A Loreto, le Pape et l'écologie

Dans le prolongement des commentaires faits à chaud, c'est-à-dire immédiatement après la messe de Loreto du dimanche 2 septembre, les medias n'ont voulu retenir (ou presque) que l'injonction du Pape à sauver la planète. Une façon, une fois de plus, de brouiller son message, et de l'instrumentaliser au profit d'une cause ambigüe. (voir ici: Rassemblement festif et écolo des jeunes autour du pape à Lorette ).
Qu'il nous demande, à sa façon, de protéger l'environnement, n'a rien d'une nouveauté. Encore récemment, lors de l'Angelus à Lorenzago, il a remercié les habitants de cultiver et conserver ce beau jardin qui est la terre.
Il le fait avec des mots qui ne sont pas déformés par les "tics" de langage de la mode. Il n'a pas parlé de "sauver la planète", mais de " salvaguardia del creato", ce qui n'est pas tout à fait la même chose, surtout si l'on tient compte de l'extrême précision de chacun de ses propos! Il emploie d'ailleurs à deux reprises le terme "Creato".

Qu'a dit exactement le Saint-Père?

Je vais me livrer pour une fois à un exercice réducteur, mais objectif, utilisant les fonctionnalités du traitement de texte! A l'intérieur d'une longue homélie de 2000 mots, dans laquelle il développe des thèmes sans doute autrement importants pour lui, il consacre un assez petit paragraphe (150 mots) effectivement à l'environnement. En réalité, la date est propice pour rappeler une initiative de l'Eglise italienne (une journée nationale de sauvegarde de la création, fixée cette année le 1er septembre), désireuse sans doute de ne pas laisser le terrain vide à d'autres sur ce délicat problème, et de prouver qu'elle a aussi son mot à dire sur tous les grands problèmes contemporains (ma traduction, d'après le texte original en italien sur Korazym.org):
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Un des sujets sur lequel apparaît l'urgence d'agir est celui de la sauvegarde de la Création. Aux nouvelles générations est confié le futur de la planète, dans lequel deviennent évidents les signes d'un développement qui n'a pas toujours su protéger les équilibres délicats de la nature. Avant qu'il ne soit trop tard, il faut adopter des choix courageux, capables de recréer une alliance forte entre l'homme et la terre. Il faut un oui décisif à la protection de la création, et un engagemnt fort pour inverser ces tendances, qui risquent de mener à des situations de dégradation irréversible. Pour cette raison, j'ai apprécié l'initiative de l'Eglise italienne de promouvoir la sensiblité aux problématiques de la sauvegarde de la Création, en fixant une journée nationale qui tombe le 1er septembre. Cette année, l'attention se fixe sur l'eau, un bien très précieux, qui, s'il n'est pas partagé de manière équitable et pacifique, deviendra malheureusement un motif de dures tensions et d'âpres conflits.
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Le Pape "écolo" des medias

Voila ce que cela devient sur un site actualites-news-environnement.com auquel le moteur de recherche attribue la première position dans la rubrique <Loreto>
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Le Pape Benoît XVI est-il écologique ?

Le Pape Benoît XVI, qui a dirigé le premier rallye écologique de la jeunesse de l’Eglise Catholique, a déclaré dimanche aux 500000 personnes réunis pour l'occasion que les leaders mondiaux devaient prendre des décisions courageuses pour sauver la planète « avant qu’il ne soit trop tard ».
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Habillé de vêtements verts, le pape a parlé à une foule composée principalement de jeunes gens rassemblés près d’une colline avoisinant la ville Adriatique de Loreto, dimanche.
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Dans ce qui constitue l’un de ses plus forts discours écologiques, le pape Benoît XVI a déclaré : « Des choix courageux qui peuvent recréer une forte alliance entre l’homme et la Terre doivent être prises avant qu’il ne soit trop tard ».
Le Pape a clôt le rallye dimanche par une messe du matin.
Il s’agissait du premier rallye écologique de la jeunesse catholique, qui constitue une rupture avec les rassemblements qui ont laissé dans le passé des tonnes de déchets.
Les participants avaient des sacs faits avec des matières recyclables, des lampes torches fonctionnant avec une manivelle au lieu de batteries, et des sacs poubelles avec des codes de couleur pour que les déchets individuels puissent être facilement recyclés.
Les repas étaient servis dans des assiettes biodégradables.

Des dizaines de milliers de livres de prière pour la prière du dimanche matin ont été imprimés sur du papier recyclé, et un nombre approprié d’arbres seront plantés pour compenser le dioxyde de carbone produit lors de l’événement. Beaucoup d’arbres de cette zone du sud de l’Italie ont été détruits par les feux de forêts récents.
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Le "vêtement vert" du Pape

Rallye écologique... On serait tenté par l'indignation, si l'on n'avait pas vu le "spectacle" concocté pour et par la télévision, le samedi soir. Mais ce spectacle était totalement en marge de la présence du Pape - qui n'y a pas assisté - et du message qu'il a fait passer. Evidemment, il n'est en rien concerné par les problèmes d'intendance, il a autre chose à faire!
Voilà donc encore un catalogue d'absurdités et de méchancetés (les tonnes d'ordure laissées par les précédents rassemblement de la jeunesse catholique!), qui sera hélas sans doute plus lu --lui, ou l'un de ses clones du même ton-- par le jeune public que celui du Vatican!

Le comble est atteint quand l'auteur de l'article évoque le vêtement vert du Saint-Père!!! On ne s'attend évidemment pas à ce qu'il connaisse les détails de la liturgie catholique. Mais qu'il l'utilise à contre-emploi en faisant l'amalgame entre le "vert" des écolos politiques (les "pastèques", selon le mot savoureux de Claude Allègre...) et le vert des ornements liturgiques du temps ordinaire est, au choix, scandaleux... ou ridicule, selon qu'il s'agit de sa part d'un clin d'oeil forcément malveillant, ou d'une simple manifestation d'ignorance.

Le cardinal Ratzinger et l'environnement

Il n'y a aucune ambiguïté dans l'attitude de Benoît XVI face à la détérioration de l'environnement, mais au contraire une grande continuité, qui s'inscrit dans le prolongement direct de sa vision de théologien. Pour lui, l'écologie environnementale est inséparable de ce qu'on pourrait appeler l'écologie humaine, et il est vain d'espérer résoudre un des problèmes en piétinant l'autre. C'est un message, et un avertissement, vers l'écologie politique.
Dans le Dizionario di Papa Ratzinger, il y a une entrée "Ecologie". J'ignore d'où provient le texte qui suit:
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L'idée d'écologie naît de la conscience que nous ne pouvons pas continuer à traiter la terre comme nous le faisons à présent. On peut faire de l'écologie de manière chrétienne, à partir de la foi dans la création, qui pose des limites à l'arbitraire de l'homme, qui fixe des critères à la liberté... Nous devrions donc nous efforcer de rendre possible un nouvel élan, précisément à partir des forces de la création et de la rédemption; libérer ces forces grâce auxquelles l'homme apprend à se poser des limites. Etant donné que maintenant, tout dépend évidemment de cela: que l'homme ne fasse pas tout ce qu'il pourrait faire -il pourrait en fait se détruire lui-même, et le monde avec lui- mais sache opposer au 'pouvoir' la mesure du 'devoir' et de ce qui est licite; qu'il reconnaisse comme limite à son propre pouvoir non seulement les limites physiques mais précisément celles qui définissent la dimension morale. Sans aucun doute, une éducation du genre humain qui puisse s'opposer à la tentation de l'arbre défendu est fondamentale.
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Il me semble clair que c'est l'homme qui menace la respiration vitale de la nature. La pollution de l'environnement , que nous vivons directement, reflète, et est une conséquence de la pollution intérieure, à laquelle nous ne prenons pas suffisamment garde. Je pense que c'est là le défaut des écologistes: ils combattent avec une passion compréhensible et justifiée contre la pollution de l'environnement, alors qu'ils vont jusqu'à considérer comme un des droits de l'homme son auto-pollution spirituelle...(ndt: cf les "pastèques" d'Allègre!) Tant que nous mantiendrons cette caricature de liberté -la liberté de destruction intérieure et spirituelle - nous ne changerons pas ses conséquences extérieures.
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Les craintes justifiées du Saint-Siège

Lorsqu'il parle, comme à Loreto, de la sauvegarde de la création (creato), il est clair que le Pape ne se range pas derrière la bannière des verts.
Et on jugera que les craintes sur les dérives de l'écologie politique ne sont pas vaines, en lisant ce que je viens de lire (assez représentatif d'un certain courant) sur le site www.come4news.com (je passe les grossières méchancetés):
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Ratzinger... a rappelé [que]: Le seul amour autorisé est l'alliance entre un homme et une femme et il est réservé à la reproduction. ...
Nous serons bientôt 12 milliards si on continue à ce rythme. Nous polluerons plus, nous exploiterons plus la planète, nous viderons les océans, il faudra détruire plus de forêts et il faudra nourrir et loger tout le monde. Le premier milliard d'habitants été atteint sous Napoléon 1er. Malgré les guerres et deux guerres mondiales, en un peu plus de 200 ans, la croissance exponentielle s'est amplifiée les dernières 55 années... En 1900, la population mondiale était de 1 milliard 600 millions d'individus. En 1950, 2 milliards 500 millions. En 2005, 6 milliards 500 millions. Selon ce schéma, la population mondiale devrait dépasser 12 milliards bien avant 2050. Pour sauver la planète, Benoît XVI devrait écouter les conseils d'une Noutnoute (ndr: ??) - stérilisée- : inciter au développement des moyens de contraception et légaliser l'avortement. Un autre problème va se poser: la surpopulation dans les cimetières.

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Le Vatican et l'environnement

Sur le sujet du réchauffement climatique (que le Saint-Père n'a même pas évoqué), lire:
- Le réchauffement climatique
- Le Vatican et le réchauffement climatique
On retiendra que le Vatican cherche à faire passer son propre message, en échappant autant qu'il peut aux pressions considérables qui sont exercées sur lui. Et surtout (en réponse aux dérives évoquées plus haut), il prévient que la protection de l'environnement ne devait pas aller contre le développement économique des pays les plus pauvres, ou être utilisé pour la promotion du contrôle des naissances et de l'avortement.