Sarkozy, la laïcité et les catholiques

Le discours de Nicolas Sarkozy, le 20 décembre dernier, à Saint-Jean de Latran, sur la place du christianisme dans notre société, avait suscité de vives réactions. Celui qu'il a tenu, le 14 janvier, en Arabie saoudite, évoquant sur la « Terre sainte » de l'islam ce « Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le cœur de chaque homme », n'a fait qu'amplifier les remous.

D'autant que, dans le même temps, deux de ses ministres, Brice Hortefeux et Michèle Alliot-Marie, plaidaient eux aussi pour une présence renforcée et décomplexée des catholiques dans notre vie nationale.

On ne peut reprocher au président de la République de manquer de suite dans les idées. Son concept de « politique de civilisation », inauguré lors de ses vœux au pays, se nourrit d'une triple conviction : historiquement, les religions ont eu un effet civilisateur, nos sociétés modernes souffrent d'enlisement dans un matérialisme déshumanisant, donc tout projet collectif porteur d'espérance se doit d'intégrer l'apport des grandes familles spirituelles.

Venant du chef d'un Etat laïque, c'est là, sans conteste, un propos en rupture avec le passé. Il place le monde catholique dans une situation délicate. Car beaucoup, en son sein, tout en validant globalement l'analyse, perçoivent bien qu'elle est loin de faire consensus. Il y a là matière à rallumer, dans notre pays, des querelles jamais éteintes autour de la laïcité.

Or l'Eglise catholique redoute plus que tout, dans un contexte international de montée des identités religieuses et des communautarismes, ce qui pourrait, à son égard, renforcer un soupçon d'intolérance. Cette tension, on le voit par ailleurs, dépasse largement nos frontières, comme des événements récents l'ont illustrée, aussi bien en Espagne qu'en Italie, où l'on sent les épiscopats tout à la fois vigilants et soucieux d'apaisement.

Paradoxalement, les évêques semblent plus enclins à s'appuyer sur le statu quo pour faire entendre leur voix dans quelques débats de société, à leurs yeux essentiels, comme : les lois de bioéthique, la défense de la famille, l'immigration ou le repos dominical, qu'à miser sur un déplacement risqué des contours de la laïcité.

On peut souhaiter que le discours « d'ouverture » du Président ait pour effet d'inciter le monde religieux et le monde laïque à s'entendre, de manière pragmatique, pour faire évoluer notre laïcité à l'abri des déchirements et des surenchères.

René Poujol, Pélerin n°6530, 23 janvier



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