Sur les pas du Saint-Père en Ecosse et en Angleterre: un récit vivant, sensible, avec même une touche d'humour: "je l'aurai, un jour, je l'aurai", dit une pub. (23/9/2010)



Le Saint-Père a donc regagné la "maison" après un voyage triomphal et émouvant.
Tout au long des semaines précédant le départ, semaines pendant lesquelles tant de voix dissonantes ont tenté de saboter ce déplacement j'ai pensé irrésistiblement à cette publicité pour la MAF dans laquelle on voit le responsable, imperturbable, qui doit faire face aux exigences les plus tarabiscotées d'un assuré, perpétuel râleur de service, qui, échouant à chaque tentative de mettre la compagnie d'assurance en difficulté, se retire en annonçant d'un ton rageur ; "je l'aurai, je l'aurai", dépité mais pas découragé pour autant et bien décidé à coincer ce directeur qui a l'outrecuidance de lui tenir tête. Ne voyez dans cette comparaison aucun manque de respect de ma part à l'égard de notre Pape. Je dis que, lorsque l'on arrive à un tel degré d'aveuglement, que ce soit par bêtise, par haine, il faut avoir le courage de réfléchir sur soi, d'ouvrir les yeux sur ses propres insuffisances et se dire qu'il serait bon de changer de cap et de cesser de se ridiculiser en adoptant une attitude non pas sottement admirative mais pour le moins objective. Je suis sans illusions, c'est trop demander en général, surtout aux Français

A partir de jeudi mon emploi du temps a été rythmé par les directs et flashs de KTO . J'ai tout enregistré afin de pouvoir remettre les deux reportages diffusés en différé dans leur ordre chronologique et ainsi avoir un ensemble cohérent. J'ai tout suivi avec les yeux bien sûr mais surtout avec le cœur, incapable, moi qui ai la réputation d'être si froide, si pragmatique, de retenir les larmes qui sont venues souvent au bord de mes paupières. Ce voyage a été une grâce. Pourquoi avoir parlé presque avec gêne des quelques manifestations qui se sont déroulées? Il ne faut pas oublier que la gay-pride a lieu à Rome aussi et que Benoît XVI n'a pas la naïveté de croire que sa venue va inverser les tendances comme par l'effet d'une baguette magique. Plus que tout autre personne il savait ce qui agitait ces minorités haineuses qui réclament tout et n'importe quoi. Notre Saint-Père n'est pas un animal politique ou un acteur qui tient son pouvoir ( ce terme ne convient pas pour lui) de la crédulité, de l'enthousiasme de foules versatiles. Sa force vient d'en haut, de ce Dieu auquel il a donné sa vie. En pleine forme ou fatigué il redit inlassablement le Credo de ce Dieu dont il est devenu, jusqu'au plus profond de lui-même la bête de somme.

Reprendre ces quatre jours si riches, si intenses me paraît impossible et risquerait d'être lassant. Ce que j'ai retenu c'est l'intelligence lumineuse de ce pape qui aborde tout de face, avec lui pas de langue de bois, pas de questions esquivées mais suffisamment de doigté, de finesse d'esprit et de cœur pour ne pas arriver en conquérant et tout vouloir révolutionner. Il l'a bien précisé : l'Eglise ne cherche pas à faire du chiffre. Il porte sur ses frêles épaules la lourde charge de transmettre le trésor qu'il a reçu, cette foi dans laquelle sa vie baigne depuis sa naissance. Ce grand esprit est une personne pleine d'humilité. Sourire si doux, mains largement tendues qui se laissent prendre et se referment sur la main amie avancée vers lui, visage attentif qui écoute les mots prononcés à son intention, silhouette d'un blanc immaculée avec les mains jointes au niveau de la poitrine pour masquer l'embarras que génèrent les paroles élogieuses qui lui sont destinées: dans ces différentes attitudes il me fait penser à ces moines que l'on a parfois la chance de rencontrer dans les couloirs des monastères; de ces hommes, tout comme de notre Saint-Père il se dégage de la sérénité,le sentiment réconfortant d'être compris.

Dès son arrivée il a été plongé dans un bain de foule avec plein de personnalités qui lui ont été présentées et la reine Elisabeth II a eu la délicate attention de dépêcher le Prince Philip pour l'accueillir à l'aéroport. Notre Saint-Père qui devait évoluer dans des rues désertes à la demande des opposants à son voyage a rencontré une foule très importante, joyeuse, enthousiaste, qui avec des drapeaux, des banderoles, des pancartes, lui souhaitait la bienvenue. J'ai apprécié que la souveraine fasse bien remarquer que c'était elle qui avait invité le pape, donnant ainsi un caractère bien particulier à ce déplacement qui devenait ainsi un voyage d'état. Tous les discours avaient été peaufinés, réglés au millimètre près, rien n'était omis et, fidèle à ce qu'il est, le Saint-Père a tout abordé, jusqu'à parler de la pédophilie dans une homélie (ce qui ne s'était jamais fait). Un évêque au début du pontificat disait bien le connaître et affirmait que pour défendre son Eglise Joseph Ratzinger serait prêt à toutes les audaces, il n'avait pas tort.

Comment a-t-il pu soutenir un tel rythme? Même lorsqu'il est manifestement fatigué, ce qui me paraît plus que naturel, la même douceur, la même sérénité se dégagent de sa personne. Fort heureusement il y a près de lui, pour les célébrations, Mgr Guido Marini, attentif, prévenant, avec des gestes délicats, doux pour veiller à tout. Pendant ces journées il m'a semblé que son cérémoniaire était particulièrement souriant. Les photos ont accordé une part plus grande à son secrétaire, effacé, efficace mais toujours prêt à intervenir.
Il a reçu beaucoup de fleurs remises par les enfants, par les jeunes qui lui apportent avec leur enthousiasme, leur affection, un vrai bain de jouvence. Difficile de ne pas se souvenir de Charles qui lui a été présenté et du geste affectueux de Benoît XVI vers lui, rien de calculé, un souffle de vent frais dans cette fin de matinée, une image captée où pendant un instant le job du Pape s'est effacé derrière la spontanéité du pasteur. Il n'a oublié personne et dans un emploi du temps surchargé il a consacré une heure aux personnes âgées de la maison de retraite St Peter's Residence. Bien sûr il était le Pape mais au milieu des ces souffrances et par la similitude de l'âge il se sentait comme un frère pour alléger les peines qu'il pouvait partager avec elles.
Pas de salle particulière, de la simplicité et une fragile silhouette blanche penchée vers des visages levés, des mains tendues. Ajoutez à cela le partage avec des victimes de la pédophilie et un entretien avec les personnes chargées de la protection de l'enfance. Lors de la rencontre avec le monde de l'enseignement catholique, mais c'est valable pour tout enseignement, il n'a pas hésité à dire d'un ton ferme que l'éducation va plus loin que la transmission, il faut former les âmes, la personne humaine. De lui aussi : la religion est une garantie de liberté en faisant considérer l'autre comme un frère.
il invite les jeunes à devenir des saints. Le bonheur est en Dieu, c'est le réel bonheur (sur le terrain de sport les maillots jaunes portent "benedict16"; qui a dit qu'il n'était pas attendu?)
Il faut aussi noter les châles de tartan offerts au Pape, au secrétaire et à l'évêque tout de suite mis dans la papamobile, la très belle étole bleue offerte par les jeunes et portée par le Saint-Père.; Il ne faut pas oublier les jeunes Anglais qui venaient l'attendre à la nonciature, reprenant ainsi ce qui devenu une affectueuse habitude.

Il faudrait parler de tous les discours qui ont été très bien accueillis..Celui prononcé lors de la rencontre avec le monde académique et culturel, le corps diplomatique et les chefs religieux a été remarquable. Notre Benoît porte une très belle croix pectorale et il quitte Westminster Hall sous des applaudissements nourris.
Il faut se souvenir de la prière commune du pape et de l'archevêque R.Williams, de la bénédiction donnée par les deux chefs religieux en parfaite simultanéité; un geste fort qui aura marqué les personnes présentes. L'accolade entre R.Williams et Benoît XVI lors de l'arrivée à la résidence de l'archevêque était chaleureuse et spontanée et j'ai noté le geste prévenant de R.Williams, à la gauche du Saint-Père, pour descendre les marches. Il y a eu la signature du Livre d'Or et le sourire heureux du Pape.L'archevêque R.Williams était présent lors de la messe du 18 septembre dans la cathédrale catholique et cela a dû remplir de joie notre Saint-Père.

Les messes qui devaient se dérouler dans un désert ont été un véritable triomphe. Que ce soit à Bellahouston Park à Glasgow, dans la Cathédrale du très précieux Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ à Westminster, au Cofton Park de Rednal à Birmingham, on a retrouvé cette foule présente, heureuse de voir, entendre le Pape, ayant pour certains du mal à croire que c'était bien vrai, qu'il était là tant cela leur paraissait, irréalisable. Cette allégresse, cette ambiance festive, familiale, joyeuse mais sans débordements devait porter cet illustre visiteur qui avait bien eu raison de ne pas écouter les voix de sirènes défaitistes qui lui conseillaient de ne pas aller dans ce pays, dans "cette fosse aux lions". Béatrice cette expression vous a choquée mais compte-tenu de ce que l'on entendait et que l'on pouvait lire, elle m'a paru presque modérée. C'était la fête et dans la papamobile entourée par un flot de personnes chaleureuses, enthousiastes, qui couraient pour la suivre même le secrétaire saluait avec un sourire aussi doux que celui de son patron.

La foule immense,inespérée faisait la haie d'honneur à la papamobile qui conduisait Benoît XVI à la veillée du 18 septembre à Hyde Park. Le rassemblement , 100 000, 130 000 personnes? était joyeux, coloré avec les drapeaux aux couleurs du Vatican, des pancartes, des oriflammes , Papa,we love you, un succès évident, inespéré . La foule regroupait tous les âges: des personnes âgées ayant apporté leurs chaises, des enfants même petits, des adultes, le tout très simple avec un pôle d'attraction unique: le Pape. Après un discours réaliste, sans concession, très clair, dans lequel il a invité à la sainteté, à la générosité il a convié les jeunes à venir le rejoindre à Madrid en 2011, il a été très applaudi et cette assemblée, guidée par ce pasteur à la foi indéracinable, a été amenée au temps d'adoration dans le silence. A la fin Benoît XVI est parti pour changer de tenue. Il est revenu tout en blanc et s'est éclipsé en silence pour regagner la nonciature, du pur Benoît XVI.
Pour la messe de béatification les cars ont commencé à arriver dès 3 heures du matin avec la pluie comme compagne, ce qui a déclenché une grande solidarité, chacun partageant avec les autres ce qui pouvait rendre l'attente plus supportable. L'enthousiasme n'a pas faibli . Les mesures de sécurité prises avec inscriptions obligatoires dans les paroisses ont peut-être pu dissuader les changements d'avis de dernière minute mais là aussi tout a été inespéré. Après la béatification par Benoît XVI ( c'est le plus inouï, pensez il a changé d'avis et pourquoi!!) la cérémonie avec une très belle homélie a été suivie par la récitation de l'Angélus.

Il reste la cérémonie de départ précédée de la rencontre avec les évêques d'Angleterre, du Pays de Galles et d'Ecosse.Je pense, peut-être à tort, que c'est à son secrétaire que l'on doit d'avoir vu les trois intervenants rester assis dans la chapelle de ll'Oscott College à Birmingham. Benoît XVI se tournait vers celui qui lui adressait un message chaleureux. Cette parenthèse était ainsi baignée d'une ambiance simple, spontanée, moins protocolaire et permettait à notre pape de souffler un peu. Il a reçu une mosaïque de la Vierge et ses paroles ont été comme de coutume claires, précises, pas de démagogie; les difficultés existent mais avec la foi, l'amitié, tout peut avancer. Son discours a été très applaudi.
Au sortir de la voiture, à l'aéroport, j'ai retrouvé le Benoît XVI que je préfère, tenue blanche immaculée flottant avec le vent, magnifique chevelure blanche sans calotte prudemment mise de côté et le secrétaire, présent, prévenant qui arrange la légère cape et s'assied derrière le Saint-Père pour les discours. Rien ne doit être facile pour lui mais il a l'avantage d'être près de lui pour tous les moments à partager, qu'ils soient favorables ou pas. c'est le Premier Ministre qui prononce un discours chaleureux d'une voix ferme; notre Pape remercie pour toutes les attentions dont il a été l'objet, pour l'organisation impeccable qui a rendu ce voyage inoubliable, pour toutes les personnes rencontrées, l'accueil reçu et la joie d'avoir pu rencontrer les catholiques du Royaume-Uni. Pour cette dernière ligne droite notre Benoît paraissait moins las. On ne comprenait pas les paroles prononcées lors de la présentation des différents membres de la suite papale avant le départ mais les visages étaient souriants , les mains étaient serrées chaleureusement.
La conversation entre le Pape , le premier Ministre et le Vice-Premier Ministre paraissait spontanée, amicale jusqu'au pied de la passerelle.. Benoît XVI a gagne l'avion d'un pas assuré et a salué ceux qui étaient restés au sol avant de rejoindre sagement sa place. Le voyage était fini, il repartait avec son avion d'Alitalia,contrairement à la coutume et Castelgandolfo allait retrouver son Pape.

Ce billet est un peu décousu mais j'ai essayé d'y faire passer la joie, l'émotion, l'admiration, qui m'ont habitée pendant ces quatre journées. Ce voyage présenté comme celui de tous les risques aurait pu l'être sans l'intelligence, la finesse, la classe du visiteur inhabituel. Sa simplicité, son manque évident d'ambition conquérante,sa sincérité, sa foi qui passe à travers toutes ses paroles, son humilité, sa timidité, tout cela à mes yeux en fait un personnage attachant qui, tout en restant proche des plus petits comme des grands de ce monde, a une classe incontestable. Il domine la mêlée sans chercher à le faire parce qu'il offre une personnalité fascinante qui accepte avec un égal bonheur les joies et les peines.
Pour Benoît XVI chaque minute vécue est grâce ( ESM). Mon affection lui est acquise et le voir apprécié, aimé me remplit de joie.