Benoît XVI et la "minorité créative" de France
John Allen consacre son billet hebdomadaire à la visite du pape en France (6/9/2008)
Il nous informe sur le site de NCR qu'il couvrira l'évènement, et fera partie des journalistes qui seront dans l'avion papal, "Sheperd One"! A suivre de près, donc.
En attendant, il a fait le -- très sérieux --travail de documentation et de prospection qu'il réalise avant chaque voyage apostolique à l'étranger.
Les deux premiers paragraphes attirent le sourire, pas du tout parce que ce qu'il écrit est faux (quand même: il s'informe sur la France via Frédéric Lenoir, et Le Monde!), mais parce que c'est toujours amusant de savoir ce que l'on pense de nous à l'étranger -- surtout aux Etats-Unis.
Seul un homme de gauche, étranger, par surcroit, peut se permettre d'écrire avec une telle candeur:
L'immigration a longtemps été une pomme de discorde en France, qui a un des pourcentages les plus élevés en Europe de résidents nés à l'étranger, avec une part disproportionnée de musulmans africains du nord.
Chez nous, il serait peut-être traîné devant les tribunaux...
Les analyses sur le taux de natalité record de la France, et la prétendue pratique catholique de notre président (qui n'est pas du tout présenté sous un jour défavorable, notons-le) sont assez savoureuses.
Tout autant que la réputation qu'il nous fait de considérer les "intellectuels" comme des rock-stars!
Article original sur le site de NCR: Benedict hopes to tap the 'creative minority' of French Catholics
Ma traduction.
Benoît espère exploiter la «minorité créative» des catholiques français
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Si, dans quelque étrange univers parallèle, le pape Benoît XVI devait être candidat, cet automne, à la Présidence des États-Unis, il pourrait être un concurrent sérieux.
Les sondages indiquent que Benoît bénéficie d'un taux d'approbation de 75% après sa visite réussie d'avril dernier, il emporte l'adhésion évidente des électeurs de tendance "foi et valeurs" , et il serait difficile de remettre en cause son expérience internationale.
Dans une élection où le "nominé" républicain a 72 ans, même l'âge avancé du Pape ne serait pas nécessairement un handicap. En termes de [..] politique américaine, cependant, il y aurait au moins un problème : il est beaucoup trop pro-français.
Dans "le sel de la terre", en 1997, Joseph Ratzinger rappelait fièrement que sa famille appartenait à un courant qui en Bavière regardait vers la France plutôt que vers la Prusse comme point de référence.
Le pape lui-même parle un français presque parfait, et bien que son identité religieuse profonde s'oppose à l'esprit ultra-sécularisé de la laïcité (en français dans le texte) française, il est cependant admiré pour ses prouesses cérébrales; c'est une nation, après tout, où les intellectuels sont des rock-stars. Depuis 1992, Benoît XVI est membre de la prestigieuse Académie des Sciences Morales et Politiques de l'Institut de France. Le Cardinal Joseph Ratzinger y avait été élu en 1992, prenant le siège laissé vacant par la mort de l'intellectuel et militant russe des droits de l'homme Andrei Sakharovt.
A coup sûr, Benoît XVI n'est pas entièrement immunisé contre le choc des cultures entre les Allemands et les Français. Par exemple, sa critique la plus forte du Concile Vatican II (1962-65) est dans sa réaction à Gaudium et Spes, "la Constitution pastorale sur l'église dans le monde moderne", qu'il a vue comme excessivement marquée par la théologie française, particulièrement l'optimisme de Pierre Teilhard de Chardin.
Néanmoins, quand Benoît XVI atterrira à l'aéroport d'Orly dans une semaine pour sa première visite en France comme pape, il arrivera en tant que francophile confirmé. On peut dire que son voyage du 12 au 15 septembre vers Paris et Lourdes, pour célébrer le 150ème anniversaire du sanctuaire marial a trois niveaux de signification, répartis selon des cercles concentriques:
- L'Europe
- La France
- Lourdes
Jetons un bref coup d'oeil sur chacun d'eux.
L'Europe
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A chaque fois qu'un pape voyage dans un pays d'Europe, il y a toujours une dimension continentale à son message. Ce sera particulièrement vrai dans ce cas précis, puisque la France assure actuellement la présidence tournante de l'UE.
Benoît arrive au moment d'une crise européenne particulière, déclenchée par le conflit entre la Russie et la Géorgie à propos des enclaves détachées de l'Ossetie du sud et de l'Abkhazie. Comme par hasard, la rencontre du 12 septembre de Benoît avec le Président Nicolas Sarkozy à l'Elysée interviendra juste quatre jours après que le leader français ait prévu une mission diplomatique à Moscou et à Tbilissi.
Benoît XVI a abordé la crise trois dimanches de suite durant ses remarques d'Angelus en août, commençant au pire de la crise, le 10 août, quand il a appelé au cessez-le-feu. Une semaine plus tard, le pape a réclamé l'engagement de la communauté internationale, particulièrement de l'UE, et l'ouverture de couloirs humanitaires. Le 24 août, Benoît a mis en garde contre un "retour aux confrontations nationalistes qui ont eu de telles conséquences tragiques à travers l'histoire".
En gros, le Vatican soutient une politique de "partenariat" constructif avec la Russie. Le Saint-siège ne veut manifestement pas un retour aux tensions de la période de la guerre froide, et pas simplement pour les raisons humanitaires évidentes, ni pour la crainte de plusieurs puissances de l'UE --la dépendance croissante du pétrole russe. (Selon le Financial Times, la Russie représente maintenant presque 40% des importations de gaz de l'UE.)
Au lieu de cela, la principale priorité oecuménique des papes Jean Paul II et Benoît XVI a été des relations améliorées avec l'orthodoxie, surtout avec l'église orthodoxe russe. À cet égard, une sensibilité anti-occidentale croissante en Russie n'est pas opportune.
On peut s'attendre à ce que Benoît soutienne les efforts de Sarkozy pour agir en tant qu'intermédiaire, et d'une façon générale pour soutenir la politique de la France, de l'Allemagne et de l'Italie visant à maintenir les voies de communication ouvertes.
Un autre sujet qui sera probablement sur la table est le souci de Benoît à propos de l'immigration. Il a abordé ce point lors de ses remarques d'Angelus le 31 août, après la nouvelle que 70 immigrés africains étaient disparus et présumés morts, après qu'un canot de sauvetage qu'ils avaient utilisé afin d'essayer de traverser la méditerranée ait chaviré.
Benoît a argué du fait que les pays d'origine devraient s'attaquer aux causes premières de l'immigration et supprimer à la racine la criminalité qui lui est liée. En même temps, dit-il, les pays d'accueil sont obligés d'accueillir les immigrés dans un esprit de solidarité humaine. Benoît a insisté sur le fait que les immigrés devraient être reconnus comme "un bien irremplaçable, toujours précieux, [qui] doit être protégé contre les risques graves auxquels ils s'exposent dans leur recherche d'une vie meilleure".
L'immigration a longtemps été une pomme de discorde en France, qui a un des pourcentages les plus élevés en Europe de résidants nés à l'étranger, avec une part disproportionnée de musulmans africains du nord. Sarkozy est connu pour jouer sur les inquiétudes populaires au sujet de la présence islamique croissante dans le pays. Pendant les élections de 2007, par exemple, il a dit : " Quand vous habitez en France, vous respectez ses règles républicaines, vous ne pratiquez pas la polygamie, vous n'excisez pas vos filles et n'abattez pas vos moutons dans votre salle de bains".
Dans cette perspective, toute référence du pape à la politique sur l'immigration est susceptible d'obtenir un vif intérêt de la part des journalistes et des politiciens français.
Pour finir, il est certain que Benoît réclamera une reconnaissance des racines chrétiennes de l'Europe.
Alors qu'il s'agit d'un vieux thème, ce peut être un moment neuf pour en parler. Chacune des trois puissances continentales importantes -- La France, l'Allemagne et l'Italie -- est maintenant dirigée par des coalitions de centre-droit plus ouvertes que dans le passé pour parler publiquement de l'héritage chrétien de leur nation (par une ironie du sort, la France et l'Italie sont dirigées par des politiciens catholiques conservateurs, en grande partie favorables à l'église, qui ont divorcé et se sont remariés, sans annulation du mariage précédent par l'Eglise).
La France
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L'état de l'Eglise en France a longtemps été une source d'inquiétude pour le Vatican. Les taux d'assistance à la messe sont estimés à moins de 10%, et 60% des français reconnaissent qu'ils n'assistent pas aux services religieux. Il y a officiellement 46 millions de catholiques français, mais selon le Pew Forum, seulement 40% des Français s'identifient en tant que catholiques, soit 28 millions -- ce qui implique qu'environ 20 millions de Français sont nés catholique mais ne se considèrent plus comme tels.
La dernière enquête du Pew Forum (sur le Pew Forum, voir mon site consacré à la visite aux Etats-Unis, ndt) a trouvé que seulement 11% des français considèrent la religion comme "très importante" dans leur vie, le niveau le plus bas en Europe.
Frederic Lenoir, rédacteur-en-chef du Monde des Religions a récemment conclu que "dans ses institutions, mais également dans sa mentalité, la France n'est plus un pays catholique".
Compte tenu de ces réalités, les responsables de l'Eglise ont adopté une double politique: susciter ce que Benoît XVI a appelé une «minorité créative», à savoir un noyau catholique réduit, mais passionné par son identité, tout en s'efforçant d'ouvrir quelques petites brèches dans la culture laïciste afin que cette nouvelle présence catholique puisse trouver une nouvelle respiration.
Comme preuve que quelque chose est en train de bouger, quand le Pape Jean Paul II a rassemblé en mai 1998 les "nouveaux mouvements" Place Saint-Pierre, 250 mouvements étaient représentés -- dont presque 150, soit 60%, trouvaient leurs origines en France.
Le plus connu est peut-être la Communauté d'Emmanuel, fondée par le laïque français Pierre Goursat en 1976. (Goursat, d'ailleurs, pensait qu'il avait été guéri de la tuberculose en 1944 à Lourdes. Il est mort en 1991.)
Les observateurs notent également une nouvelle génération de "prêtres de la génération Jean Paul II" en France, dont beaucoup ont été dynamisés par la visite du précédent Pape en 1995, à l'occasion des JMJ.
La France est également l'une des rares nations européennes à résister à la baisse constante du taux de natalité. Aujourd'hui la France a l'un des indices de fertilité les plus élevés en Europe, et si cela continue, au milieu du siècle, la France dépassera l'Allemagne comme plus grande nation d'Europe.
Benoît XVI encouragera ces signes de vie, et pas seulement parce que la France a une riche tradition catholique. Une église française revitalisée pourrait également être un point-clé comme référence pour le catholicisme francophone dans le monde, particulièrement en Afrique. La République démocratique du Congo, par exemple, est destinée à être une des puissances catholiques du 21ème siècle. D'ici 2050, ce sera le cinquième plus grand pays catholique dans le monde, avec 97 millions de catholiques, seulement derrière le Brésil, le Mexique, les Philippines, et les Etats-Unis. D'autres importantes populations catholiques de langue française se trouvent au Burundi, à Madagascar, à Haïti, au Rwanda, au Vietnam et au Cameroun, en plus de la Belgique et du Québec.
D'une façon générale, vers 2050, la population catholique des 40 nations où le français est la langue principale sera approximativement de 280 millions de personnes, soit 18% de la population catholique mondiale. Etant donné la démographie jeune des nations africaines, on peut penser que le catholicisme francophone au 21ème siècle pourrait devenir "la plus jeune fille de l'Eglise."
A l'évidence, le Vatican voudrait voir le pays-mère s'intéresser à ces jeunes églises, mais cela nécessiterait la vitalité ecclésiastique de la France elle-même.
En termes de politique française, le vent semble aujourd'hui aller dans le sens "l'Eglise est de retour" (ndt: il a sûrement lu les enquêtes sur le retour des cathos parus dans différents magazines de news français).
Sarkozy a salué l'"immense patrimoine culturel, moral, intellectuel et spirituel des valeurs" du catholicisme français, et n'est pas timoré sur le sujet des racines chrétiennes de l'Europe - un point que la France a notoirement résisté à insérer dans le préambule de la nouvelle constitution européenne. Sur ce point, un journal français a estimé récemment que la France est sortie d'un long "purgatoire" dans ses relations avec le Vatican.
Il convient de noter que l'ouverture de Sarkozy à l'Eglise n'est pas sans rencontrer des critiques. Quand il a rendu visite à Benoît XVI à Rome en décembre 2007, le principal quotidien français, Le Monde, a publié en première page une caricature montrant Sarkozy habillé en évêque, avec le Président George Bush en arrière-plan tenant un drapeau américain et une croix, et disant "Je pense que ce type me vole mon job."
Tandis qu'en France, il est vraisemblable que Benoît XVI plaidera pour ce qu'il appelle une " saine laïcité", qui respecte l'autonomie légitime de la sphère séculière, sans nier l'identité culturelle de la nation, ni exiler la religion de la vie publique.
Lourdes
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En bref, l'histoire de Lourdes commence en 1858, quand la tradition prétend que la Vierge Marie est apparue à une jeune paysanne de 14 ans appelée Bernadette Soubirous, qui a fait part de 18 de ces apparitions sur plus de sept mois. Entre autres, on dit que Marie a indiqué une source aux pouvoirs miraculeux. Pour cette raison, Lourdes est devenu le principal sanctuaire de guérison du monde chrétien. Des dizaines de milliers de guérisons ont été attribuées à Lourdes, bien que les autorités de l'Eglise n'en aient officiellement reconnu que 68.
Le voyage de Benoît à Lourdes lui offre une opportunité de réfléchir sur deux aspects-clé de la spiritualité catholique : la Vierge Marie, et la théologie de la souffrance.
En ce qui concerne Marie, le pape admet qu'il a subi un processus de conversion (ndt ??? pas exactement).
Dans une interview réalisée en 2000 , Ratzinger a dit que quand il était jeune prêtre et théologien, influencé par la nature christocentrique du mouvement liturgique en début du 20ème siècle et par l'éthos protestant de la théologie de langue allemande, il était sceptique au sujet de la dévotion mariale.
En fait, une de ses sorties les plus "rosses" sur Vatican II est son commentaire de 1964 sur la seconde session, quand il écrit que les appels pour de nouveaux titres mariaux et des consécrations du monde à Marie ne reflétaient pas vraiment les lumières théologiques des évêques.
Dans le livre interview de 2000 qui devait devenir le livre "Voici quel est notre Dieu" (ndt: il s'agit du livre d'entretiens avec Peter Seewald ), cependant, Ratzinger écrivait : "Plus j'avance en âge, plus la mère de Dieu est importante pour moi et près de moi".
A la question "que représente Marie pour vous personnellement?", Ratzinger répond: " Une expression de la proximité de Dieu."
Sous une forme ou une autre, il est probable que Benoît XVI réféchira à Lourdes sur six arguments qu'il a proposés pour la première fois en 1984, alors qu'il était préfet de l'Office doctrinal du Vatican, à l'appui des appels pour un renouvellement de la doctrine et de la dévotion mariale:
1. Le dogme et la tradition mariales pointent vers et protège l'enseignement de l'Eglise sur le Christ. Par exemple, selon Ratzinger le dogme de l'immaculée conceptionde de Marie est une manière de défendre l'enseignement que le Christ était Dieu vrai et homme vrai, parce qu'il signifie que celle qui devait introduire le Christ dans le monde avait été préservée de tout temps à cette fin. De plus, dit-il, le dogme souligne également le rachat -- Marie était la première à jouir du rapport reconstitué avec Dieu, cette "pleine de grâce " que le Christ promet à tous. (la tradition soutient que quand Marie est apparue à Bernadette, elle s'est annoncée comme "l'immaculée conception".
2. La doctrine mariale illustre le rapport réel entre l'écriture sainte et la tradition. Les dogmes tels que l'immaculée conception et l'Assomption ont leurs racines dans l'écriture sainte, dit Ratzinger, mais ils ont fleuri et se sont développés au cours du temps.
3. En tant que jeune fille juive qui est devenue la mère du Christ, Marie est, selon Ratzinger, le prototype des relations entre Juife et Chrétiens et de l'unité entre l'Ancien et le Nouveau testament.
4. La dévotion mariale stimule une spiritualité enracinée non seulement dans la tête mais dans le coeur, protégeant de ce fait le christianisme contre des tendances rationalistes et puritaines.
5. Marie est un archétype de l'Eglise en tant que mère aimante, dit Ratzinger, par opposition à une institution bureaucratique ou à une arène de lutte sociopolitique.
6. Marie est un modèle pour des femmes, selon Ratzinger, qui assure l'élément féminin dans le christianisme.
Parmi les sanctuaires mariaux du monde, Lourdes a une place spéciale dans le coeur de Benoît -- en partie à cause du livre "Le chant de Bernadette", publié en 1942 par un juif tchèque de langue allemande appelé Franz Werfel. Quand la deuxième guerre mondiale éclata, Werfel et son famille se réfugièrent à Lourdes. Poursuivis par la Gestapo, ils furent mis à l'abri par une série de familles français qui racontèrent à Werfel l'histoire de Bernadette. Bien qu'il ne se soit jamais converti au catholicisme, Werfel a néanmoins développé une dévotion profonde à Bernadette; entre autres, selon les historiens, il espérait que son livre servirait à contrer un "best-seller" polémique sur Lourdes écrit par Emile Zola, qui y dénonçait ce qu'il considérait comme commerce et superstition de l'endroit (sur ce thème, voir ici: Lourdes, miracle de la foi résistant aux attaques).
Benoît, qui lui-même a vécu au cours des années de guerre, a dit que le livre de Werfel a eu un impact fort sur lui.
Peut-être que la réflexion la plus développée de Ratzinger sur Lourdes est celle qu'il écrivit dans "Dieu et le monde" il y a huit ans, et il est intéressant de la citer longuement :
"L'histoire de Lourdes est pour moi particulièrement émouvante… cette fille simple, qui n'a rien apporté de son côté qu'une grande pureté intérieure, [était] entourée en ce siècle de rationalisme par un rationalisme très cru et très anticlérical, mais également confrontée au scepticisme des autorités de l'Eglise qui, au début, à juste titre, n'ont agi qu'avec une grande prudence. Dans ce climat spirituel plutôt froid, en fait presque glaçant, elle put présenter le visage de la mère de Dieu. Dans le signe de l'eau vivante et qui guérit, elle nous montre également un signe de la puissance salvatrice de la création, qui est réveillée par Marie elle-même….
Que la chrétienté soit rendue compréhensible comme religion du coeur, et comme réalité curative, dans laquelle l'âme simple devient l'âme voyante, reste pour nous un grand signe. … Là, les gens entrent en contact avec le mystère du Christ, encore et toujours. Par cette eau miraculeuse, ils sont renvoyés aux grandes et curatives eaux du baptême, qui est la véritable source du Bien, un cadeau que nous fait le Christ."
A cause des sources, Lourdes agit comme un aimant pour les pélerins malades et handicapés du monde entier qui aspirent à un traitement. C'est un des rares endroits où les malades et les infirmes sont la norme, et où l'individu en bonne santé se tient à l'écart, sa présence semblant presque exiger une explication. La ville accueille les malades et les handicapés, y compris avec les couloirs spéciaux dans les rues pour les fauteuils roulants plutôt que pour les bicyclettes.
Pour cette raison, Lourdes est également pour les papes l'endroit idéal pour réfléchir sur la souffrance, souvent désignée dans la spiritualité chrétienne sous le nom de "théologie de la Croix." Cette dimension a émergé de façon particulièremen claire lors de la visite de Jean Paul II en 2004, quand le pape mal portant s'est déclaré "un malade parmi les malades."
En bref, il est probable que Benoît arguera du fait que lon doit résister à la douleur autant que possible, mais là où elle est inévitable, la disposition chrétienne appropriée est d'accepter la souffrance dans l'espoir, unissant sa propre douleur à celle du Christ sur la croix. Dans ce sens, la souffrance peut avoir une valeur spirituelle positive.
Les plus récentes réflexion de Benoît sur la douleur sont venues dans son encyclique Spe Salvi de novembre 2007, et il est probable que ses réflexions à Lourdes incluront certaines des mêmes idées. Le pape a écrit (source):
Il faut certainement faire tout ce qui est possible pour atténuer la souffrance: empêcher, dans la mesure où cela est possible, la souffrance des innocents; calmer les douleurs; aider à surmonter les souffrances psychiques.... mais l'éliminer complètement du monde n'est pas dans nos possibilités. (35)
La mesure de l'humanité se détermine essentiellement dans son rapport à la souffrance et à celui qui souffre. Cela vaut pour chacun comme pour la société. Une société qui ne réussit pas à accepter les souffrants et qui n'est pas capable de contribuer, par la compassion, à faire en sorte que la souffrance soit partagée et portée aussi intérieurement est une société cruelle et inhumaine. Cependant, la société ne peut accepter les souffrants et les soutenir dans leur souffrance, si chacun n'est pas lui-même capable de cela et, d'autre part, chacun ne peut accepter la souffrance de l'autre si lui-même personnellement ne réussit pas à trouver un sens à la souffrance, un chemin de purification et de maturation, un chemin d'espérance. (38)
[..] la capacité de souffrir par amour de la vérité est la mesure de l'humanité; cependant, cette capacité de souffrir dépend du genre et de la mesure de l'espérance que nous portons en nous et sur laquelle nous construisons. Les saints ont pu parcourir le grand chemin de l'être-homme à la façon dont le Christ l'a parcouru avant nous, parce qu'ils étaient remplis de la grande espérance.(39)