La grande surprise de Jean: post-scriptum

L'Abbé Carmignac

Le Père de la Potterie et l'Abbé Carmignac: Deux "savants maudits" ostracisés par leurs pairs et objet de la sympathie de Vittorio Messori. (21/10/2012)

>>> Cf.
La grande surprise de Jean (Partie I)
La grande surprise de Jean (Partie II)

L'article de Vittorio Messori que j'ai traduit en français a attiré l'attention de mon amie Teresa, qui l'a à son tour traduit en anglais (ici): je m'en réjouis. Et je la remercie d'avoir précisé:

Vittorio Messori n'a jamais été un simple journaliste qui a écrit sur l'Eglise, et a publié des livres-interviews avec deux Papes, mais il est surtout un spécialiste de la religion chrétienne, ayant écrit de nombreuses études sur le sujet. En fait, il s'est distingué pour avoir été cité par Benoît XVI dans le second volume de Jésus de Nazareth, pour la thèse qu'il a formulée dans son livre "Il a souffert sous Ponce Pilate" (ndt: cf. 'Pati sotto Ponzio Pilato', cité dans 'Jésus de Nazareth', ed du Rocher, 2011, page 335), sur la Passion et la Mort de Jésus, où il dit que Jésus a agi selon la loi juive quand il a "nettoyé" le Temple de Jérusalem.

L'article m'a valu aussi une réaction très intéressante - mais critique - d'un lecteur beaucoup mieux informé que moi, selon lequel "la théorie du Père de La Potterie ne tient pas la route". Je ne peux pas la reproduire ici, parce que sa réponse ne m'appartient pas plus que l'article de Messori, et que je vois mal mon petit blog servir de plateau à un débat sur l'interprétation de l'Evangile de Jean, dont je serais en quelque sorte l'arbitre sans rien connaître au sujet!
Je me permets cependant de reproduire ces deux passages:

(...) comme tout chercheur qui croit avoir trouvé quelque chose de génial mais qui est très fragile, il cherche des preuves et des témoins.
(..)
Il n'y a certes rien qui mette en danger la foi catholique. SAUF qu'un auteur malveillant peut, à partir de cette thèse si peu étayée, tourner en ridicule l'oeuvre du P. de la Potterie et jeter le soupçon sur l'exégèse catholique

Mais c'est tout le problème de la recherche scientifique, dont les protagonistes sont des hommes.
Que les "savants" débattent, cherchent la vérité à tâtons, se trompent parfois, et même se querellent, quoi de plus normal? Pour comparer avec un sujet profane qui concerne tout le monde, il suffit de voir le débat (lui aussi biaisé!) qui entoure aujourd'hui le "global warming".
Le problème, avec les travaux du P. de la Potterie, et qui est souligné dans l'article de Vittorio Messori, ce n'est pas tant la querelle avec ses pairs, ou la possibilité que ses théories soient tournées en dérision, que le fait que cette querelle n'ait pas eu lieu. S'il était si facile de réfuter ses arguments - et c'est ce qu'affirme mon lecteur, preuves (?... cela dépend évidemment si les sources sont de première, ou de seconde main, ou encore plus lointaines, auquel cas il y a presque sûrement eu brouillage) à l'appui - , pourquoi ne l'ont-ils pas fait? La vérité, c'est qu'au nom de l'idéologie, ils l'ont snobé.

Messori explique en effet (cf. La grande surprise de Jean (Partie I)):

Le Professeur de la Potterie avait exposé sa thèse extrêmement documentée dans deux articles d'au moins 50 pages chacun sur Marianum , la revue de la Faculté théologique pontificale homonyme, déjà en 1978, et il avait repris le discours, enrichi par de nouvelles recherches en 1983. Cette centaine de pages, remplie de notes et de citations en latin, en grec, et en hébreu a été lue par des spécialistes qui, cependant, avait choisi le silence.
Cela arrive souvent dans le monde des spécialistes de la Bible: ce qui pourrait remettre en question les modèles et les préjugés hégémoniques du moment est mis de côté, si un éreintement n'est pas possible en raison (comme dans le cas présent) du sérieux rigoureux de la recherche et de l'autorité de l'auteur. Je me souviens combien, dans un de ses derniers appels téléphoniques, le vieux savant se désolait du silence autour de cette importante question.

L'autre aspect qui émerge de l'article en question, et ce n'est pas le moindre, c'est évidemment un formidable support d'évangélisation; et l'évangélisation ne s'adresse pas uniquement aux "savants", et même, pas à eux en priorité. L'évangélisation s'adresse surtout aux simples.

L'épisode ne peut manquer de rappeler un autre texte, issu du blog "félin" du Mesnil Marie, rappelant la mémoire d'un prêtre français, l'Abbé Jean Carmignac, l'un des plus grands spécialistes des fameux manuscrits de la Mer Morte, et dont "les travaux exégétiques attestent l'origine hébraïque des Evangiles ainsi qu'une datation proche des événements qu'ils relatent".
J'en avais parlé ici (http://tinyurl.com/8wqeyme ), et je renvoie les lecteurs intéressés au blog leblogdumesnil.unblog.fr/ (cela vaut vraiment la peine de le redécouvrir).

La parenté entre les deux savants biblistes en quelque sorte maudits, tous deux victimes des préjugés modernistes de leur époque, l'Abbé Carmignac et le Père de la Potterie, saute aux yeux. Mais ce qui était sorti de ma mémoire, et que je redécouvre à l'instant, c'est que cette parenté est en quelque sorte matérialisée par l'intérêt que leur a porté à l'un et à l'autre Vittorio Messori.
On (re)trouvera ici un extrait de son ouvrage "Enquête sur le christianisme" , où il fait le récit de sa rencontre mystérieuse, en 1984, dans une pauvre chambre du XVIIe arrondissement de Paris, à côté de la paroisse Saint-François de Sales avec le vieux prêtre souriant et cordial qui l'accueille parmi ses livres.

* * *

En conclusion, et pour en revenir au Père de la Potterie, ce n'était pas mon intention (et pour cause!) d'affirmer que l'hypothèse qu'il défend - avec quelle passion! - est LA vérité. En revanche, il est tout à fait légitime de discuter sur les Textes qui fondent notre foi, comme sur tout fait se rapportant à l'Histoire, et du reste Vittorio Messori prenait bien soin de conclure son article en écrivant:

Quoi qu'il en soit, il y a une chose qui trouve une énième confirmation: l'Écriture est encore capable de nous réserver des surprises, dont certaines - comme dans le cas dont nous parlons - se rapportent à cette Mère de Dieu dont le mystère est en même temps discret et inépuisable.