Christianophobie: l'affaire Pussy Riot

Blasphème à la cathédrale du Christ St-Sauveur à Moscou. Punition par la justice russe, unanimement condamnée par les medias. Mais quel était exactement le délit? Mini-revue (18/8/2012)

Le délit, le voilà!

Une liturgie punk, le 21 février 2012 à la cathédrale du Christ Saint-Sauveur à Moscou en prononçant une prière « Vierge Marie, deviens féministe, délivre-nous de Poutine! »
Pas de quoi fouetter un chat, entend-on partout. (1)

Aucun rapport avec Benoît XVI? Peut-être. Mais tout à voir avec l'intolérance anti-religieuse qui empoisonne les medias, et dont lui-même est en permanence la cible.

De nombreux blogues de tous bords ont consacré des articles à cette affaire, et si j'en parle à mon tour aujourd'hui, c'est parce que les mensonges répétés en chapelet depuis que l'affaire a éclaté commencent à me donner la nausée, surtout si les politiques s'en mêlent. Une petite voix en plus pour rétablir la vérité n'est pas de trop.

Je crois plus simple de reproduire pour commencer la notice wikipedia , en l'accompagnant d'un pastiche de la mention d'hypocrite rigueur dans les pubs pour l'alcool: "à lire avec circonspection". Mais en recoupant plusieurs sources (2), l'ensemble paraît une synthèse cohérente.
(et toujours selon wikipedia, "pussy" est un terme grossier, voir ici; comme "riot" signifie "émeute", la combinaison des deux mots implique quelque chose d'assez intraduisible sur ce site; mais les medias, que l'on ne peut pas soupçonner d'être bégueules comme moi auraient pu en profiter pour former leurs lecteurs).

Pussy Riot est un groupe de punk-rock féministe russe, formé en 2011. Le collectif organise des performances artistiques non autorisées à Moscou pour promouvoir les droits de la femme en Russie et, en 2012, pour s’opposer à la campagne du premier ministre Vladimir Poutine en vue de l'élection présidentielle. Trois d'entre elles sont condamnées à deux ans de camp pour « vandalisme » et « incitation à la haine religieuse » par la justice russe le 17 août 2012.
Leur costume habituel est constitué de robes légères et de collants, même par grand froid, et leurs visages sont cachés par des cagoules colorées, à la fois pendant leurs concerts et pendant les entrevues. Le collectif est constitué d'une dizaine de chanteuses et d'une quinzaine de personnes qui s'occupent de l'aspect technique de production de vidéos qui sont publiées sur Internet. Le groupe dit s'inspirer du groupe de punk-rock américain Bikini Kill et du mouvement Riot Grrrl des années 1990.
Certains membres du groupe sont liés aux activistes du groupe Voina dont Nadejda Tolokonnikova qui, alors qu'elle était enceinte de 8 mois, s'est déshabillée et a participé à une séance filmée de relations sexuelles réelles (non simulées) en groupe et en public à l'intérieur d'un musée, dans le cadre d'une action anti-Medvedev.

Je trouve qu'on est assez loin de la gentille blague de potaches (au féminin) mais beaucoup plus proche de l'activisme politique pur et dur, où la russophobie (alliée à la haine de Poutine) se combine à la christianophobie pour rencontrer un écho maximum dans les medias.
Et si le jugement est excessif, risquant par le même coup de créer des "martyres", il aura au moins un aspect positif: la prochaine fois que des rebelles en peau de lapin (de ceux qui veulent bien défier le pouvoir, à condition que ce soit sans aucun risque) envisageront une action d'éclat, ils y regarderont à deux fois - ou alors, ils sauront qu'ils doivent prendre leurs responsabilités.

La médiacratie de gauche - pléonasme récurrent - unanime a brandi derrière les pétroleuses le panache blanc de la démocratie et de la liberté d'expression. A cet égard, la "une" de Libé est une parfaite synthèse de ce qu'on a pu lire ou entendre partout, mais cela n'étonnera que les naïfs qui croient encore qu'il y a une pluralité de la presse.
Et hier, la ministre de la culture, Aurélie Filipetti est venue, au micro d'Europe 1, exprimer sa vertueuse réprobation des moeurs moyennâgeuses de la Russie de Poutine. Enfin, fait inouï, le quai d'Orsay s'est permis d'émettre une note de protestation.

Plus surprenant (enfin, pas vraiment, à la réflexion), la Vie s'est rangée du côté des furies.
Dans la newsletter "Chrétiens en débat" d'hier (www.lavie.fr/chroniques/chretiens-en-debats/), je lis en effet ce titre surprenant:

Le procès stalinien
Les chrétiens doivent-ils soutenir les Pussy Riot ?

Les trois jeunes femmes du groupe de punk russe Pussy Riot ont été condamnées le 17 août à deux ans de prison pour "hooliganisme" anti-religieux. Elles étaient incarcérées depuis six mois pour avoir chanté une prière anti-Poutine dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou. Alors qu'elles bénéficient d'un important soutien international, le débat a pris de l'ampleur en Russie au sein de l'Eglise orthodoxe.

Et la lettre de La Vie, qui se présente une revue de presse des blogs chrétiens, cite celui de Stéphane Fath (historien français né en 1968, normalien de Saint-Cloud, spécialisé dans l'étude du protestantisme évangélique, selon wikipedia) qui affirme que « le courage prophétique des Pussy Riot renvoie à un gros malaise. Car enfin, une partie du christianisme européen, durant des siècles, a trempé dans les mêmes compromissions qui ternissent aujourd'hui l'image du patriarcat de Moscou et son chef suprême.»
Et qui va jusqu'à se demander si «les Pussy Riot ne seraient pas des "prophétesses d'aujourd'hui". Une chose est sûre : elles ont dénoncé les violations des droits de l'homme, l'injustice faite aux femmes, la corruption du pouvoir, le règne de l'argent... C'est peut-être ça leur vrai crime».

Sébastien Fath a clairement pris position, et derrière lui, "La Vie".

Ce serait bien que cet "espace de débat" qu'est leur newsletter donne la parole au bord opposé, qui a aussi ses arguments.
Et d'abord la video reproduite en haut de cette page, mise en ligne sur le site Observatoire de la Christianophobie, où l'on voit le corps du délit: une "liturgie" qui évoque davantage un rite satanique ou une bacchanale qu'un sketch humoristique, et dont on comprend qu'elle ait pu blesser profondément des gens venus à la cathédrale pour, tout simplement, prier.
La réaction de leurs amis à la sentence n'est pas mal non plus: rien moins que la profanation d'un crucifix, par une femme seins nus (voir ici) .

Je me demande si les persécutions anti-religieuses, en France, sous la Révolution, puis en Russie, sous l'ère communiste, n'ont pas commencé par ce genre de provocations.

* * *

(1) En réalité, il y a eu bien plus, et bien pire.
Massimo Introvigne a été interrogé par Vatican Insider, et mon ami de Belgicatho a eu la bonne idée de traduire.
Il précise:
Les Pussy Riot ont chanté une chanson où les déclarations ne se limitent pas à des déclarations politiques mais traitent le patriarche orthodoxe de « prostituée », et dont le refrain parodiant la liturgie orthodoxe répéte « la merde, merde, merde du Seigneur ». Et elles n'ont pas chanté cela dans leurs locaux, ou sur une place, mais bien dans la cathédrale de Moscou, un des lieux plus sacrés de l'orthodoxie russe ».

(2) Le Salon Beige indiquait en lien cette tribune libre (cf. http://fr.rian.ru), publié par Alexandre Latsa, un journaliste français qui vit en Russie et anime le site DISSONANCE (http://www.alexandrelatsa.ru) , destiné à donner un "autre regard sur la Russie". Il collabore entre autre avec l'Institut de Relations Internationales et Stratégique (IRIS).