Apocalypto

Apocalypto

Hasard, coïncidence, signe, à la suite de la relation par le Saint-Père lui-même de son voyage au Brésil (Voeux à la Curie et voyage au Brésil ), où il évoque à demi mots les critiques dont il a été l'objet, je viens de voir le film extraordinaire de Mel Gibson, "Apocalypto", qui, selon le synopsis publié sur internet, se déroule "dans les temps turbulents précédant la chute de la légendaire civilisation Maya".

Ex-cinéphile devenu spectateur épisodique et plutôt blasé (ce qui explique mon retard!), peu au fait de l'épisode historique (mais je soupçonne que la plupart des gens qui en ont parlé n'en savaient guère plus que moi), je me suis trouvée totalement captivée, avec l'envie d'en savoir plus: même si certaines scènes sont presque insoutenables, la foi en la vie, en ses valeurs qui transcendent le temps et les religions (cf Benoît XVI), triomphe dans les scènes finales (double message, finalement inattendu, le héro et SA FAMILLE choisissent de rester dans LEUR forêt) et rend le récit finalement optimiste, au moins en ce qui concerne l'individu.
Le film a un tel souffle épique, une telle force, une telle ampleur, (et une telle complexité!), il brasse tellement de faits et d'idées, qu'on ne peut, sans ridicule, prétendre comme le critique de Paris-Match (cité par Wikipedia) « Apocalypto est, avant tout, un grand film populaire dont certaines scènes peuvent prêter à sourire (…) mais qui, si vous vous laissez embarquer, vous garantit un voyage original et mouvementé plutôt exceptionnel ».
Le film peut en vérité susciter une multitude de sentiments, parfois mitigés, parfois même réticents, allant jusqu'à la répulsion, mais à aucun moment il ne prête à sourire. Nous n'avons pas vu le même, ou alors le "critique" de Paris-Match a confondu avec La Grande Vadrouille. Il faut dire que, depuis sa "Passion", Mel Gibson est honni par les bien-pensants. Ils ont sans doute leurs bonnes raisons...
Un film qu'une grande partie de la presse de gauche branchée, "Télérama" en tête, a qualifié de navet ne peut de toutes façons pas être entièrement mauvais!

Civilisations pré-colombiennes


Cela m'a donné l'occasion de ressortir l'exceptionnel (au sens propre) hors-série du Figaro publié pour l'occasion, que j'avais acheté et archivé, au cas où...
L'éditorial de Michel de Jaeghere est une bonne introduction à la "lecture" du film, et une réponse aux critiques contre le discours du Saint-Père. Une invitation, aussi, à méditer sur un "droit d'ingérence" incendiaire prôné par certains, et plus que jamais d'actualité.
En voici un extrait:
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La légende des Mayas a contribué à propager, au siècle des Lumières, le mythe du bon sauvage ; à nourrir l'indignation anticléricale contre les missionnaires qui avaient, à Mani, détruit de précieux livres saints pour dissuader les indiens de continuer à vénérer leurs idoles et à crucifier leurs enfants. L'un des moindres mérites d'Apocalypto est de réduire ce mythe en cendres ; de rendre dérisoire ces indignations bien-pensantes en montrant, dans une succession de scènes insoutenables, la réalité d'un culte qui tenait le sacrifice humain pour « la première source de régénération des forces de l'univers », l'inhumanité d'une société fondée sur le mépris absolu de la vie innocente. Le lui pardonnera-t-on ? Notre époque a ceci de particulier que le passé de l'Occident semble mériter seul d'être inlassablement mis en accusation, et les mêmes qui prônent sans complexe le devoir d'ingérence s'enflamment à l'idée qu'il ait été mis en oeuvre par des rois catholiques, il y a cinq cents ans, contre des souverains pour lesquels l'arrachage des coeurs tenait lieu de sommet de la vie religieuse. «L'utilisation d'un autel sur lequel on étendait la victime sur le dos, avec la tête en position basse, permettait de pratiquer sous la cage thoracique une ouverture par laquelle le sacrificateur pouvait passer la main », raconte le grand mayaniste Claude Baudez. « Les Mayas pratiquaient la double immolation, c'està-dire l'arrachement du cceur destiné au soleil et la décapitation qui inonde de sang la terre assommée. » Les prisonniers étaient torturés avant d'être sacrifiés, « pour dégager une énergie supplémentaire » ; les têtes des captifs étaient utilisées comme trophées par leurs vainqueurs.
Nourri par les travaux les plus récents des historiens, le film de Mel Gibson nous rappelle que les victimes se comptaient par milliers ; que leurs corps s'entassaient, dans la forêt vierge, en d'immenses charniers qui préfiguraient le spectacle qu'a donné, depuis, la barbarie contemporaine. Le sang, sur leurs autels, n'aura guère cessé de couler, pendant des siècles, et si la Conquête espagnole n'a pas été exempte des abus et des heurts qui sont le lot de toute l'histoire humaine, nul doute qu'elle n'ait eu, pour les populations, le caractère d'une délivrance.
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Quand on voit l'explosion d'hostilité (pour ne pas dire pire) qui a accueilli le discours du saint-Père à Aparecida, on se dit que Mel Gibson a touché un sujet sensible, et qu'il a dit une vérité dérangeante.
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Sur ce sujet, on porra lire le livre de Jean Sévilla, "Historiquement correct", qui lui consacre une grande partie du chapitre sur l'Espagne catholique