Le débat sur les Roms
L'un des "dossiers chauds" de la rentrée, nous dit-on. Rappel du discours prononcé par le Pape le 11 juin 2011, recevant au Vatican 1500 représentants des "gens du voyage" (22/8/2012)
La rentrée du gouvernement fait grand bruit dans nos medias, qui ne nous avaient pas habitués, depuis fort longtemps, à autant de révérence envers le "pouvoir" (François Hollande qualifié de "notre président"...). Parmi les sujets chauds, dans un pays chamboulé par la crise économique, la situation des Roms (dont on se demande si la mise en avant n'est pas un simple réglement de comptes entre factions rivales de la gauche, et surtout si elle est au coeur des préoccupations des Français... mais on sait à quel point ceux-ci sont réputés racistes et mauvais).
On a beaucoup entendu, ces jours-ci, le Père Arthur, un prêtre qui s'est fait connaître flatteusement en 2010 pour avoir annoncé publiquement qu'il priait pour que Nicolas Sarkozy ait une crise cardiaque. Un héro courageux, pour les medias.
Récemment, il a annoncé à l'AFP qu'il avait décidé de baptiser des enfants Roms (en fait, une dizaine...) pour dénoncer l'expulsion prochaine et "sans solution" de trente familles vivant dans un campement près de Lille. Belle initiative, s'il s'agit d'accueillir des enfants dans la famille de Dieu, et pas de récupération politique. Mais le bon Père devrait se rendre dans n'importe quelle barre de HLM habitée par des français "de souche": il constaterait que s'il s'agit de baptiser des enfants, il y a du travail!
Et il a peut-être oublié l'essentiel: La force la plus puissante d'intégration est la religion. Loin des plateaux télé.
Il n'est pas question de remettre en cause le désintéressement de son engagement, mais sa médiatisation a malheureusement donné l'impression que l'Eglise, et en particulier le Pape, ne se préoccupent pas du sort de ces gens (si l'on excepte un angelus surmédiatisé, en août 2010, cf. benoit-et-moi.fr/ete2010/ , pour mettre Nicolas Sarkozy en difficulté).
Or, rappelons-le, le 11 juin 2011, Benoît XVI recevait au Vatican 1500 "gens du voyage", parmi lesquels des Roms, à l’occasion du 150° anniversaire de la naissance d’un gitan martyr de la foi, Zéphirin (Ceferino) Giménez Malla, fusillé sommairement par les Républicains en 1936 en Espagne, au bord d’une fosse commune, pour avoir essayé de défendre un prêtre et refusé de renier publiquement sa foi (cf. http://benoit-et-moi.fr/2011-II)
Extrait du dicours
Votre histoire est complexe et, à certaines périodes, douloureuse. Vous êtes un peuple qui dans les siècles passés n'a pas vécu d'idéologies nationalistes, n'a pas aspiré à posséder une terre ou à dominer les autres. Vous êtes restés sans patrie et, idéalement, vous avez considéré l'ensemble du continent comme votre maison. Toutefois, de graves et préoccupants problèmes persistent, comme les relations souvent difficiles avec les sociétés dans lesquelles vous vivez.
Malheureusement, au fil des siècles, vous avez connu le goût amer du manque d'accueil, et parfois de la persécution, comme ce fut le cas durant la Seconde Guerre mondiale: des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants ont été sauvagement exterminés dans les camps de la mort. Ce fut - comme vous le dites - le Porrajmos, le "Grand dévorement", un drame encore peu reconnu et dont on mesure avec difficulté les proportions, mais que vos familles portent imprimé dans leur cœur. Lors de ma visite au camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau, le 28 mai 2006, j'ai prié pour les victimes de la persécution et je me suis incliné devant l'inscription en romani, qui se souvient de ceux des vôtres qui sont tombés. La conscience européenne ne peut pas oublier tant de douleur! Que plus jamais votre peuple ne soit victime de vexations, de rejet et de mépris! De votre part, recherchez toujours la justice, la légalité, la réconciliation et efforcez-vous de ne jamais être à cause de la souffrance des autres!
Aujourd'hui, grâce à Dieu, la situation évolue: de nouvelles perspectives s'ouvrent devant vous, tandis que vous acquérez une nouvelle prise de conscience. Au cours du temps, vous avez créé une culture aux expressions significatives, comme la musique et le chant, qui ont enrichi l'Europe. Beaucoup d'ethnies ne sont plus nomades, mais cherchent la stabilité avec les nouvelles attentes envers la vie. L'Eglise chemine avec vous et vous invite à vivre selon les exigences difficiles de l'Évangile, confiants dans la force du Christ, pour un avenir meilleur. L'Europe elle aussi, qui réduit les frontières et considère comme une richesse la diversité des peuples et des cultures, vous offre de nouvelles possibilités. Je vous invite, chers amis, à écrire ensemble une nouvelle page de l'histoire, pour votre peuple et pour l'Europe! La recherche d'un logement et d'un emploi décent et l'éducation de vos enfants sont les bases sur lesquelles construire l'intégration dont vous tirerez bénéfice, vous, et la société toute entière. Donnez, vous aussi, votre collaboration active et sincère, afin que vos familles s'insèrent dignement dans le tissu social de l'Europe! Parmi vous, nombreux sont les enfants et les jeunes qui désirent s'instruire et vivre avec les autres et comme les autres. Je les regarde avec une affection particulière, estimant que vos enfants ont droit à une vie meilleure. Que leur bien soit votre plus grande aspiration! Préservez la dignité et la valeur de vos familles, petites Églises domestiques, parce qu'elles sont de véritables écoles d'humanité (cf. Gaudium et spes, §52). Que les institutions, pour leur part, s'emploient à accompagner ce chemin de façon adéquate.
Enfin, vous aussi vous êtes appelés à participer activement à la mission évangélisatrice de l'Eglise, promouvant l'activité pastorale dans votre communauté. La présence parmi vous des prêtres, diacres, personnes consacrées, qui appartiennent à votre groupe ethnique, est un don de Dieu et un signe positif du dialogue des Églises locales avec votre peuple, qui doit être soutenu et développé. Faites confiance, et écoutez ces frères et sœurs, et avec eux, offrez l'annonce cohérente et joyeuse de l'amour de Dieu pour le peuple tsigane, comme pour tous les peuples! L'Eglise désire que tous les hommes se reconnaissent enfants d'un même Père et membres de la même famille humaine....
(Le discours d'un père, ma traduction)
Faisant une explication de texte minutieuse du discours du Saint-Père, Massimo Introvine écrivait:
Le Pape, cependant, s'est tenu à l'écart de toute rhétorique de victimisme, qui dans ce domaine fait souvent de graves dégats, rappelant aux Roms et aux Sintis que l'intégration ne peut pas venir uniquement de l'extérieur mais qu'elle exige un réel effort de leur part. La réinstallation dans des logements qui dépassent la logique du «nomadisme», et donc des camps nomades et l'éducation des nouvelles générations sont des processus qui rencontrent des difficultés qui découlent des gouvernements, mais souvent aussi des Roms eux-mêmes.
Il y a un troisième point, loin d'être secondaire, qui ne relève pas du mandat des organisations internationales, mais qui est au cœur de la mission de l'Eglise. La force la plus puissante d'intégration est la religion. Parlant avec les Roms, comme cela m'est arrivé souvent récemment, on découvre que beaucoup d'entre eux ont l'impression - en partie injuste, mais répandue - que les catholiques engagés dans leurs communautés, s'occupent principalement de promotion humaine, tandis que ceux qui parlent de Jésus-Christ et offrent l'Evangile aux non-chrétiens sont le plus souvent issus des communautés protestantes pentecôtistes - très présentes chez les Roms, notamment en France - ou des nouveaux mouvements religieux. Paradoxalement, de nombreux Roms nés catholiques continuent à se tourner vers des organisations religieuses pour la protection de leurs droits, mais ensuite assistent à l'office des Pentecôtistes ou les Témoins de Jéhovah en matière de religion. Le Pape a appelé les Roms et les Sintis catholiques à renforcer, toujours en suivant l'exemple du Bienheureux Zéphyrin «le dévouement à la prière et en particulier au chapelet, l'amour de l'Eucharistie et des autres sacrements", assurant que ceci "vous rendra forts, devant le risque que les sectes et autres groupes ne mettent en péril votre communion avec l'Église".
(http://benoit-et-moi.fr/2011-II)