Benoit-et-moi 2017
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Dans les jardins

Robert Moynihan, directeur d'"Inside" the Vatican, raconte avec beaucoup d'émotion sa rencontre avec le Pape émérite dans les jardins du Vatican le 26 juin dernier (29/6/2017).

Un grand merci au lecteur, Gilles B., qui m'a aimablement transmis cet article encore inédit sur internet, issu de la lettre de diffusion de Robert Monyhan.
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Dans les jardins

Robert Moynihan
27 juin 2017
Ma traduction

* * *

Beaucoup d'années se sont écoulées depuis ma dernière rencontre avec le Pape émérite Benoît.
A 7 heures du soir, hier 26 Juin, je l'ai rencontré en privé dans les jardins du Vatican.
Il y a un an ou deux, j'avais demandé si je pouvais voir Benoît pendant quelques instants, parce que je l'avais interviewé plusieurs fois dans les années 1990, j'avais souvent marché avec lui dans le Borgo, et il avait lu ma thèse.
Son secrétaire personnel, l'archevêque Georg Gänswein, m'avait dit en Avril, au moment de Pâques, que Benoît XVI avait alors un petit rhume, et que ce ne serait pas possible, mais qu'il fixerait une date pour Juin. Cette date est tombée hier.
Nous nous sommes rencontrés près de la Grotte de Lourdes, également connue comme Grotta della Madonna di Lourdes, situé tout en haut du Vatican.
Benoît XVI et son secrétaire vont tous les soirs à la Grotte pour prier ensemble le Rosaire. Ils s'asseoient sur un banc, côte à côte, en priant et en répondant.
Des amis du Pape émérite âgé de 90 ans sont occasionnellemnt invités pour saluer le pape Benoît XVI à la fin du Rosaire, parfois pour seulement quelques secondes, parfois plus longement.
Ma rencontre avec Benoît XVI et l'archevêque Gänswein a duré à peu près 12 minutes.

- À quand remonte notre dernière rencontre?, m'a demandé Benoît XVI, tandis que je me dirigeais vers lui.
- Il y a maintenant beaucoup d'années, ai-je dit. Lors du concert de musique russe dans la salle Paul VI du public en mai 2010 -. Il y a plus de sept ans (Le concert a eu lieu le 20 mai 2010; cf. benoit-et-moi.fr/2010-II)

- Oui, je me souviens, a-t-il dit, parlant en italien.

J'ai vu tout de suite combien le temps avait fait son oeuvre. Il était plus petit qu'auparavant, plus frêle. Mais ses yeux brillaient toujours de reconnaissance et de d'intelligence.
J'ai immédiatement compris que ce n'était pas le moment de parler d'autre chose que de questions personnelles.
J'étais venu pour apporter des cadeaux, et recevoir une bénédiction en retour, et rien de plus.

Ses yeux étaient clairs, et il me reconnaissait.
- J'apporte les salutations de mon père, qui vient d' avoir 91 ans, ai-je dit.
- Ah! Comment va-t-il? Est-il bien?
- Bien, ai-je dit. Très bien. Et j'ai un projet spécial, je travaille à présent à quelque chose qui implique à la fois vous et lui.

J'ai sorti de mon sac d'ordinateur l'exemplaire de mon père de "l'Esprit de la liturgie", achevé par le cardinal Joseph Ratzinger en l'an 2000, et je lui ai montré toutes les notes en marge.
- Il a lu et relu votre livre, et maintenant je le lis et le relis à mon tour, et j'epère produire mon propre commentaire.

Il a hoché la tête, tourné plusieurs pages, puis placé sa main sur le livre, comme pour une bénédiction.
- Merci, a-t-il dit.
- J'ai aussi ici une édition spéciale de notre magazine, Inside the Vatican, pour commémorer votre 90e anniversaire en Avril.

J'ai fouillé dans mon sac et lui ai remis un exemplaire du numéro spécial consacré à lui.
Il l'a ouvert et feuilleté. Il s'est arrêté pour regarder des photos de quatre théologiens à la page 45. La légende disait: «Quelques-uns des penseurs qui ont influencé la pensée de Joseph Ratzinger: Romano Guardini, John Henry Newman, Henri de Lubac, Hans Urs Von Balthasar».
Il a désigné la première photo et dit à l' archevêque Gänswein: « Guardini ... »
Il a passé plusieurs secondes à contempler les photos.

- Je rentre d'Angleterre, ai-je dit. Nous avons visité Littlemore, où Newman a été reçu dans l'Église, et la cellule où fut emprisonné saint Thomas More. Et je vais en Ukraine et en Russie la semaine prochaine ...

Il a haussé les sourcils.
- Nous essayons de nouer des amitiés avec nos frères orthodoxes, ai-je dit.
Et j'ai cherché à nouveau dans ma serviette.
- Voilà une petite icône orthodoxe russe de Jean-Baptiste que j'ai ramenée de notre dernier voyage en Russie. Je sais que vous n'aurez peut-être pas de place pour elle, mais je voulais vous la donner..

- Qui devez-vous rencontrer durant ce voyage? a-t-il demandé.
- Le métropolite Hilarion, peut-être une brève rencontre avec le patriarche Cyril, et puis avec beaucoup d'autres, beaucoup de simples croyants, ai-je dit.

- Ah!, a-t-il dit. Vous connaissez Cyril?
- Nous avons passé une semaine ensemble à un congrès à Vienne en 2006. Je ne le connaissais pas bien, mais nous avons passé ces journées à travailler ensemble, lors d' un congrès intitulé «Pour donner une âme à l' Europe», organisé par le cardinal Schönborn.

Il a hoché la tête.
- Et aussi, ai-je dit, l'été dernier , nous avons voyagé en Bavière, sur les lieux de votre enfance, Marktl-am-Inn, Traunstein, Tittmoning, Altötting, Freising. Et à Ratisbonne , nous avons rencontré également votre frère, Georg, et Rupert Berger. De nombreux pèlerins veulent suivre vos traces, pour visiter les lieux de votre vie...

Il a opiné.
- Ce que je veux dire vraiment dire, ai-je dit, c'est que je vous apporte les salutations et les meilleurs vœux et les prières de tous ceux qui travaillent avec moi, et de tous ceux qui ont été avec nous en pèlerinage, des Philippines, d'Argentine, des États-Unis et du Canada. Tellement d'entre eux m'ont dit qu'ils ont appris de vos écrits et de vos entretiens, aimé vos écrits, et prié pour vous et veulent que vous sachiez qu'ils vous envoient leur amour.
- Merci beaucoup à tous, a-t-il dit.
Il a souri.

- Et pourrions - nous avoir une bénédiction pour notre travail? Et aussi pour mes fils, Christopher et Luc?
- Oui, a-t-il dit. Je me souviens de Christopher quand il était un petit garçon.

Et il a levé la main, et prononcé la bénédiction, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.

Je suis parti de la rencontre avec le sentiment qu'une autre partie de ma vie avait atteint son achèvement.
Bien que le Pape Émérite soit vieux, et que sa force décline, nous avons encore de lui ce qui est le plus important, et c'est sa prière continuelle pour l'Eglise et pour nous. Chaque jour, il prie le chapelet entre 18h30 et 19h. Vous pouvez joindre votre prière à la sienne en priant à ce moment-là.
De cette façon, ce qui doit aujourd'hui être fait dans notre Eglise, et dans notre monde, sera notre tâche aussi bien que la sienne, unis dans la prière.