Non, toutes les religions ne se valent pas


Voici ce que disait le cardinal Ratzinger dans un entretien de 2003 avec Antonio Socci, pour présenter son livre "Foi, vérité tolérance" (8/1/2016)

>>> L'interview, inédite en français, est à lire en entier dans ma traduction ici: benoit-et-moi.fr/2014-II-1/benoit/foi-verite-tolerance

 

- Eminence, il y a une idée qui s'est affirmée dans la haute culture et dans la pensée commune, selon laquelle les religions sont toutes des chemins qui mènent au même Dieu, donc l'une vaut l'autre. Qu'en pensez-vous du point de vue théologique?

« Je dirais que même sur le plan empirique, historique, cette conception très commode pour la pensée d'aujourd'hui n'est pas vraie. Elle est le reflet du relativisme diffus, mais la réalité n'est pas celle-là, parce que les religions ne sont pas d'une manière statique l'une à côté de l'autre, mais se trouvent dans une dynamique historique dans laquelle elles deviennent aussi des défis l'une pour l'autre. A la fin, la Vérité est une, Dieu est un, c'est pourquoi toutes ces expressions, si différentes, nées dans des moments historiques variés, ne sont pas équivalentes, mais elles sont un chemin dans lequel la question se pose: où aller? On ne peut pas dire que ce sont des voies équivalentes parce qu'elles sont dans un dialogue intérieur, et naturellement, il me semble évident que des choses contradictoires ne peuvent pas être des moyens de salut: la vérité et le mensonge ne peuvent pas être de la même manière des moyens de salut. C'est pourquoi cette idée ne répond tout simplement pas à la réalité des religions et ne répond pas à la nécessité de l'homme de trouver une réponse cohérente à ses grandes question.

- Dans différentes religions, on reconnaît le caractère extraordinaire de la figure de Jésus. Il semble qu'il n'est pas nécessaire d'être chrétien pour le vénérer. Alors, y a-t-il besoin de l'Église?

«Déjà dans l'Evangile, il y a deux positions possibles en référence au Christ. Le Seigneur Lui-même distingue: ce que les gens disent et ce que vous dites. Il demande ce que disent ceux qui Le connaissent de seconde main, ou de manière historique, littéraire, et ce que disent ceux qui Le connaissent de près et sont entrés réellement dans une rencontre vraie, ont expérimenté sa véritable identité. Cette distinction reste présente tout au long de l'histoire: il y a une impression de l'extérieur qui a des éléments de vérité. Dans l'Évangile, on voit que certains disent, «il est un prophète». Tout comme aujourd'hui, on dit que Jésus est une grande personnalité religieuse ou qui mérite d'être compté parmi les "Avatars" (les multiples manifestations du divin). Mais ceux qui sont entrés en communion avec Jésus reconnaissent qu'il s'agit d'une autre réalité, il est Dieu présent dans un homme.

- Il n'est pas comparable aux autres grandes personnalités des religions?

« Elles sont très différentes l'une de l'autre. Bouddha dit en substance: «oubliez-moi, allez seulement sur la route que j'ai montré». Mahomet affirme: «Le Seigneur Dieu m'a donné ces paroles que verbalement je vous transmets dans le Coran». Et ainsi de suite. Mais Jésus ne rentre pas dans cette catégorie de personnalité déjà visiblement et historiquement différentes. Il est encore moins l'un des Avatars, dans le sens des mythes de la religion hindoue.

- Pourquoi?
« C'est une réalité complètement différente. Il appartient à une histoire, qui commence avec Abraham, dans laquelle Dieu montre son visage, Dieu se révèle comme une personne qui sait parler et répondre, entre dans l'histoire. Et ce visage de Dieu, un Dieu qui est une personne et agit dans l'histoire, trouve son accomplissement dans cet instant où Dieu lui-même, se faisant homme Lui-même, entre dans le temps. Donc, même historiquement, on ne peut pas assimiler Jésus-Christ aux différentes figures religieuses ou aux visions mythologiques orientales.