De l'enfant "voulu" à l'enfant "venu"

Les enfants sont un don du Seigneur, et non pas une propriété exclusive. L'homélie d'une grande actualité du Cardinal Caffara, archevêque de Bologne, en la Fête de la Sainte Famille (31/12/2012)

     

Carlo Caffara , né en 1938, est archevêque de Bologne depuis 2003. Il a été créé cardinal par Benoît XVI lors du consistoire du 24 mars 2006.
Au sein de la Curie romaine, il est membre de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples, du Tribunal suprême de la Signature apostolique, du Tribunal de la Rote romaine et de l'Académie pontificale pour la vie.

Voici l'homélie qu'il a prononcée ce dimanche en la fête de la Sainte Famille (texte en italien surZenit, ma traduction)

BOLOGNE,
dimanche 30 Décembre 2012
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La première lecture (*) nous donne une grande leçon, et de dramatique actualité. Elle commence par la constatation d'un fait commun: «Anne conçut et enfanta un fils et lui donna le nom de Samuel».
Mais cette femme en donne l'interprétation la plus profonde: «Du Seigneur, je l'ai obtenu».
L'existence de cet enfant ne trouve pas son explication ultime dans le concours de lois biologiques, mais dans une libre décision du Seigneur: c'est un don du Seigneur à une femme qui le lui demandait comme une grâce.
La conséquence qu'Anne tire de tout cela est la suivante: «Le Seigneur m'a accordé la grâce que je lui ai demandée. C'est pourquoi je vais à mon tour en faire don au Seigneur: tous les jours de sa vie, il est cédé au Seigneur».
Cet enfant, sa personne ne peut être considérée simplement comme le fruit du sein de sa mère, une sorte de propriété exclusive. Elle le cède au Seigneur pour toujours. Cette page spendide a une analogie profonde avec la narration évangélique.

Le moment central du récit est le dialogue entre Jésus, âgé de douze ans, perdu et retrouvé dans le temple, et sa mère Marie (*).

Arrêtons notre attention sur la réponse de Jésus: «Pourquoi me cherchiez-vous? Ne savez-vous pas que je dois m'occuper des choses de mon Père?».
Jésus, en premier lieu, s'étonne devant un fait que, comme Marie et Joseph, nous considérons normal: ayant perdu leur fils, il ne peuvent que se mettre à sa recherche avec une grande anxiété. Quelle est la raison de l'étonnement de Jésus? C'est ici que nous touchons le cœur de l'Évangile d'aujourd'hui.

Jésus se trouve là où il doit être, où il ne peut pas ne pas être: dans «les choses du Père». Il révèle qui est son véritable père. Ce n'est pas Joseph. C'est une autre, Dieu Lui-même. «Je lui appartiens»: c'est comme si Jésus disait: «Je ne peux me trouver, comme fils, que dans la maison de mon Père». Et Jésus utilise un verbe très fort: «Je dois». Dans les évangiles, le mot est utilisé en référence à une disposition du Père envers Jésus, à laquelle il obéit. Jésus nous révèle donc une appartenance bien plus forte que celle qui le lie à Marie, et bien sûr à Joseph.

J'ai dit que l'enseignement sur quoi convergent la première lecture et le passage de l'Evangile est d'une actualité dramatique aujourd'hui. Pour de nombreuses raisons, sur lesquelles je ne peux pas m'étendre beaucoup, mais que je veux au moins mentionner.

C'est désormais la conviction de beaucoup que l'enfant ne peut pas être simplement «attendu», mais doit être «voulu». Bien sûr, derrière ce changement de perspective, il peut y avoir cette attitude que l'Eglise aussi recommande quand elle parle de la procréation responsable. Mais normalement, à preésent, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Et la relation du parent avec l'enfant «voulu» est profondément différent de la relation avec l'enfant «venu» [cf A. Polito, Contro i papà , Rizzoli, Milan, 2012].

La différence réside dans le fait que l'enfant «voulu» risque d'être considérée non pas comme quelqu'un, mais comme quelque chose dont j'ai désormais besoin pour mon bien-être psychologique. Le passage ultérieur vers la vision cohérente de l'enfant comme un «bien» est, dans cette logique, un risque très réel. Exactement le contraire de ce que dit aujourd'hui la parole de Dieu.
La conséquence la plus grave de ce changement culturel profond dans la relation parents-enfant, c'est que le couple s'attribue l'autorité de porter un jugement sur le droits on non à l'existence de l'enfant conçu, mais non voulu. On a ainsi légitimé la suppression de celui-ci, sur la base de l'idéologie «en faveur du choix» [pro-choice].
Mais dans le même temps - et ce n'est qu'une contradiction apparente avec ce que je viens de dire - si le rapport juste est seulement avec l'enfant «voulu»; s'il devient quelque chose de nécessaire pour leur propre bonheur, alors toutes les techniques qui peuvent produire l'enfant voulu sont légitimées. Et le produit est à la sisposition du producteur.

Chers frères et sœurs, Je voudrais conclure en attirant votre attention sur un détail du récit évangélique. En parlant de Marie et de Joseph, l'évangéliste dit, «ils ne comprirent pas ce qu'il leur avait dit», et de Marie, il ajoute: «Sa mère gardait toutes ces choses dans son cœur»
Vous pouvez voir le chemin de la foi de Marie. Elle n'est pas en mesure de pénétrer le sens des paroles de Jésus, mais elle ne les refuse pas pour autant. Au contraire, elle les conserve dans son cœur, les méditer, jusqu'à en être pleinement illuminée.

Dans une culture où l'origine d'une nouvelle personne humaine n'est plus comprise dans son sens le plus profond, non pas un don de Dieu, mais le résultat aléatoire de lois biologiques de plus en plus soumises à la maîtrise technique de l'homme, gardez dans votre cœur la Parole qui aujourd'hui vous est dite, ainsi vous serez de vrais témoins de la vérité sur l'homme.

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(*) Lectures du jour (http://www.aelf.org/office-messe?date_my=30/12/2012)
1ère lecture : L'enfant donné par le Seigneur (1 S 1, 20-22.24-28)
Lecture du premier livre de Samuel

Le temps venu, Anne conçut et mit au monde un fils ; elle lui donna le nom de Samuel (c'est-à-dire : Dieu exauce) car, disait-elle : « Je l'ai demandé au Seigneur. »
Elcana, son mari, monta au sanctuaire avec toute sa famille pour offrir au Seigneur le sacrifice habituel et celui du vœu pour la naissance de l'enfant.
Anne, elle, n'y monta pas. Elle dit à son mari : « Quand l'enfant sera sevré, je l'emmènerai : il sera présenté au Seigneur, et il restera là pour toujours. »
Lorsque Samuel eut été sevré, Anne, sa mère, le conduisit à la maison du Seigneur, à Silo ; elle avait pris avec elle un taureau de trois ans, un sac de farine et une outre de vin.
On offrit le taureau en sacrifice, et on présenta l'enfant au prêtre Éli.
Anne lui dit alors : « Écoute-moi, mon seigneur, je t'en prie ! Aussi vrai que tu es vivant, je suis cette femme qui se tenait ici près de toi en priant le Seigneur.
C'est pour obtenir cet enfant que je priais, et le Seigneur me l'a donné en réponse à ma demande.
À mon tour je le donne au Seigneur. Il demeurera donné au Seigneur tous les jours de sa vie. » Alors ils se prosternèrent devant le Seigneur.

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Evangile : Les parents de Jésus le retrouvent chez son Père (Lc 2, 41-52)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Chaque année, les parents de Jésus allaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque.
Quand il eut douze ans, ils firent le pèlerinage suivant la coutume.
Comme ils s'en retournaient à la fin de la semaine, le jeune Jésus resta à Jérusalem sans que ses parents s'en aperçoivent.
Pensant qu'il était avec leurs compagnons de route, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances.
Ne le trouvant pas, ils revinrent à Jérusalem en continuant à le chercher.
C'est au bout de trois jours qu'ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions,
et tous ceux qui l'entendaient s'extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses.
En le voyant, ses parents furent stupéfaits, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ! »
Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m'ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C'est chez mon Père que je dois être. »
Mais ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait.
Il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements.
Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes.