Paolo Deotto démonte, sur Riscossa Cristiana, le système qui aujourd'hui plus que jamais, régit le monde des médias. Un cas d'école: la guerre en Syrie (2/10/2016)

 

Quiconque regarde avec un minimum de jugement les journaux télévisés, parcourt la presse écrite (et pas seulement les titres) ou prête une oreille plus ou moins attentive aux bulletins des différentes radios, ne peut pas ne pas être effrayé - car c'est vraiment effrayant par les dimensions que cela assume - par le tsunami totalement monochrome de mensonges qui est déversé sur nous 24 heures sur 24. Des mensonges qui devraient discréditer définitivement leurs auteurs et couvrir de honte, je ne dis pas les journalistes (sont-ils encore des journalistes, ou de simples hommes-sandwiches des intérêts qu'ils représentent?) mais de ceux qui sont titulaires d'un bout de papier qu'on appelle une carte de presse. Malheureusement, plus ils mentent, plus ils sont confortés dans leurs mensonges par l'absence de réactions des gens - qui semblent pour la plupart frappés de sidération mentale -, et dans la conviction que le fait d'avoir en main un micro leur confère un droit quasiment divin, ils sont de plus en plus arrogants. Témoignant envers leur cible (désignée collectivement sous le vocable générique et anonyme d'"opinion publique") d'un mépris si profond qu'il en devient caricatural. Tous les coups sont permis: fausses accusations, ou accusations inversées, faits inventés, citations tronquées ou hors-contexte, micro-trottoirs sélectifs, sondages bidonnés, invités récurrents (i.e. toujours les mêmes, tous de la même opinion, et jamais présentés pour ce qu'ils sont vraiment quand il s'agit de gens peu connus) censés "débattre" alors qu'ils sont d'accord sur le fond....
Cela n'a jamais aussi vrai qu'aujourd'hui, où nous vivons l'ère de "l'info pour tous" (en réalité de la propagande pour tous faite par une toute petite minorité qui n'a aucune légitimité "démocratique" mais qui n'a pourtant que ce mot à la bouche).
Chaque jour amène son contingent de mensonges tirés de l'actualité (aujourd'hui dimanche, le référendum en Hongrie dont il a été question ici), mais il y a des mensonges "toiles de fond" sur des sujets spécifiques, martelés quotidiennement sur le long terme, comme la campagne présidentielle américaine avec le traitement ahurissant réservé à Trump, et la curée anti-Sarkozy (quelle que soit l'opinion qu'on a par ailleurs de ces personnalités).
Le mensonge le plus énorme concerne évidemment la situation en Syrie, à laquelle est consacré ce très bon article de Paolo Deotto sur Riscossa Cristiana.
Certains pourront penser que, pour rendre sa démonstration plus convaincante, il grossit un peu le trait. Si c'était vrai, ce serait un simple procédé pédagogique, et à ce titre excusable. Mais ce n'est hélas pas le cas.

Et dire qu'ils se moquent de la Corée du Nord....

Le mensonge comme normalité


Paolo Deotto
www.riscossacristiana.it
30 septembre 2016
Ma traduction

* * *

Le curieux cas d'une guerre dans laquelle les trêves sont convenues entre deux puissances qui, au moins en théorie, se battent contre le même ennemi.
Bombardements bons et bombardements mauvais.
Quelqu'un se souviendrait-il du soulèvement «spontané» en Ukraine?
Toute honte disparue, le mensonge est désormais la modalité normale de communication, et les cerveaux sont anesthésiés.

Je n'ai absolument aucune prétention d'écrire un article de politique étrangère. J'aime ne parler que de ce que je connais, et même là-dessus, j'ai souvent quelque hésitation. Je voudrais vous entretenir brièvement de quelques faits qui montrent que le mensonge est devenu la norme dans une grande partie de l'information.

Guerre contre l'Isis (ndt: en français, Dieu sait pourquoi, nous disons "Daesh"). Ne nous étendons pas sur les origines et le développement du groupe initial, devenu ensuite véritable armée d'égorgeurs fanatiques. Le fait est qu'à un certain point, le monde occidental, daigne réaliser qu'il faudrait peut-être que nous fassions quelque chose. Les sauveurs du monde, par définition les États-Unis, annoncent qu'ils vont bombarder les terroristes. Parfait, dit le monde occidental.
Après quoi nous entendons parler de cinq (cinq!) chasseurs-bombardiers et / ou drones qui lancent quelques bombes sur les camps d'entraînement des terroristes. Et, par la suite, un «engagement» toujours à ces niveaux, et et qui ne donne pas de résultats tangibles.

Puis voilà qu'intervient la nation scélérate par définition, la Russie, qui commence à faire sérieusement la guerre contre l'Isis. Les égorgeurs perdent des territoires qu'ils avaient conquis, les troupes régulières du gouvernement de Damas, avec le soutien russe, obtiennent des succès.

Mais c'est là qu'arrive le meilleur (si l'on peut dire). Si les Etats-Unis et la Russie combattent le même ennemi, on devrait supposer qu'ils sont alliés. Pur bon sens.

Comme dans toute guerre qui se respecte, à un certain point on en vient à discuter de la nécessité d'un cessez-le feu, pour permettre d'apporter des secours aux civils qui sont pris au piège dans la zone de combat.

À ce stade, cela devient surréaliste. Oui, parce que la trêve devrait normalement être convenue entre les parties en conflit, c'est-à-dire entre ennemis. Et au contraire, la trêve est convenue entre les ministres des Affaires étrangères russe et américain. Surréaliste. Mais s'ils doivent convenir d'une trêve entre eux, alors ils sont ennemis? Il semblerait que oui, vu que les accusations ne manquent pas.

Accusations mutuelles qui ont, cependant, une particularité singulière: quand un bombardement cause des victimes civiles, et peut-être touche des hôpitaux et des écoles, c'est la faute de la Russie et / ou des troupes syriennes régulières. Il est pas toujours clair si le bombardement a été effectué par les Russes ou par des soldats syriens. Il est clair, acquis, indiscutable, que les Russes et les Syriens sont des meurtriers de masse, coupables de crimes de guerre, et ainsi de suite.

S'il arrive au contraire, comme récemment, que les casernes de l'armée régulière syrienne (qui combat, elle aussi, contre l'Isis et donc, en théorie, devrait être dans le même camp que les Américains) soient bombardées par des avions américains, l'affaire, parce qu'elle est venue un peu trop à la lumière du jour, est liquidée rapidement: «Nous nous sommes trompés, nous nous excusons», disent les Américains. Et cela s'arrête là.

Si deux évêques syriens accusent explicitement l'Amérique de soutenir l'Isis, la nouvelle reçoit peu d'attention. Seuls quelques journalistes en parlent, comme Matteo Carnieletto, dont Riscossa Christian a repris deux articles récents (cf. ...il-raid-usa-non-e-stato-un-errore et ...quella-in-siria-e-una-guerra-contro-i-cristiani ).

L'accord de cessez-le feu ne tient pas et est renégocié. Toujours entre les Etats-Unis et la Russie. Et le manège recommence comme ci-dessus, avec accusations mutuelles aussi à l'ONU.

Bien sûr, pour une réalité embrouillée comme celle de la Syrie, et de la guerre à l'Isis, il s'agit d'une schématisation qui a toutes ses limites. Mais elle rapporte des faits qui démontrent que les informations que nous recevons de la presse et de la télévision ne sont pas fiables, ne serait-ce que parce qu'elles émergent d'un cadre vraiment étrange, où se mène une guerre contre un ennemi (Isis) par différents acteurs (Américains, Russes, Syriens fidèles au gouvernement et différentes bandes de tendances diverses) qui semblent plus occupés à se battre entre eux qu'à lutter contre ce qui serait l'ennemi commun (ce qui nécessiterait donc une stratégie commune).

Dans cet imbroglio, un autre fait est que le véritable tournant a été donné par l'intervention russe. Un exemple vaut pour tous: la principale source d'enrichissement pour l'Isis était le commerce du pétrole extrait des puits des zones occupées. Comment se fait-il que les Russes aient eu l'idée de bombarder les colonnes de camions transportant le combustible, supprimant ainsi la principale source de revenu de l'Isis? Est-il crédible que les Américains, avec leur myriade de satellites qui observent le monde entier, n'avaient jamais remarqué ce trafic?

Et la question se pose spontanément: mais les Américains veulent vraiment lutter contre les égorgeurs? Non, disent beaucoup (et même parmi eux deux évêques syriens, comme nous l'avons rappelé ci-dessus). Mais sur cette information on étend le voile pudique du silence. Il est toujours préférable d'insister sur les crimes de guerre russes, réels ou imaginaires qu'ils soient.

Que ce soit clair: la guerre est en soi une vilaine affaire, et nous ne divisons pas le monde entre les petits anges et les démons. La guerre, on la fait pour détruire l'ennemi (sinon il vaut mieux rester à la maison) et si l'ennemi est mélangé à la population civile, il est inévitable que même des innocents trouvent la mort. Dans tout cela, il n'y a rien de beau, mais c'est souvent très malheureusement inévitable.

Ce qui ne peut manquer de surprendre, c'est comment cette guerre embrouillée est racontée au monde. Il y a un «méchant» central, l'Isis (et au moins celui-là est méchant pour tout le monde). Ensuite, il y a une présentation curieuse des protagonistes de la partie adverse à l'Isis, dont quelques-uns sont toujours bons, quoi qu'ils fassent, et d'autres toujours mauvais et inhumains, quoi qu'ils fassent.

Et nous en revenons au surréalisme déjà mentionné: la trêve est convenue entre la Russie et les États-Unis. Mais les trêves ne se concluent-elles pas entre ennemis? Et on revient au point de départ.

On se moque de nous. Sans aucune pudeur. Certaines informations sont de plus en plus comme la vieille prostituée, qui n'a plus aucune retenue pour montrer à tous sa profession, parce que désormais, plus qu'une profession, la prostitution est devenue pour elle une façon d'être.

Et confiant dans le vieux principe, souvent répété, qu'un mensonge répété mille fois devient réalité, on anesthésie les cerveaux. De plus en plus, nous devons nous habituer au fait que le soleil se lève à l'ouest, et que de l'Amérique ne peut venir que le Bien suprême. Et la plupart des informations nous conduisent par la main vers ces splendides destinations.

Pour conclure, un rappel. Quelqu'un se souvient-il encore de la «révolte» en Ukraine? Vieille histoire, d'un point de vue journalistique (elle va bientôt avoir trois ans). Mais très intéressante pour notre argument, le mensonge. A l'époque, ils nous imposèrent de croire à un peuple qui «spontanément» était descendu dans les rues parce que le gouvernement n'avait pas mis en œuvre un accord de coopération commerciale avec l'UE. Ils voulaient nous faire croire au soulèvement «spontané», si spontané qu'en quelques jours, les rebelles disposaient d'armes à feu, de casques et autres équipements militaires. Un journaliste du nom de Fausto Biloslavo parla de plusieurs millions de dollars qui seraient parvenus aux insurgés via l'ambassade des États-Unis. Evidemment, la nouvelle n'eut aucun écho.

Une fois chassé le président pro-russe de l'Ukraine, un gouvernement s'installa à Kiev, dans lequel le ministère des Finances était confié à une Américaine, Mme Jaresko, administrateur d'un fonds commun de placement à étoiles et rayures, tandis que le ministère de l'Economie allait à M. Abromavicius, qui pouvait se vanter dans son CV de plusieurs années de collaboration avec le Département d'État. La «sélection» des ministres fut organisée selon les méthodes entreprenariales, en se basant sur une société de conseil derrière laquelle il y avait, devinez un peu qui... un certain M. George Soros.

Les nouvelles ne choqua personne, car il n'y eut aucun battage médiatique. Il existe plusieurs façons de manipuler le cerveau et il n'y a pas toujours besoin de mentir; il suffit de ne pas mettre l'accent sur certaines nouvelles.

Et nous pourrions continuer avec mille exemples, nationaux et internationaux, de mensonges et / ou omissions. Mais nous nous arrêtons, tout en espérant que ces rappels pourront nous aider à rester vigilants et à suivre la presse et la télévision avec la salutaire méfiance la plus extrême. Parce que, neuf fois sur dix, ils travaillent à se foutre de nous.