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Le président de l'IOR contre De Kesel

François remet la barrette de cardinal à De Kesel, 19/11/2016

... et De Kesel contre les vocations. Giuseppe Nardi fait état d'une tribune de JB de Franssu dans la très libérale "Libre Belgique" et résume les démêlés de la « Fraternité de Jérusalem » avec le cardinal De Kesel, protégé et successeur de Danneels à Bruxelles (14/11/2017)

>>> Ici la tribune dans "la Libre Belgique".
Marco Tosatti l'évoquait récemment sur La Bussola.

Bruxelles, qu’as-tu fait de ‘Jérusalem’ ?

Giuseppe Nardi
katholisches.info
11 novembre 2017
Traduction d'Isabelle

Dans un article d’opinion, l’actuel président de la Banque du Vatican (IOR) critique l’archevêque de Bruxelles et primat de Belgique. Les dessous d’une initiative singulière.

(Rome/Bruxelles) Le journal La Libre Belgique a publié ce 8 novembre un article exceptionnel à plusieurs égards, sur lequel le vaticaniste Marco Tosatti (La nuova Bussola Quotidiana) attire l’attention. Déjà le nom de l’auteur est remarquable en soi: Jean-Baptiste Douville de Franssu, l’actuel président de la Banque du Vatican (IOR). Un autre point digne d’intérêt est l’identité de la cible : le cardinal Joseph De Kesel, archevêque de Malines-Bruxelles et primat de Belgique.

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Les présidents sont avares de discours
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Il est tout à fait rare qu’un président en titre de la Banque du Vatican prenne des positions publiques. Il est encore plus remarquable que l’article exprime une critique, subtile mais non équivoque, vis-à-vis de l’archevêque de Bruxelles. Le siège métropolitain était, durant cette dernière décennie, le théâtre d’une âpre lutte de pouvoir à l’intérieur de l’Eglise. Bien que le siège fût depuis longtemps solidement aux mains des progressistes, le pape Benoît XVI tenta, en 2010, une opération de libération, afin de dégager l’église belge de l’étau du modernisme. Face à toutes les résistances progressistes, il nomma Mgr André-Joseph Léonard archevêque. Une nomination qui devait être la première pierre d’une restauration de l’église.

Benoît XVI cependant se montra hésitant. Pour ménager le cardinal Danneels, le prédécesseur progressiste au siège primatial, il n’accorda pas la barrette rouge à Mgr Léonard. Précaution qui, dans les faits, fut vaine, car la rage implacable du camp progressiste a jeté une ombre sur tout son pontificat (cf. le cercle secret de Saint-Gall, auquel appartenait Danneels).

Membre du Team Bergoglio, Danneels fut un agent déterminant dans l’élection du pape François. Cela rendit possible une revanche à Bruxelles, prestement réalisée par François. En 2015, aussitôt après son 75e anniversaire, Léonard vit sa démission acceptée et devint archevêque émérite, nonobstant sa bonne santé. L’élévation à la dignité cardinalice lui a été refusée jusqu’à ce jour et il faut constater que la tentative de restauration de Benoît XVI n’aura été qu’une brève parenthèse.

François nomma comme nouvel archevêque Joseph De Kesel, le candidat que souhaitait Danneels déjà en 2010, et le fit entrer rapidement dans le collège cardinalice. A la différence de Mgr Léonard, De Kesel aurait du mal à faire valoir des mérites justifiant une telle promotion.
La ville de Bruxelles revêt également une grande importance, en tant que centre de décision de l’Union européenne (UE).

La tribune de Douville de Franssu dans la Libre Belgique
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Déjà par le choix de son titre, Franssu laisse transparaître sa critique: "Bruxelles, qu’as-tu fait de'Jérusalem'?" La critique porte inévitablement sur le cardinal De Kesel, titulaire du siège archiépiscopal. Il est le fer de lance du progressisme catholique belge et a des connexions romaines, par l’intermédiaire du controversé Danneels, ami et confident du pape François.

Jusqu’ici, le cardinal De Kesel s’est fait remarquer par deux choses: des déclarations progressistes et l’expulsion de communautés fidèles à la foi, pour cette raison très simple : „trop conservatrices“.

Avec une motivation cousue de fil blanc, il décida la dissolution de la Fraternité des Saints-Apôtres, [une association de droit diocésain, n.d.t], prétextant que l’inspirateur de celle-ci, le Père Michel-Marie Zanotti, était un prêtre français [et que la Fraternité comptait trop de membres français, n.d.t.]. Car la France aussi manque de prêtres et, comme on disait hypocritement à Bruxelles, il fallait se montrer "solidaire" avec les évêques du pays voisin.

L’archevêque Mgr Léonard avait fondé cette Fraternité sacerdotale à Bruxelles. Dans une ville en manque cruel de vocations, la Fraternité a produit, en seulement trois ans, 27 prêtres et séminaristes. Nombre trop élevé, d’après les responsables ecclésiastiques bruxellois. L’image traditionnelle du prêtre promue par la Fraternité et les vocations de plus en plus nombreuses n’étaient pas souhaitées dans les cercles progressistes. Une telle attitude n’étonne pas de la part d’un archevêque et cardinal qui, au moment même de son installation, se prononçait pour la suppression du célibat. Or, les vocations sont un obstacle à ce genre de projets.

Les Communautés de Jérusalem
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En février dernier, les Frères et Sœurs des Communautés de Jérusalem devaient, à leur tour, plier bagage.

C’est le cardinal Danneels qui, en 2001, permit aux Fraternités monastiques de Jérusalem, fondées en France en 1975, de s’installer dans l’archidiocèse. Les communautés monastiques ont deux établissements à Rome, l’un à la Trinité des Monts, l’autre à Saint- Sébastien au Palatin. Leur charisme propre est notamment la vie de solitude monastique au cœur des grandes villes. Les communautés ont à nouveau occupé l’abbaye célèbre du Mont Saint Michel en France et également la basilique bien connue de Sainte-Marie-Madeleine à Vézelay. Il y a également des établissements à Cologne (Groß Sankt Martin) et à Strasbourg.

L’implantation belge se trouvait à Saint-Gilles (en néerlandais Sint-Gillis), dans la région de Bruxelles-Capitale, une commune à forte empreinte multiculturelle et comportant plusieurs secteurs problématiques du point de vue social, ce qui signifie en clair : un taux élevé de population musulmane. La paroisse offrait la catéchèse d’adultes, prenait un grand nombre d’initiatives missionnaires et apostoliques, organisait des cercles bibliques et avait mis sur pied une société d’adoration eucharistique. La communauté fut "congédiée" au motif du regroupement de plusieurs paroisses.

Le président Franssu se montre préoccupé par ce qui arrive aux Communautés de Jerusalem. La paroisse Saint-Gilles/Sint-Gillis appartient, dit-il, aux „périphéries prophétiques du pape François“. Durant les 16 années de leur présence, la communauté a montré une grande proximité avec les plus faibles. Des réseaux se sont formés et des amitiés ont été nouées. Les offices, célébrés trois fois par jour, "sont ouverts à tous" :"Ils font partie du paysage", poursuit Franssu.

Mais l’archidiocèse de De Kesel en a décidé autrement. "Pour répondre au manque de prêtres et en vue d’une gestion plus efficace du patrimoine immobilier", de nouveaux regroupements paroissiaux ont été mis en œuvre.

"Quelle perte", selon Franssu, ce départ de la communauté monastique des "périphéries" de Bruxelles ! Le président de la banque laisse également entendre ce que Tosatti dit plus clairement: Bruxelles est une des "villes les plus déchristianisées de l’Europe“. Citons encore Franssu : "L’avenir de la foi et de la culture chrétiennes en Occident est peut-être d’abord dans les villes et doit emprunter des chemins variés mais complémentaires".

Les vocations sacerdotales ne sont pas souhaitées
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Les agissements du cardinal De Kesel, critiqués même par le président actuel de l’IOR, révèlent que les vocations sacerdotales ne sont manifestement pas souhaitées. Le manque de prêtres fournit, à des prélats progressistes comme De Kesel, l’occasion d’arriver à la suppression du célibat sacerdotal et à la création de secteurs paroissiaux plus grands. Cette idée pourrait encore être développée plus avant. En fait, le manque de prêtre ne les arrange que trop bien. Mieux : on dirait qu’il est voulu.

Tosatti mentionne à cet égard une déclaration faite en marge de la dernière assemblée plénière de la Congrégation romaine pour le clergé, où il a été question des "viri probati", qu’il vaudrait mieux désigner avec le statut qu’ils ont en réalité, c’est-à-dire des diacres mariés. Mais il ne dit pas de qui est la déclaration citée ci-dessous. En réalité, il s’agit d’un extrait du rapport de synthèse du cardinal Beniamino Stella, préfet de la Congrégation pour le clergé, présenté le 1er juin 2017 en guise de conclusion à l’assemblée plénière du dicastère, qui eut lieu dans la salle de la Congrégation générale au Siège principal de la Société de Jésus [et à laquelle participait De Kesel, n.d.t.] :

« Je voudrais également souligner le cas des séminaristes ‘traditionalistes’, qui ne sont pas sans poser des problèmes, d’abord à leurs formateurs, et ensuite, après leur ordination, à leurs évêques. Un thème qui doit faire l’objet d’un discernement attentif est la ‘rigidité’, dont le Saint-Père nous a parlé ce matin, impliquant une fixation sur une image passée de l’Église, de même que sur les apparences extérieures, ce qui est particulièrement visible dans le domaine liturgique. Il n’est pas rare que cela révèle des personnalités narcissiques et vaniteuses, ainsi qu’une tendance à fuir les devoirs pastoraux concrets, pour se réfugier dans les formes d’un passé que ces séminaristes n’ont d’ailleurs pas connu et qui n’appartient pas à leur vie ».

Citons à ce propos le commentaire de Tosatti:

« Dès lors, nous avons une situation singulière, en particulier dans des pays comme l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et la France. Les responsables de l’Eglise ne désirent pas de vocations attachées à la tradition de l’Eglise. Est-il étonnant que les séminaires soient vides ?»

Giuseppe Nardi