L'imbroglio de la destitution de Gotti-Tedeschi


La version donnée par le Saint-Père Benoît dans ses "Dernières conversations" avec Peter Seewald contredit celle de Mgr Gänswein divulguée il y a trois ans. Article sur <Rossoporpora> (12/9/2016)

>>> Cf.
La "bombe" de Maurizio Blondet

 

Un coup de pied dans la fourmilière: c'est ainsi que peut apparaître la "bombe" de Maurizio Blondet que j'ai publiée hier. Elle n'a pas échappé non plus à un observateur aussi attentif et modéré que Giuseppe Rusconi.
Il en profite pour brocarder avec humour les contradictions et les excès (au moins) verbaux de son confrère Tornielli, affublé du surnom cocasse de "trombettier maggiore".

Espérons que Giuseppe Rusconi, dont le blog <Rossoporpora> est très lu, semble-t-il, dans les cercles vaticans , et qui n'a pas la réputation, disons sufureuse de Maurizio Blondet, pourra contribuer à une saine réflexion sur ce qu'il faut bien appeler une énigme.
L'affaire a aussi été évoquée ici: formiche.net.
On y apprend qu'«interpelé par Formiche, Ettore Gotti Tedeschi n'a pas souhaité s'exprimer»

L'article ci-dessous reprend en grande partie les éléments déjà évoqués par Blondet. Il m'a semblé important de le traduire pour montrer que la "bombe" ne devrait pas rester un coup isolé, oeuvre de quelque complotiste loufoque.

L'étrange histoire autour de l'éviction d'Ettore Gotti Tedeschi


GIUSEPPE RUSCONI
www.rossoporpora.org
12 Septembre, 2016
Ma traduction

* * *

Dans le chapitre quatorze des «Dernières conversations» de Benoît XVI, un passage surprenant concerne l'éviction en 2012 du président de l'IOR Ettore Gotti Tedeschi. Andrea Tornielli en parle lui aussi, démentant un autre Andrea Tornielli en Octobre 2013. Mais le problème fondamental demeure: que s'est-il vraiment passé dans l'étrange affaire de l'éviction de Gotti Tedeschi?


Nous n'avons pas encore fini de lire les «Dernières Conversations» de Benoît XVI, qui s'entretient avec son biographe Peter Seewald. Mais nous avons déjà parcouru avec attention quelques chapitres: comme le quatorzième, au titre intriguant «Omissions et problèmes». Et dans ce chapitre, à la page 209 de l'édition italienne, se trouve un passage certes non dénué d'intérêt, qui n'est pas sans rapport avec ce qui est arrivé à l'IOR en 2012-2013.
Nous citons Benoît XVI:

«Pour moi, l'IOR était depuis le début un grand point d'interrogation, et j'ai essayé de le réformer. Ce ne sont pas des opérations que l'on porte à terme à la hâte, parce qu'il faut se familiariser. C'était important d'éloigner la direction précédente. Il était nécessaire de renouveler la direction (NDR: Ettore Gotti Tedeschi) et il m'a semblé juste, pour de nombreuses raisons, de ne plus mettre un Italien à la tête de la banque. Je peux dire que le choix du baron Freyberg s'est avéré être une excellente solution».

Nous ne sommes pas les seuls à avoir été surpris par ce passage. Parce que nous nous souvenions d'une version très différente des événements.


LA SONNERIE DU GRAND CLAIRON (TROMBETTIER MAGGIORE)
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Pouvait-on ne pas entendre le son strident du Trombettier Maggiore de la Fanfare (primée) Thuriféraire de Sainte Marthe? De fait, vendredi 9 Septembre sur "Vatican Insider" (le "conteneur religieux" de La Stampa) et dans l'édition imprimée du quotidien turinois, est apparu un article d'Andrea Tornielli intitulé, avec une complaisance manifeste: «Ratzinger: ce fut mon idée de changer les dirigeants de l'IOR en 2012».

L'article du Trombettier Maggiore se signale à l'attention du public pour au moins deux raisons.

La première, de caractère stylistico-caractériel. Un tiers des soixante lignes (et la moitié du sous-titre) servent à l'auteur à dénoncer les critiques de François, «pseudo-visionnaires», «prétendus ratzingeriens», dont on souligne les caractéristiques «pathologiques et paroxystique», les «excès de haine plus pathologiques que schismatiques», la «méchanceté verbale». C'est un véritable épanchement de bile (dictée par la nervosité dûe à la réalité confuse de l'Eglise au temps du pape Bergoglio?). Et, en tout cas, un exemple sublime de comportement à adopter en cette année de la Miséricorde.
De plus: on croit comprendre que Tornielli voudrait, motu proprio, ajouter aux traditionnelles sept œuvres de miséricorde corporelles et à la dernière sur le «soin de la maison commune» récemment introduite par le pape argentin également une neuvième oeuvre. Laquelle? La flagellation des critiques afin que la douleur les purifie, les rendant conscients du mal causé.

La seconde, relative à l'IOR. Tornielli écrit, à propos de l'éviction du président Ettore Gotti Tedeschi (votée par le conseil de surveillance le 24 mai 2012, mais confirmée par la Commission compétente de cardinaux seulement au début de 2013, après le remplacement d'un membre):

«Une certaine vulgate a fait passer l'idée que la destitution retentissante du président Ettore Gotti Tedeschi (nommé en 2009, et donc en pleine pontificat Ratzinger), qui a eu lieu d'une manière pour le moins douteuse, a été le résultat d'un complot ourdi par le cardinal secrétaire d'Etat Tarcisio Bertone. Une décision que Benoît XVI aurait subie, incapable de réagir. Mais à la page 209 du livre-interview, le pape émérite répond sans hésitation à Seewald, revendiquant le choix .... »


«UNE CERTAINE VULGATE»?
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«Une certaine vulgate a fait passer l'idée» (NDR: notons cette flagrante volonté acctuelle de se distancer de la "vulgate")?
Et pourtant, qu'écrivait un certain Andrea Tornielli (simple homonymie?) sur Vatican Insider (ces coïncidences sont vraiment merveilleuses) le 22 Octobre 2013, sous le titre péremptoire: «BENOÎT A ÉTÉ TRÈS SURPRIS DE L'ÉVICTION DE GOTTI TEDESCHI», reprenant des passages d'une interview accordée par Mgr Georg Gänswein à Il Messaggero?

«Le pape Ratzinger n'était 'à l'évidence' pas au courant de l'éviction sensationnelle du président de l'IOR Ettore Gotti Tedeschi, advenue d'une manière et dans des circonstances absolument sans précédent dans l'histoire du Saint-Siège et accompagnée d'une tentative de délégitimer personnellement et professionnellement sa personne. (...) C'est Mgr Georg Gänswein, préfet de la Maison pontificale et secrétaire du pape Ratzinger qui l'atteste».

Toujours dans l'article signé par Andrea Tornielli (simple homonymie?) il y avait en particulier une observation très détaillée et précise de Gänswein:

«Benoît XVI, qui avait appelé Gotti à l'IOR pour poursuivre la politique de transparence a été surpris, très surpris par l'acte de défiance envers le professeur. Le Pape l'estimait et l'aimait, mais par respect des compétences de ceux qui avaient les responsabilités, il choisit de ne pas intervenir à ce moment-là. Après la défiance le pape, pour des raisons d'opportunité, même s'il n'a jamais reçu Gotti a maintenu le contact avec lui de manière appropriée, et discrètement».

Andrea Tornielli (simple homonymie?) commentait:

«Selon des indiscrétions, juste avant la démission de Benoît XVI, il avait été décidé une forme de réhabilitation du banquier licencié, qui ensuite n'a pas eu lieu».

Quels merveilleux cas d'homonymies ... qui sait si les deux Andrea Tornielli se connaissent! Mais laissons-les se regarder (en reflet) l'un dans l'autre, et revenons à la très curieuse histoire vaticane.

Les deux versions de l'étrange affaire de l'expulsion d'Ettore Gotti Tedeschi de la présidence de l'IOR, la «traditionnelle» - également corroborée par l'interview citée par Mgr Gänswein - et celle contenue dans les «Dernières conversations» apparaissent difficilement conciliables.
Et donc ... que chacun, s'il le souhaite, se fasse ses propres réflexions (difficile, certes dérangeantes) sur ce qu'il est concevable qu'il ait pu se passer.