Les catéchèses
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Compléments
La force du christianisme

"Mieux vaut encore les chrétiens"

Troisième article écrit par Vittorio Messori sur le voyage en Bavière. Il est encore consacré aux rapports avec l'islam, à travers la "leçon" de Ratisbonne.

Corriere della Sera, 18 settembre 2006.
Article original en italien ici: La forza del cristianesimo



Les chrétiens de ma génération ont passé une grande partie de leur vie à affronter ceux qui ne croyaient pas en Dieu : les communistes. Et maintenant, ils doivent affronter ceux qui, en un Dieu, croient "trop" : les musulmans.
Si c'est le programme, il ne reste qu'à l'accepter, à condition d'être toujours soutenus par le réalisme évangélique. Celui, par exemple, qui nous rend conscients que la lecture distordue des paroles de Benoît XVI à Ratisbonne n'est qu'un prétexte parmi tant d'autres: ou, quoi qu'il en soit, un détonateur que l'on recherchait.

Le Pape est tombé dans ce qui semble être une généreuse imprudence. L'espace de quelques heures, il a voulu redevenir le professeur Joseph Ratzinger qui s'adresse à ses collègues de l'université où il a enseigné. Une sorte de pause pour lui, qui ressent jusqu'au plus profond de lui-même le poids de la direction d'un milliard de catholiques auxquels il doit s'adresser avec des encycliques, des documents magistériaux, des homélies. Des certitudes qui confirment dans la foi, et non pas des hypothèse et des travaux académiques.

Ayant abandonné, pour un instant, la blanche soutane papale, il a cru pouvoir endosser à nouveau la toge professorale noire.
Dans cette candeur évangélique qui le rend si aimable, étranger à toute ruse, ce qu'il n'a pas pris en compte est que le media-system ne lui permettrait pas de redevenir professeur parmi les professeurs, et qu'il le jugerait en tant que Pape ; que, dans sa majorité, ce "système" ne comprendrait pas une leçon aussi complexe; qu'on aurait recours à des synthèses brutales ; qu'on focaliserait l'attention non pas sur l'universalité de la culture mais sur l'actualité du jour.

Pas toujours par mauvaise volonté, mais par inévitable dérive, le journalisme confirme souvent Joseph Fouché, le diabolique ministre de la police de Napoléon: "Donnez-moi les écrits de n'importe qui et je vous assure qu'en isolant une phrase de son contexte, je serai en mesure d'envoyer celui-ci sur l'échafaud".

En effet, si quelqu'un au fait des mécanismes d'information (et désinformation) avait vu par avance le texte de la lectio magistralis du professeur Ratzinger, il l'aurait prévenu de chercher une citation autre que celle du septième entretien de l'empereur Manuele II Paléologue avec un docte persan:

"Montre-moi ce que Mahomet a porté de nouveau et tu ne trouveras que des choses mauvaises et inhumaines, comme son ordre de répandre la foi à travers l'épée".
Peu importe que ce soit une citation d'un auteur ancien que le même professeur Ratzinger précise et éclaire, ni qu'elle soit donnée avec des précautions comme : "une manière étonnament brusque", "un langage lourd".
Et, malheureusement, peu importe également qu'avec les distinctions que Ratzinger ne manque pas de faire, il décrive une vérité objective.
Seul compte le fait que la phrase allait certainement être tirée hors de son contexte, et, une fois les guillemets ôtés, attribuée non pas à Paléologue mais à Benoît XVI.
La chose était tellement prévisible que certains ont tout de suite prévu une fatwa de mort contre Benoît XVI.
Ils étaient optimistes : il n'y en pas a eu qu'une mais plusieurs, avant que le texte ne soit lu, avant qu'il ne soit traduit en arabe et qu'on aille au-delà des extrapolations abusives des agences de presse.
De toute façon, comme je l'observais au début, la leçon universitaire manipulée n'a été qu'un prétexte comme un autre. Tôt ou tard cela devait se produire.
Alors que le marxisme est un judéo-christianisme sécularisé, l'Islam est, objectivement, un judéo-christianisme simplifié.
Le concept d'ami-ennemi dans une brutalité -justement- simplificatrice, lui est indispensable, au moins dans la lecture qui porte au fanatisme que nous connaissons. Il y a de toute façon, dans les excès musulmans que nous constatons et qui rempliront aussi notre futur, une retombée d'une certaine façon "positive" pour le christianisme.
C'est le piège de la fascination exercée par cette espèce d'évangile de liberté et de justice- ici et tout de suite, pas dans un au-delà illusoire- proposée de ce petit-fils de rabbins que fut Karl Marx. Forte ensuite, et celle-là, pas en crise, l'attraction exercée par le boudhisme qui est, en substance, un athéisme, mais qu'une foule croissante d'occidentaux accueille - peut-être dans une version imaginaire - comme une religion alternative au christianisme.
Et vous verrez que, tôt ou tard, parmi les exportations dont la Chine nous innonde, il y aura sa sagesse, plus ancienne d'un demi-millénaire que notre sagesse évangélique, ce Confucianisme qui fera brèche auprès de beaucoup d'américains et européens.
Cela ne se produira pas, ne pourra pas se produire avec l'islamisme. Le visage qu'il présente est en rupture frontale avec ce "politiquement correct" qui est -dans le bien et dans le mal - notre pensée dominante.
N'oublions pas qu'il a existé, et qu'il existe encore, des cultures et des societés musulmanes bien différentes. Mais ce qui aujourd'hui est présenté aux gens est la version "répulsive" : foules abruties qui agitent les bras, fleuves de sang, guerre sainte, insensibilité sociale, burka et privation de droits pour les femmes, polygamie, exécutions publiques, enlèvements, coups de fouet, menaces, chantages, interdits alimentaires, persécution des homosexuels, intolérance, dogmatisme, tribalisme, littéralisme scriptural, indifférence à l'environnement, et même interdiction de garder avec soi chiens et chats "impurs"...
L'opposé, en somme, de la sensibilité qui a cours aujourd'hui dans les societés démocratiques.

Qu'à Dieu ne plaise : la confrontation - que le chrétien tente d'éviter par tous les moyens, mais qui est recherchée par beaucoup de l'autre bord- la confrontation, si elle a lieu, sera longue et dure mais, au moins cette fois, la cinquième colonne sera exiguë. Les conversions d'occidentaux à Allah sont marginales et concernent en grande partie des questions matrimoniales ou des franges d'extrême droite et d'extrême gauche.
Au contraire : même des phénomènes discutés comme celui de l'"athéisme dévot" montrent que- mis au pied du mur, dans le choix entre Jésus et Mahomet - l'homme occidental redécouvre que, malgré tout, "mieux vaut les chrétiens".
En parlant toujours, bien sûr de croyants: peut-être, encore une fois, la Providence pourrait écrire droit sur des lignes courbes.



Musulmans, les épreuves à surmonter
Padre Pio, le défi des documents

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